"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
mars 30, 2023
Discours prononcé par M. Richard von Weizsäcker, Président de la République fédérale d’Allemagne, à l’occasion de la commémoration du 40ème anniversaire de la fin de la guerre en Europe et de la tyrannie nationale-socialiste le 8 mai 1985 à 11 h. 00 dans la salle des séances du Bundestag
I.
Bon nombre de peuples commémorent aujourd’hui le jour où la Seconde Guerre mondiale prit fin en Europe. Selon la destinée qui a été la sienne, chaque peuple éprouve des sentiments qui lui sont propres. Victoire ou défaite, libération de l’injustice et de la domination étrangère ou passage à un nouvel état de dépendance, division, nouvelles alliances, énormes déplacements des centres de force – le 8 mai 1945 est une date qui revêt une importance historique décisive en Europe.
En ce qui nous concerne nous, Allemands, nous célébrons ce jour entre nous, et cela s’impose. Les critères, nous devons les trouver tout seuls. Que nous ménagions nos sentiments nous mêmes ou que d’autres le fassent ne nous avance à rien. Ce qu’il nous faut et qui nous est donné, c’est la force de voir la vérité en face dans toute la mesure du possible, sans l’enjoliver ni la considérer partialement.
Pour nous, le 8 mai est surtout un jour où nous nous souvenons des souffrances qu’ont dû subir les hommes. C’est également un jour de réflexion sur le cours de notre histoire. Plus nous abordons ce jour avec franchise et plus notre liberté est grande d’en assumer les conséquences.
Pour nous, Allemands, le 8 mai n’est pas un jour de fête. Ceux qui ont vécu cette journée en toute lucidité se souviennent de moments tout à fait personnels et par là très différents les uns des autres. Ce jour là, certains rentraient au pays, d’autres perdaient leur patrie. Ce jour là, certains étaient libérés, d’autres faits prisonniers. Nombreux ceux qui étaient tout simplement reconnaissants que les nuits de bombardement et la peur prennent fin et qu’ils en sortent vivants. D’autres ressentaient une grande douleur devant la défaite totale de leur propre patrie. Certains Allemands étaient remplis d’amertume face à des illusions détruites, d’autres remplis de reconnaissance pour le nouveau départ qui leur était donné.
Choisir immédiatement une orientation claire était difficile. L’incertitude remplissait le pays. La capitulation militaire avait été inconditionnelle. Notre destin se trouvait dans les mains des ennemis. Le passé avait été terrible, précisément aussi pour bon nombre de ces ennemis.
N’allaient ils pas nous revaloir sous de multiples formes ce que nous leur avions fait ? La plupart des Allemands avaient eu la conviction de lutter et de souffrir pour la bonne cause de leur pays. Et voilà qu’ils étaient obligés de constater que tout cela avait été non seulement vain et absurde, mais aussi que cela avait servi les objectifs inhumains de dirigeants criminels. Epuisement, désarroi et inquiétudes nouvelles caractérisaient les sentiments de la plupart d’entre nous. Allions nous retrouver les membres de notre famille ?
Reconstruire dans ces ruines, était ce bien raisonnable ? Nos regards se portaient en arrière vers le sombre abîme du passé et en avant vers un sombre avenir incertain.
Néanmoins, le sentiment se fit jour peu à peu, ce même sentiment que nous ressentons tous aujourd’hui et qui nous fait dire que le 8 mai a été un jour de libération. Ce jour nous a tous libérés du système de la tyrannie nationale-socialiste édifiée sur le mépris de l’homme.
Personne n’oubliera au nom de cette libération les terribles souffrances qui, le 8 mai, ne faisaient que commencer ou qui suivirent pour de nombreuses victimes. Toutefois, nous devons nous garder de voir dans la fin de la guerre la cause de l’exode, de l’expulsion et de la privation de liberté. Cette cause réside bien plus dans le commencement de la guerre et dans le début de cette tyrannie qui conduisit à la guerre. Nous n’avons pas le droit de dissocier le 8 mai 1945 du 30 janvier 1933.
