"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
avril 1, 2023
« Rien n’est plus vieux que le journal de ce matin et Homère est toujours jeune » Charles Péguy.
Ajouter du bruit au bruit, de la confusion à la confusion, substituer à la froide raison la dangereuse émotion, tels sont – entre autres – les maux dont souffrent nos sociétés. Et il arrive certes que l’émotion ébranle l’architectonie de nos sociétés que la raison n’aurait pu modifier.
Voici 12 photos qui n’ont pas changé la face du monde mais qui pour reprendre la formule de Dominique David « ne nous font pas entrer dans un nouveau monde, mais nous expliquent, avec force, que ce monde est là… »1
Il n’empêche. La violence est consubstantielle à l’histoire du monde. Le délicieux et inoxydable, et hélas trop tôt rappelé à Dieu, Giulio Andreotti eût un jour cette phrase «La sécurité à Rome ? Rien de nouveau. Regardez, au début ils n’étaient que deux, Romulus et Remus. Eh bien, il y en a un qui a tout de même trouvé le moyen de tuer l’autre… »
Dans la même veine Pierre Chaunu écrivit ainsi : «Au commencement était la violence. Quand la violence devint intolérable, jaillit la guerre. Et la guerre, règle introduite dans le désordre, commença à faire reculer la violence… »
Nous avons longuement hésité avant de diffuser ces photos sur notre blog.
Chacune d’entre elles reflète sinon la vérité à tout le moins une vérité ! C’est leur colligation orientée qui pose problème.
Mais elles existent et représentent une réalité indiscutable et indubitable.
Indiscutables mais disputables !
Indubitables mais opposables !
Ainsi en dénonçant dans un seul camp idéologique (à trois exceptions près) des abus que rien ne saurait autoriser on oublie que sorties du champ libéral, ses photos auraient été encore plus atroces sous d’autres cieux !
Si tant est qu’elles eussent pu être prises et publiées. Nous avons -de notre propre chef- enlevé une photo dont l’authenticité prête à débat. Certaines de ces photos relèvent du voyeurisme, fléau hélas si répandu dans la presse. Pour autant si la presse s’en repaît c’est parce que la nature humaine si complaît.
Il est d’autre part tellement plus facile de fustiger l’égoïsme des Etats que cela permet de dégager les responsabilités individuelles.
Nous comprenons parfaitement que certaines photos peuvent choquer certains. Nous acceptons également que le fait d’en refuser leur valeur per se puisse choquer d’autres. Aux uns et aux autres nous leur demandons de les analyser de façon apophantique et non incantatoire.
L’indignation vertueuse est la sœur jumelle du cynisme le plus achevé. Aristote disait que la politique est l’art de créer l’amitié parmi les membres de la Cité. Pour autant la politique, chose noble entre toutes, – même si d’aucuns ont tendance à l’oublier ou vouloir l’oublier – c’est la gestion la moins mauvaise possible d’un problème.
Chaque cliché mériterait de vastes développements. Nous nous contenterons de brefs commentaires.
Che Guevara
Vouloir faire passer Che Guevara pour un révolutionnaire romantique relève de la plus grande confusion mentale. C’est oublier que le bras armé de Castro avait les mains pleines du sang des innocents qu’il avait assassinés.
À l’exigeant trébuchet de l’histoire des grands criminels, Che Guevara figure dans toutes dans les toutes premières places. Et Dieu sait que la compétition y est féroce! Le photographe qui se croyait, ou rêvait artiste révolutionnaire aurait dû dédicacer cette photo à tous ceux qui ont croupi dans les goulags, Lao gai chinois et dans les camps de la mort en Corée du Nord.
Gageons que le criminel Douch devait avoir sa photo en bonne place au camp 21 au Cambodge.
La photo d’Omeyra Sanchez nous démontre une fois de plus combien certains gouvernements font preuve non seulement de cynisme et d’égoïsme (ce qui à la limite n’est pas le plus grave, et en cela ils sont l’émanation parfaite des individus) mais aussi d’incurie. La banalisation du mal n’est jamais loin ! Il est facile au photographe ayant pris cette photo de se réfugier derrière son devoir d’information, certes nécessaire.
