"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
mars 22, 2023
LE CERCLE – Dans ce contexte de taux d’intérêt durablement bas, Olivier Marty, professeur à Sciences Po, plaide pour que les Etats européens maximisent leurs dépenses d’investissement.
Publié le 25/07 in Les Echos
Le débat de politique économique s’est récemment enrichi d’ une contribution importante d’Olivier Blanchard, du Peterson Institute. Selon cet économiste reconnu, le niveau durablement bas des taux d’intérêt devrait permettre de dégager des marges de manoeuvre budgétaires utiles au financement de l’investissement public et donc de la croissance de long terme.
A plus court terme, la fragilité de la conjoncture rendrait également nécessaire un surcroît de dépenses publiques, particulièrement dans certains pays européens. Cette prise de position, particulièrement utile si on l’interprète bien, peut être mal reçue en Europe, pour trois raisons.
Une charge de plus
La première raison d’accueillir fraîchement cette thèse relève du bon sens. Compte tenu de la proportion encore très élevée des dettes publiques européennes et du niveau actuel des taux d’intérêt, qu’il n’est pas totalement exclu de voir remonter, soutenir une augmentation des déficits faisant peser une charge supplémentaire sur les générations futures ne serait pas responsable.
OPINION. L’éternelle tentation budgétaire
Ce raisonnement, intuitif, se double de la difficulté que rencontrent les gouvernements à distinguer dépenses courantes de fonctionnement et dépenses d’investissement. Au surplus, nombre d’Etats ont montré que leurs dépenses d’investissement n’étaient pas toujours efficaces, notamment parce que celles-ci n’assurent pas une catalyse suffisante de l’investissement privé.
Sans filet
La deuxième source de circonspection concerne le risque de crise financière. Si les Etats, le secteur privé et les opinions sont soulagés, à juste titre, de voir s’estomper le traumatisme de la grande secousse de 2008, le contexte actuel ne permet pas d’écarter les sources d’inquiétude (dette des entreprises et des Etats, valorisations excessives de plusieurs classes d’actifs, etc.) et invite par conséquent toujours à la vigilance.
Or si une crise advenait, les marges de manoeuvre des politiques budgétaires et monétaires, déjà très éprouvées, pourraient être extrêmement contraintes dans un contexte renouvelé d’instabilité financière. Pire, la coopération entre Etats et/ou entre banques centrales pourrait s’avérer gravement défaillante, alors que les nations se replient sur elles-mêmes.
Risque de défiance
La troisième et principale difficulté a trait au contexte politique de la zone euro. Les négociations sur le budget propre à l’union monétaire l’ont rappelé : il existe encore une nette divergence de philosophie économique entre les Etats du Nord, bien gérés et donc plus crédibles, quoique peu coopératifs, et nombre de ceux du Sud, moins sérieux et souvent fragilisés par leurs convulsions politiques et sociales.
Dès lors, décider d’une hausse des dépenses publiques au motif que le contexte macrofinancier est plus clément risquerait d’élargir la brèche de la défiance ouverte par la crise, difficilement colmatée depuis.
Gages de confiance
Pour avancer, les Etats doivent au contraire se faire confiance en capitalisant sur des preuves de bonne gestion, une convergence des économies et le souci du long terme. La priorité accordée à l’investissement remplit ces conditions : c’est la raison pour laquelle elle constitue la bonne interprétation du débat sur la dette. Les Etats devraient poursuivre leurs efforts de revue des dépenses afin de maximiser leurs dépenses d’investissement efficaces. Le budget de la zone euro les soutiendra. Toute mesure nationale favorisant l’investissement privé servirait également cet objectif.
Surtout, chacune des dimensions du « Plan Juncker », prochainement prolongé, devrait être exploitée, à commencer par une participation financière des Etats à l’initiative et un meilleur usage des fonds structurels. Enfin, le parachèvement de l’intégration financière et l’approfondissement du marché unique permettraient une meilleure circulation de l’épargne et l’éclosion de nouveaux projets.
Olivier Marty
Le 25/07/2019 in Les Echos
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/faisons-de-linvestissement-une-priorite-politique-en-europe-1040381
Ancien élève de Sciences Po Paris, de l’Institut européen de la London School of Economics et de l’Université Paris-Dauphine, Olivier Marty est enseignant-chercheur en Questions européennes à SciencesPo, HEC et l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm. Auparavant, il a exercé dans le secteur financier, comme économiste à la Société Générale et à la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB), notamment.
Il est le co-auteur de trois ouvrages dont récemment (avec Nicolas Dorgeret) « Connaitre et comprendre l’Union européenne : 35 fiches sur les institutions européennes » (préfacé par Jean-Dominique Giuliani), Ellipses, 2018.
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