Nous n’avons en vérité aucune raison de prendre part en ce jour à des célébrations de la victoire. Nous avons, au contraire, toutes les raisons de considérer le 8 mai 1945 comme la fin d’une fausse orientation de l’histoire allemande et comme la naissance de l’espoir d’un avenir meilleur.
II.
Le 8 mai est une journée de souvenir. Se souvenir, cela signifie évoquer un événement avec toute la sincérité et la franchise nécessaires pour que cet événement s’imprègne dans notre for intérieur. Ce processus nous oblige à faire preuve d’une grande sincérité.
En ce jour, c’est dans le deuil que nous évoquons le souvenir de tous les morts de la guerre et de la tyrannie. Nous évoquons en particulier le souvenir des six millions de Juifs assassinés dans les camps de concentration allemands. Nous évoquons le souvenir de tous les peuples victimes de la guerre, surtout des innombrables citoyens soviétiques et polonais qui ont trouvé la mort. Nous autres Allemands, évoquons dans le deuil le souvenir de nos compatriotes morts en tant que soldats lors des attaques aériennes dans leur patrie, en captivité ou victimes de l’expulsion. Nous évoquons le souvenir des Sinti et des Rom assassinés, des homosexuels tués, des aliénés mentaux assassinés, de tous ceux qui durent mourir en raison de leur conviction religieuse ou politique. Nous évoquons le souvenir des otages exécutés. Nous pensons aux victimes delà résistance dans tous les Etats occupés par notre armée. En tant qu’Allemands, nous honorons la mémoire des victimes de la résistance allemande, civile, militaire ou religieuse, de la résistance dans les milieux ouvriers et syndicaux, de la résistance communiste. Nous évoquons le souvenir de tous ceux qui, sans opposer une résistance active, acceptèrent de mourir plutôt que de désobéir à leur conscience.
A côté de l’immense multitude des morts se dresse une montagne de douleur humaine, douleur ressentie devant les morts, douleur engendrée par les blessures et les infirmités, par une stérilisation forcée inhumaine, douleur ressentie dans les nuits de bombardement, douleur engendrée par la fuite et l’expulsion, par le viol et le pillage, par les travaux forcés, par l’injustice et la torture, par la faim et la misère, douleur engendrée par la peur de l’arrestation et de la mort, par la perte de tout ce en quoi on a cru et pour quoi on a travaillé en faisant fausse route. Aujourd’hui, nous évoquons ces souffrances humaines et nous les commémorons dans l’affliction.
Ce sont les femmes qui, dans les peuples, ont porté peut être la plus grande part du fardeau infligé aux êtres humains. L’histoire universelle oublie trop facilement de souligner leurs souffrances, leur renoncement et leur force silencieuse. Elles ont tremblé et travaillé, porté et protégé la vie humaine. Elles ont pleuré la mort de leurs pères et de leurs fils, de leurs maris, de leurs frères et de leurs amis tombés au champ de bataille.
Dans les années les plus sombres, elles ont empêché la lumière de l’humanité de s’éteindre.
A la fin de la guerre, elles ont été les premières à mettre la main à la pâte en dépit du manque de perspectives d’avenir sûres, pour reconstruire pierre après pierre, ces femmes dans les ruines de Berlin et partout. Lorsque les hommes rescapés de la guerre rentrèrent, les femmes durent souvent s’effacer à nouveau. Nombreuses sont celles que la guerre a laissées seules et qui ont passé leur vie dans la solitude. Mais si les peuples ne se sont pas effondrés moralement, victimes des destructions, des dévastations, des actes de cruauté et d’inhumanité, si après la guerre .ils ont peu à peu repris le dessus, c’est en premier lieu grâce à nos femmes.
III.