Mort à la porte du paradis est intolérable. Intolérable car cela ne relève pas d’une quelconque catastrophe naturelle. Intolérable car des idiots déguisés en touristes puissent continuer à bronzer stupidement et tranquillement alors que la mort rôde à quelques mètres d’eux.
Intolérable aussi d’amalgamer cette photo à un problème aussi complexe.
Intolérable aussi la démagogie qui consiste à se servir de cette photo pour verser dans l’angélisme le plus destructeur.
Intolérable de se demander ce qu’a fait l’homme derrière le photographe.
La petite fille au Vietnam.
Disons-le tout de suite, pour avoir soutenu au Vietnam le combat des G.I. s qui une fois de plus ont versé leur sang afin que des hommes puissent vivre libre, ne saurait justifier l’emploi du napalm auprès des populations civiles. Rien ne saurait justifier de telles exactions !
Raymond Aron disait certes : «Rappelons d’abord, puisque tant de commentateurs veulent oublier cette vérité de sens commun, que la guerre a toujours consisté à user de la violence physique pour contraindre la volonté de l’ennemi… »2
Pour autant il n’a pas approuvé de tels excès. La guerre ne permet certes pas d’éviter les victimes collatérales mais elle ne saurait justifier le bombardement ex ante de civils innocents.
Avoir compris et approuvé la guerre au Vietnam ne nous rend pas aveugle. Mais il n’y a pas lieu d’être fier de l’usage du napalm.
Camus écrivit ainsi : «Mais j’ai une idée juste de ce qu’est la honte »3
Et en cette affaire stigmatiser les massacres commis par les Nord-Vietnamiens n’excuse rien. Cette photo illustre parfaitement ce que Gérard Chaliand disait : «Laissez-moi vous assurer qu’il n’y a rien de plus tournée vers soi-même qu’une démocratie en guerre. Très vite elle devient victime de sa propre propagande. Elle tend à attribuer à sa cause une valeur morale qui déforme sa vision des choses. Son ennemi devient l’incarnation du mal tandis que son propre camp est le modèle de toutes les vertus… »4
Et d’ailleurs Raymond Aron écrivit : « l’Histoire ne prouve pas que Dieu est américain, parce que les États-Unis ont gagné toutes les guerres. L’Histoire prouve simplement, selon le mot de Napoléon, que Dieu est du côté des plus gros bataillons… »5
Exécution à Saigon
Cette photo, à elle seule, explique la non victoire des USA au Vietnam. Pas sûr que Richard Milhous Nixon, qui demeurera pourtant un des plus grands présidents américains, eût prononcé cette phrase s’il avait vu cette photo: «Les gens réagissent à la peur, pas à l’amour. Ce n’est pas ce que l’on enseigne au catéchisme mais c’est la vérité…»6.
L’on se rappellera également cette phrase d’un poète latin : « il ne faut pas propter vitam vitae perdere causas… »
«Monsieur le Préfet de Police c’est pousser un peu loin la manie des arrestations que de faire arrêter les aiguilles de la pendule de l’opéra » Talleyrand. En l’occurrence le criminel colonel de la police vietnamienne est allé beaucoup plus loin.
L’afghane aux yeux clairs.
Ce regard illustre tout à la fois l’espoir le plus fort et l’angoisse la plus atroce. On se rappellera dans une bouffée d’air frais Camus : «La culture ne saurait vivre où meurt la dignité… » « …L’honneur est un luxe réservé à ceux qui ont des calèches… Non il est la dernière richesse du pauvre… »7
Baiser sur Times Square
La vie est plus forte que tout et cette photo illustre peut-être ce que Francis Fukuyama a voulu dire par la Fin de l’Histoire et le Dernier Homme. L’Histoire de l’Humanité c’est aussi cela. La grande aventure du bonheur !
