"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE

juin 9, 2023

Et si Zemmour était utile... Par Gérard Biard Charlie Hebdo


Par Gérard Biard. Charlie Hebdo

On dit que dans la nature tous les êtres, même les plus déplaisants, même les plus rebutants, même les plus dangereux, ont leur utilité. Ill semble qu’il en aille de même en politique.
Prenons Éric Zemmour, par exemple. A priori, dans le paysage de la campagne présidentielle, on s’en passerait volontiers. D’abord parce que le personnage est profondément antipathique, qu’il incarne une vision du monde détestable et qu’il ne fait progresser ni le débat démocratique ni la connaissance historique.
Pourtant, il faut lui reconnaître au moins un mérite : il nous rappelle ce qu’est l’extrême droite.Ce qu’elle est vraiment. Car à force de traiter tout le monde et n’importe qui de « fascistes », on l’avait quelque peu oublié. D’autant que Marine Le Pen, dans son entreprise- force est de le reconnaitre, réussie- de dédiabolisation de son parti, est parvenue à nous faire perdre de vue qu’il n’y a pas si longtemps – en 1995, pour être précis – des militants du Front national balançaient des arabes dans la Seine pour fêter le 1er mai.

Le premier meeting officiel du candidat Zemmour, début décembre virgule à Villepinte, est venu remettre les pendules à l’heure : à l’extrême droite, on pète des dents, des bras, des genoux virgule et bien davantage si on se laisse emporter par la ferveur militante. Certes, dans certains groupes d’extrême gauche, on ne crache pas non plus sur une bonne castagne « antifasciste ».
Mais la violence n’y constitue pas la seule composante du débat, contrairement à l’extrême droite, où on la retrouve à tous les niveaux, chez le skinhead de base comme chez le théoricien. Elle n’est pas vue comme un moyen, mais comme une fin en soi.

Nous en avons encore eu l’illustration la semaine dernière, avec cette vidéo publiée sur les réseaux sociaux- finalement condamnée par Zemmour après deux jours de réflexion- montrant deux hommes, dans un stand de tir, en train de faire feu sur des cibles imaginaires, mais nommément citées : Emmanuel Macron, Raquel Garrido et Alexis Corbière, tous deux élus la France insoumise, sans oublier « du jeune gaucho, du jeune communiste, du jeune bougnoule mental. »

Ce n’est pas une première. En juin, c’était le youtubeur brun Papacito, fan déclaré de Zemmour, qui publiait une vidéo simulant l’exécution d’un électeur de Mélenchon. Puis, en novembre, des membres du groupuscule La Famille gallicane faisaient à leur tour le buzz en s’affichant en train de canarder des caricatures de Noirs, de Juifs et de Maghrébins …
Cette fois, selon Libération, l’un des deux hommes se présenterait sur son compte Instagram comme un « militaire catholique ».
Guère surprenant, l’armée, la police et l’église ayant souvent, et depuis longtemps, fourni quelques beaux spécimens de militants bien dégagés autour des oreilles.

Encouragés par un discours politique de plus en plus brutal et décomplexé, parfaitement à l’aise dans le marigot des réseaux sociaux faits pour eux tant la violence brute semble y être devenue le principal mode d’expression, les militants d’extrême droite, déjà peu portés sur le surmoi, se lâchent en pleine lumière.
Des groupes jusqu’ici ignorés des médias se payent leur quart d’heure de célébrité, certains échafaudent même des projets d’attentats, dans une fantasmée «  stratégie de la tension », copier- coller de celle utilisée, il n’y a pas de hasard, par les groupes fascistes italiens dans les années 1970- 1980, quand ils rêvaient de l’avènement d’un Etat  « fort » sur le modèle de la Grèce des colonels …
Ca fout la trouille? Tant mieux.
Premier commandement de l’électeur indécis, en colère, déçu du « système », ou qui trouve la droite trop molle : toujours avoir en tête que le cœur du programme de l’extrême droite, c’est la barre à mine et la batte de baseball.
Le plus important chez Zemmour, ce n’est pas son discours ou ses nouvelles lunettes, mais ce qui se passe au fond de la salle.