La domination et la tyrannie avaient pris naissance dans la haine immense qu’éprouvait Hitler pour nos compatriotes juifs. Hitler n’avait jamais caché cette haine en public, au contraire il avait fait de tout notre peuple l’outil de cette haine. Un jour avant sa mort, le 30 avril 1945, il avait terminé ce qu’on appelle son testament par ces mots: « J’exhorte surtout les dirigeants de la nation et les masses partisanes à respecter scrupuleusement les lois raciales et à résister sans pitié contre le poison universel de tous les peuples, contre les Juifs à l’échelon mondial. »
Certes, il n’y a guère d’Etat qui, au cours de son histoire, n’ait jamais été impliqué dans les crimes de la guerre et de la force. Le génocide juif reste cependant unique dans l’histoire.
L’exécution de ce meurtre fut l’affaire de quelque uns seulement. L’opinion publique fut tenue à l’écart. Toutefois, chaque Allemand a pu être le témoin des souffrances imposées aux citoyens juifs, victimes d’abord d’une froide indifférence puis d’une intolérance cachée et enfin d’une haine déclarée.
Comment ne se douter de rien devant les incendies de synagogues, les pillages, l’imposition de l’étoile juive, la privation des droits et les violations incessantes de la dignité humaine ? Celui qui ouvrait les oreilles et les yeux, celui qui voulait s’informer ne pouvait pas ne pas voir les trains de déportation.
Peut-être l’imagination de l’homme n’était-elle pas suffisante pour concevoir la nature et l’envergure de cette extermination. A vrai dire, en plus de ces crimes, un grand nombre, un trop grand nombre même de personnes, qui appartenaient également à ma génération, jeunes et non concernées par l’organisation ni l’exécution de ces événements, essayèrent de refuser de voir ce qui se passait. Il y avait diverses façons de se dérober à l’appel de la conscience, de ne pas être compétents, de porter ses regards ailleurs et de se taire. Lorsqu’à fin de la guerre, toute la vérité indicible de l’holocauste se fit jour, nombreux, trop nombreux ceux parmi nous qui se sont prévalu de ne rien avoir su ni même pressenti.
Un peuple tout entier ne peut pas être coupable ou innocent. La faute comme l’innocence, n’est pas collective, elle est personnelle. La faute humaine peut être mise à jour ou peut rester cachée. Il y a des fautes que les hommes se sont avouées à eux-mêmes ou ont niées.
Que chacun de ceux qui ont vécu cette époque en toute lucidité se demande aujourd’hui dans son for intérieur à quel point il y a été mêlé.
La majeure partie de notre population actuelle se trouvait à l’époque dans les premières années de l’enfance ou n’était même pas née. Ces personnes ne peuvent pas reconnaître être coupables personnellement de faits qu’elles n’ont pas du tout commis. Aucune personne capable de sentiments n’attend d’elles qu’elles revêtent l’habit de pénitent uniquement parce que ce sont des Allemands.
Mais il faut dire que les générations précédentes leur ont légué un lourd héritage. Nous tous, coupables ou non, jeunes ou vieux, nous devons accepter le passé. Nous tous, nous sommes concernés par ses conséquences et nous en sommes tenus responsables.
Jeunes et vieux doivent et peuvent s’entraider pour comprendre pourquoi il est essentiel d’entretenir le souvenir. Il ne s’agit pas de surmonter le passé, c’est impossible. Modifier le passé a posteriori ou le rendre inexistant n’est pas possible. Toutefois, quiconque ferme les yeux devant le passé ne voit pas le présent. Quiconque refuse de se souvenir de la barbarie se retrouve exposé à de nouveaux risques de contagion.
Le peuple juif se souvient et se souviendra toujours. Ce que nous cherchons, en tant qu’ hommes c’est la réconciliation. Précisément pour cette raison, il faut que nous comprenions qu’il ne peut y avoir de réconciliation sans souvenir. L’expérience de la mort qu’ont subie des millions d’hommes est ancrée dans le cœur de chaque Juif dans le monde, non seulement en raison de l’impossibilité pour les hommes d’oublier de telles horreurs, mais aussi parce que le souvenir est l’un des éléments de la croyance juive.