Le Rebelle Inconnu nous inspire ce que Hegel disait : « Ici encore la vérité est à la fin de l’histoire… » Selon toutes les sources et toutes les probabilités ce Rebelle fut exécuté par le bras assassin des Chinois. Son acte héroïque reste gravé avec celui de Jan Palach dans le marbre de nos mémoires à jamais reconnaissantes et débitrices. Il est de notre devoir, à tous, d’essayer de nous acquitter de notre dette envers eux !
Protester en silence relève de la même posture même si les bonzes se trompaient d’adversaire.
À tout le moins il valait mieux vivre à Saigon qu’à Hanoi. Pour autant, des gifles se perdent lorsque l’on se remémore le commentaire de la « délicieuse » Madame Nhu «Tout ce que les bouddhistes ont fait pour ce pays, ç’a été de faire griller un moine sur un barbecue »8.
Pour un peu on applaudirait la CIA d’avoir outrepassé les ordres de Kennedy de se débarrasser de son mari et de son beau-frère.
La chute fatale
Pierre Hassner a superbement résumé la guerre asymétrique menée par Al Qaïda et autres assassins comme une lutte entre « Barbares et Bourgeois ».
Pour autant cette photo et les autres « …ne nous font pas entrer dans un nouveau monde mais nous expliquent avec force, que ce monde est là… »9
La violence consubstantielle à l’état du monde encore et toujours !
Pour autant Charles Philippe David a raison de dire et de constater « La fin du terrorisme d’extrême gauche et la naissance du terrorisme religieux associé à l’islamisme radical : celui d’un « islamisme qui se fait guerrier faute de pouvoir continuer à être politique… »10
Il aurait pu aussi dire : devenir plutôt que continuer.
L’aumônier tenant dans ses bras un soldat blessé.
Quand l’église va jusqu’à encourager la violence. À sa décharge l’Eglise aura su donner le meilleur comme le pire.
Lutte pour la terre perdue.
Là aussi lorsqu’un État se révèle incapable d’assurer sa mission première à savoir protéger ses citoyens et lui assurer une existence décente, les déconvenues les plus dévastatrices adviennent.
Certes il aura fallu plusieurs siècles à nos démocraties occidentales pour y arriver. Et certes le Brésil fait partie des BRICS. De là à en voir un futur géant il y a un fossé.
L’ultime photo.
« Donc veillez car vous ne savez ni le jour ni l’heure »11
Si Montaigne a pu écrire que l’homme est « divers et ondoyant » il en va de même pour les Etats du monde.
Einstein disait : «Ce qu’il y a de plus incompréhensible c’est que le monde soit compréhensible. »
En guise de conclusion : «La liberté abrite l’abîme le plus profond et le ciel le plus sublime » Joseph von Schelling
« Am Amfang war die Tat. Was machst du an der Welt, sie is schön gemacht ». “Au commencement était la création que te reste-t-il à faire dans le monde il est déjà fait ? »Goethe
A tout Seigneur, tout honneur laissons le mot de la fin à Albert Camus: « La liberté est un bagne aussi longtemps qu’un seul homme est asservi sur la terre.
J’étais libre et je ne cessais de penser à la Russie et à ses esclaves. »12
Leo Keller
Notes
1 In la Guerre et la Paix Charles Philippe David Sciences Po Presses.
2 In carnets les crises 5 janvier 73
3 Camus in les justes
4 in Russia and the West under Lenin and Stalin
5 Raymond Aron in chroniques de la guerre froide 13 décembre 1950
6. Richard Nixon cité par Antoine Coppola in Nixon
7 Camus in les justes
8 in André Fontaine un seul lit pour deux rêves
9 in La guerre et la Paix Charles Philippe David Sciences Po presses
10 in La guerre et la Paix Charles Philippe David Sciences Po presses
11 Matthieu XXV. 13
12 Camus in les justes
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=bY34sJetrhg&w=420&h=315]
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