Gérard Biard
29 Décembre 2021

Et si Zemmour était utile…
Par Gérard Biard. Charlie Hebdo

On dit que dans la nature tous les êtres, même les plus déplaisants, même les plus rebutants, même les plus dangereux, ont leur utilité. Ill semble qu’il en aille de même en politique.
Prenons Éric Zemmour, par exemple. A priori, dans le paysage de la campagne présidentielle, on s’en passerait volontiers. D’abord parce que le personnage est profondément antipathique, qu’il incarne une vision du monde détestable et qu’il ne fait progresser ni le débat démocratique ni la connaissance historique.
Pourtant, il faut lui reconnaître au moins un mérite : il nous rappelle ce qu’est l’extrême droite.Ce qu’elle est vraiment. Car à force de traiter tout le monde et n’importe qui de « fascistes », on l’avait quelque peu oublié. D’autant que Marine Le Pen, dans son entreprise- force est de le reconnaitre, réussie- de dédiabolisation de son parti, est parvenue à nous faire perdre de vue qu’il n’y a pas si longtemps – en 1995, pour être précis – des militants du Front national balançaient des arabes dans la Seine pour fêter le 1er mai.

Le premier meeting officiel du candidat Zemmour, début décembre virgule à Villepinte, est venu remettre les pendules à l’heure : à l’extrême droite, on pète des dents, des bras, des genoux virgule et bien davantage si on se laisse emporter par la ferveur militante. Certes, dans certains groupes d’extrême gauche, on ne crache pas non plus sur une bonne castagne « antifasciste ».
Mais la violence n’y constitue pas la seule composante du débat, contrairement à l’extrême droite, où on la retrouve à tous les niveaux, chez le skinhead de base comme chez le théoricien. Elle n’est pas vue comme un moyen, mais comme une fin en soi.

Nous en avons encore eu l’illustration la semaine dernière, avec cette vidéo publiée sur les réseaux sociaux- finalement condamnée par Zemmour après deux jours de réflexion- montrant deux hommes, dans un stand de tir, en train de faire feu sur des cibles imaginaires, mais nommément citées : Emmanuel Macron, Raquel Garrido et Alexis Corbière, tous deux élus la France insoumise, sans oublier « du jeune gaucho, du jeune communiste, du jeune bougnoule mental. »

Ce n’est pas une première. En juin, c’était le youtubeur brun Papacito, fan déclaré de Zemmour, qui publiait une vidéo simulant l’exécution d’un électeur de Mélenchon. Puis, en novembre, des membres du groupuscule La Famille gallicane faisaient à leur tour le buzz en s’affichant en train de canarder des caricatures de Noirs, de Juifs et de Maghrébins …
Cette fois, selon Libération, l’un des deux hommes se présenterait sur son compte Instagram comme un « militaire catholique ».
Guère surprenant, l’armée, la police et l’église ayant souvent, et depuis longtemps, fourni quelques beaux spécimens de militants bien dégagés autour des oreilles.

Encouragés par un discours politique de plus en plus brutal et décomplexé, parfaitement à l’aise dans le marigot des réseaux sociaux faits pour eux tant la violence brute semble y être devenue le principal mode d’expression, les militants d’extrême droite, déjà peu portés sur le surmoi, se lâchent en pleine lumière.
Des groupes jusqu’ici ignorés des médias se payent leur quart d’heure de célébrité, certains échafaudent même des projets d’attentats, dans une fantasmée «  stratégie de la tension », copier- coller de celle utilisée, il n’y a pas de hasard, par les groupes fascistes italiens dans les années 1970- 1980, quand ils rêvaient de l’avènement d’un Etat  « fort » sur le modèle de la Grèce des colonels …
Ca fout la trouille? Tant mieux.
Premier commandement de l’électeur indécis, en colère, déçu du « système », ou qui trouve la droite trop molle : toujours avoir en tête que le cœur du programme de l’extrême droite, c’est la barre à mine et la batte de baseball.
Le plus important chez Zemmour, ce n’est pas son discours ou ses nouvelles lunettes, mais ce qui se passe au fond de la salle.

Gérard Biard
29 Décembre 2021

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