« Vouloir oublier prolonge l’exil, et le secret de la rédemption est le souvenir. »
Cette morale juive si souvent citée signifie probablement que la foi en Dieu est également une foi en son œuvre dans l’histoire. Le souvenir est l’expérience de l’œuvre de Dieu dans l’histoire. Il est la source de la foi en la rédemption. Cette expérience engendre l’espoir, elle engendre la foi en la rédemption, en la réunion de ce qui était séparé, en la réconciliation. Quiconque oublie le souvenir, perd la foi.
En voulant, de notre côté, essayer d’oublier ce qui est arrivé au lieu de nous souvenir, nous ferions non seulement preuve d’une attitude inhumaine, mais nous manquerions surtout de respect pour la foi des Juifs qui ont survécu et nous détruirions l’effort de réconciliation.
Il nous appartient de cultiver en nous-mêmes le souvenir, par la pensée et le sentiment.
IV.
Le 8 mai constitue une profonde coupure historique, non seulement dans l’histoire de l’Allemagne, mais aussi dans l’histoire européenne. La guerre civile européenne s’était terminée, le vieux monde européen s’était effondré. « L’Europe s’était épuisée à force de combats » (M. Stürmer). La rencontre des soldats américains et soviétiques sur les bords de l’Elbe devait devenir un symbole de la fin provisoire d’une époque européenne.
Certes, tout ce qui s’était produit avait de vieilles racines historiques. Les Européens exerçaient assurément dans le monde une grande influence, une influence déterminante même, mais ils avaient de plus en plus de difficultés à organiser leur vie en commun sur leur propre continent. Pendant plus de cent ans, l’Europe avait souffert de l’affrontement de nationalismes exacerbés. A la fin de la Première Guerre mondiale, il y avait eu, certes, des traités de paix. Mais ils n’avaient pas été assez forts pour être effectivement porteurs de paix. Et voilà qu’à nouveau les passions nationalistes s’étaient enflammées, se mêlant aux problèmes de la détresse sociale.
Hitler fut le moteur sur la voie qui devait mener à la catastrophe. C’est lui qui produisit et c’est lui qui mit à profit l’hystérie collective. Une démocratie qui était bien faible fut incapable de s’opposer à lui. Quant aux puissances occidentales européennes, « inconscientes, mais pas innocentes », selon le jugement porté par Churchill, elles contribuèrent par leur faiblesse à cette évolution fatale.
Après la Première Guerre mondiale, l’Amérique avait de nouveau choisi l’isolement, de sorte qu’elle devait rester sans influence sur l’Europe dans les années 30. Hitler voulait dominer l’Europe, et il voulait y parvenir par la guerre. Il en chercha l’occasion en Pologne, et c’est en Pologne qu’il la trouva.
Le 23 mai 1939 – quelques mois avant que la guerre éclate –, il déclara devant les généraux de l’état- major allemand: « Il est impossible de parvenir à de nouveaux succès sans faire couler le sang … Danzig n’est pas l’enjeu dont il s’agit. Il s’agit pour nous d’élargir notre espace vital à l’Est et de garantir notre approvisionnement … La question ne se pose donc pas de ménager la Pologne, et ce qui reste, c’est la détermination d’attaquer la Pologne à la première occasion qui se présentera … Le fait d’être dans son droit ou de ne pas être dans son droit, et l’existence de traités, n’ont rien à faire ici. »
Le 23 août 1939, fut conclu le Pacte germano-soviétique de non-agression. Le protocole additionnel secret de ce pacte précisait les modalités du dépècement imminent de la Pologne. Ce pacte fut conclu pour permettre à Hitler d’envahir la Pologne. Les dirigeants d’alors en Union soviétique en étaient pleinement conscients. Pour toute personne analysant les événements politiques de cette époque, il était clair que le Pacte germano-soviétique signifiait l’invasion de la Pologne par Hitler et, dans la foulée, la Seconde Guerre mondiale.
Cela n’amoindrit pas pour autant la responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. L’Union soviétique accepta la guerre d’autres peuples pour avoir sa part des bénéfices. Mais c’est l’Allemagne qui prit l’initiative de la guerre, et non l’Union soviétique. C’est Hitler qui recourut à la force, et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale restera lié au nom de l’Allemagne.
Au cours de cette guerre, le régime national-socialiste a torturé et mutilé de nombreux peuples. A la fin, il ne resta plus qu’un seul peuple à torturer, à asservir et à mutiler: son propre peuple, le peuple allemand. Hitler n’a cessé de le dire: si le peuple allemand n’est pas capable de remporter la victoire dans cette guerre, qu’il disparaisse. Les autres peuples furent les premières victimes d’une guerre émanant de l’Allemagne, avant que nous ne devenions nous-mêmes les victimes de notre propre guerre.
Il s’ensuivit la division, convenue par les Puissances victorieuses, de l’Allemagne en différentes zones. Entre temps, l’Union soviétique avait envahi tous les Etats d’Europe de l’Est et du Sud Est occupés par l’Allemagne au cours de la guerre.
A l’exception de la Grèce, tous ces Etats devinrent des Etats socialistes. Ce fut le début de la division de l’Europe en deux systèmes politiques différents. C’est seulement l’évolution de l’après-guerre qui consacra cette division. Mais elle ne se serait pas produite si Hitler n’avait pas commencé la guerre. C’est à cela que les peuples concernés pensent d’abord lorsqu’ils se souviennent de la guerre déclenchée par les dirigeants allemands.
Nous y pensons aussi lorsqu’il s’agit de la division de notre propre pays et des grandes parties du territoire allemand que nous avons perdues. Dans son sermon prononcé à l’occasion du 8 mai, le cardinal Meissner a dit à Berlin Est: « Le résultat désolant du péché est toujours la séparation. »
V.
L’arbitraire de la destruction entraîna une répartition arbitraire des charges. Il y eut des innocents qui furent persécutés et des coupables qui échappèrent à la punition. Les uns eurent la chance de pouvoir reconstruire une nouvelle vie chez eux, dans leur environnement familier. D’autres furent expulsés de leur pays d’origine. Ici, dans cette partie qui devait devenir la République fédérale d’Allemagne, nous avons bénéficié de la chance précieuse que constitue la liberté. Des millions de nos compatriotes continuent à en être privés jusqu’à ce jour.
La première tâche qui s’imposa au plan spirituel, à côté de celle de la reconstruction matérielle, fut d’apprendre à supporter l’arbitraire de l’attribution de destins différents. Cette tâche fut la pierre de touche de la force qu’il faut à l’homme pour se rendre compte des fardeaux qui pèsent sur son prochain, pour l’aider de façon durable à les supporter, pour ne pas les oublier. Cette tâche devait faire naître la capacité de paix et le désir de réconciliation à l’intérieur et à l’extérieur qui ne furent pas seulement exigés de nous par d’autres, mais dont nous éprouvions nous mêmes le plus grand besoin.
Nous ne pouvons commémorer le 8 mai sans prendre conscience de ce qu’il a dû en coûter à nos anciens ennemis pour accepter la réconciliation. Pouvons-nous vraiment nous mettre à la place des familles des victimes du ghetto de Varsovie ou du massacre de Lidice ? Combien a-t-il dû en coûter à un citoyen de Rotterdam ou de Londres pour aider à reconstruire notre pays d’où venaient les bombes qui, peu avant, étaient tombées sur la ville.
Pour cela, il fallait que grandisse la certitude que les Allemands ne tenteraient pas une nouvelle fois de corriger une défaite par la force.
Chez nous-mêmes, les expulsés durent consentir les plus grands sacrifices. Longtemps encore après le 8 mai, ils connurent une souffrance amère et une injustice profonde. Nous qui n’avons pas été déracinés, nous manquons souvent d’imagination et aussi de générosité de cœur pour comprendre la dureté de leur destin.
Cependant, l’aide et le secours ne tardèrent pas à se manifester largement. Des millions de réfugiés et d’expulsés furent accueillis. Ils purent reprendre racine au fil des années. Leurs enfants et petits-enfants restent liés de multiples façons à la culture et à l’amour de la patrie de leurs ancêtres. C’est une bonne chose, car cela constitue un trésor précieux dans leur vie. Mais ils ont trouvé eux-mêmes une nouvelle patrie dans laquelle ils ont grandi et se sont liés avec leurs camarades du pays, parlent leur dialecte et partagent leurs habitudes.
Leur jeune vie est une preuve de l’aptitude à la paix intérieure. Si leurs parents ou leurs grands-parents ont été expulsés, eux-mêmes se sentent maintenant chez eux.
De bonne heure, les expulsés se sont prononcés de façon exemplaire pour le non recours à la force. Ce n’était pas là une déclaration passagère au premier stade de l’impuissance, mais une profession de foi qui conserve toute sa valeur. Le non recours à la force signifie faire accroître la confiance que même une Allemagne qui a recouvré ses forces continuera de respecter ce principe. Le pays d’origine est devenu entre-temps la patrie pour d’autres.
Dans nombre de vieux cimetières à l’Est, on trouve dès à présent plus de tombes polonaises que de tombes allemandes. Si des millions d’Allemands furent contraints de se déplacer vers l’Ouest, ils furent suivis par des millions de Polonais, eux-mêmes suivis par des millions de Russes. Ce sont tous des hommes auxquels on n’avait pas demandé leur avis, des hommes qui furent victimes de l’injustice, des hommes qui furent des objets sans défense poussés par les événements politiques et pour lesquels aucune compensation de l’injustice, aucune confrontation des droits ne peut réparer ce qui leur a été infligé.
Aujourd’hui, le non recours à la force consiste à donner aux hommes, là où le destin les a poussés après le 8 mai où ils vivent maintenant depuis des dizaines d’années, une sécurité durable, politiquement incontestée pour l’avenir. Pour cela, il faut donner à l’impératif de l’entente la primauté sur les revendications en conflit. C’est là que se situe, à proprement parler, la contribution de l’homme à un ordre de paix européen qui peut émaner de nous.
Le nouveau départ pris en Europe, après 1945, a apporté à l’idée de liberté et d’autodétermination des victoires et des défaites. Il s’agit pour nous de saisir l’occasion de tirer un trait sur une longue période de l’histoire européenne dans laquelle la paix ne semblait concevable et sûre, pour chaque Etat, que comme le résultat de sa propre supériorité et où la paix représentait une période de préparation à la guerre suivante.
Les peuples d’Europe aiment leur patrie. Les Allemands ne font pas exception. Qui pourrait faire confiance à l’amour de paix d’un peuple qui serait capable d’oublier sa patrie ? Non, l’amour de la paix se manifeste précisément dans le fait que l’on n’oublie pas sa patrie et que, pour cette raison même, on est décidé à tout faire pour vivre toujours dans la paix. L’amour de la patrie, pour un expulsé, n’est pas synonyme de revanchisme.
VI.
Plus qu’auparavant, la dernière guerre a éveillé le besoin de paix dans le cœur des hommes. Le travail de réconciliation des Eglises a rencontré un profond écho. Nombreux sont les exemples du travail d’entente accompli par les jeunes.
Je citerai l’action « Sühnezeichen » (« Signe de réconciliation ») qui travaille à Auschwitz et en Israël. Une paroisse de la ville de Clèves, sur le cours inférieur du Rhin, a reçu dernièrement du pain envoyé par des paroisses polonaises en signe de réconciliation et de solidarité. Cette même paroisse a envoyé l’un de ces pains à un instituteur anglais. Ce dernier avait quitté son anonymat pour écrire que, pendant la guerre, il avait jeté des bombes et détruit une église et des maisons d’habitation à Clèves et qu’il aspirait à un signe de réconciliation. Cela aide énormément sur la voie de la paix de ne pas attendre d’un autre qu’il vienne, mais d’aller au-devant de lui comme l’a fait cet homme.
VII.
La période qui a suivi la guerre a été une période de rapprochement tant humain que politique entre les adversaires d’antan. Dès 1946, le ministre des Affaires étrangères américain Byrnes lança dans son mémorable discours de Stuttgart un appel à l’entente en Europe, un appel à aider le peuple allemand sur la voie, dans laquelle il s’engageait, d’un avenir de liberté et de paix. D’innombrables citoyens américains, puisant dans leurs ressources personnelles, nous soutinrent, nous Allemands, nous qui étions les vaincus, pour panser les plaies de la guerre. Grâce à la clairvoyance de Français comme Jean Monnet et Robert Schuman et d’Allemands comme Konrad Adenauer, une vieille hostilité entre Français et Allemands s’éteignit à tout jamais.
Un nouvel élan de volonté de reconstruction et d’énergie traversa notre propre pays. De nombreux fossés du passé furent comblés, des antagonismes confessionnels et des tensions sociales perdirent de leur tranchant. Et c’est en partenaires qu’on se mit à l’œuvre.
Il n’y eut pas d’ « heure zéro », mais une chance nous fut donnée de prendre un nouveau départ. Nous avons saisi cette chance aussi bien que nous le pouvions.
A la place de l’asservissement, nous avons mis la liberté démocratique. Quatre ans après la fin de la guerre, en 1949, le même 8 mai qu’aujourd’hui, le Conseil parlementaire adopta notre Loi fondamentale. Se plaçant au-delà des barrières entre les partis, les démocrates de ce Conseil parlementaire donnaient leur réponse à la guerre et à l’oppression dans l’article 1 de notre Constitution:
« En conséquence, le peuple allemand reconnaît à l’homme des droits inviolables et imprescriptibles comme fondement de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde. » Et c’est aussi cette signification du 8 mai qu’il s’agit aujourd’hui de nous remémorer.
La République fédérale d’Allemagne est devenue un pays qui jouit de l’estime du monde entier. Elle fait partie des pays industrialisés du monde fortement développés. Economiquement puissante, elle connaît la part de responsabilité qui lui revient dans la lutte contre la faim et la détresse dans le monde et dans la contribution à un équilibre social entre les peuples.
Depuis quarante ans, nous vivons dans la paix et dans la liberté, et, par notre politique, nous y avons nous-mêmes concouru pour une bonne part, parmi les peuples libres de l’Alliance atlantique et de la Communauté européenne.
Sur le sol de l’Allemagne, il n’y a jamais eu meilleure protection des libertés du citoyen qu’aujourd’hui.
Une couverture sociale extrêmement étanche, et qui ne craint la comparaison avec aucune autre société, garantit les bases de la vie des hommes. Alors qu’à la fin de la guerre, un grand nombre d’Allemands s’étaient encore efforcés de cacher leur passeport ou de l’échanger contre un autre, notre citoyenneté est aujourd’hui un droit qui n’est pas dénué de prestige.
Il est vrai que nous n’avons aucune raison d’étaler quelque présomption, quelque infatuation que ce soit. Mais c’est avec un sentiment de reconnaissance que nous pouvons nous souvenir de ces quarante ans qui se sont écoulés, si nous prenons notre propre mémoire historique comme ligne directrice de notre attitude dans le présent et si nous nous en servons pour résoudre les tâches qui nous attendent.
– Si nous nous rappelons que les aliénés furent tués sous le Troisième Reich, nous comprendrons comme notre propre tâche de nous consacrer aux citoyens souffrant de maladies psychiques.
– Si nous nous rappelons que les personnes persécutées pour des raisons raciales, religieuses et politiques, et menacées d’une mort certaine, se retrouvèrent souvent devant des frontières d’autres Etats qui leur restaient fermées, nous ne fermerons pas, nous, la porte à ceux qui, aujourd’hui, sont effectivement persécutés et qui cherchent protection chez nous.
– Si nous nous remémorons les persécutions auxquelles fut exposée toute liberté intellectuelle sous la dictature, nous protègerons, nous, la liberté de toute idée et de toute critique, dussent-elles se diriger contre nous-mêmes.
– Quiconque émet un jugement sur la situation au Proche Orient voudra bien avoir présent à l’esprit le sort que réservèrent des Allemands à nos frères juifs – dont la conséquence fut la création de l’Etat d’Israël, dans des conditions qui continuent aujourd’hui de constituer une hypothèque et un danger pour les habitants de cette région.
– Si nous pensons à ce que nos voisins de l’Est furent contraints d’endurer au cours de la guerre, nous comprendrons mieux que la conciliation, la détente et des relations de bon voisinage dans la paix avec ces pays restent une tâche centrale de la politique étrangère allemande. Il s’agit de faire en sorte que l’on se souvienne de part et d’autre et que l’on se respecte de part et d’autre. Au plan humain, au plan culturel et même en fui de compte au plan historique, les hommes de part et d’autre ont toutes raisons de le faire.
Le Secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev a déclaré qu’à l’occasion du 40ème anniversaire de la fin de la guerre, il ne s’agissait pas pour les dirigeants soviétiques d’attiser des sentiments anti germaniques, ajoutant que l’Union soviétique s’engageait en faveur de l’amitié entre les peuples.
A un moment où, précisément, nous en appelons aussi à l’Union soviétique pour qu’elle concoure à l’entente entre l’Est et l’Ouest et au respect des droits de l’homme dans toutes les parties de l’Europe, nous ne devrions pas rester sourds à ce signe de Moscou. Nous voulons l’amitié avec les peuples de l’Union soviétique.
VIII.
Quarante ans après la fin de la guerre, le peuple allemand continue d’être divisé.
Lors de la cérémonie du souvenir qu’il a célébrée au mois de février dernier dans la Kreuzkirche de Dresde, l’Evêque Hempel a dit: « L’apparition de deux Etats allemands séparés par une lourde frontière nous pèse et fait saigner notre cœur. Multitude des frontières nous pèse et fait saigner notre cœur. Les armes nous pèsent ».
Une exposition sur les « Juifs en Allemagne » a récemment été inaugurée à Baltimore aux Etats Unis. Les ambassadeurs des deux Etats allemands s’étaient rendus à cette invitation. Le président de l’Université John Hopkins, qui les recevait, les a salués ensemble. Il a fait remarquer que tous les Allemands se trouvaient sur le terrain d’une seule et même évolution historique, qu’un lien scellait leur passé commun. Qu’un tel lien donne lieu de se réjouir ou constitue un problème, il restera toujours source d’espoir, a-t-il conclu.
Les Allemands que nous sommes sont un peuple et une nation. Nous avons le sentiment d’appartenir à un même peuple et à une même nation parce que nous avons vécu la même histoire. Et le 8 mai 1945, nous l’avons lui aussi vécu comme le destin commun de notre peuple, qui nous unit. Nous avons ce sentiment d’appartenance à une même communauté dans notre volonté de paix.
Du sol de l’Allemagne dans ses deux Etats doivent partir la paix ainsi que des relations de bon voisinage avec tous les pays. Et il ne faut pas davantage que d’autres en fassent une source de danger pour la paix. Les habitants de l’Allemagne veulent tous une paix incluant la justice et des droits de l’homme pour tous les peuples, y compris le nôtre.
Ce n’est pas une Europe des murs qui pourra se réconcilier par-delà les frontières, mais un continent qui enlèvera aux frontières tout ce qu’elles ont de séparateur. Voilà précisément l’avertissement que nous donne la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous avons confiance que le 8 mai ne restera pas la dernière date de notre histoire à constituer un lien pour tous les Allemands.
IX.
Un grand nombre de jeunes se sont demandés et nous ont demandé, au cours des derniers mois, pourquoi quarante ans après la fin de la guerre, on en était venu à d’aussi vifs débats sur le passé. Pourquoi en sommes-nous venus à des débats plus vifs que vingt-cinq ans ou trente ans après la guerre ? Quelle est donc la nécessité inhérente à de tels débats ?
Il n’est pas facile de répondre à de telles questions. Mais nous ne devrions pas en chercher essentiellement les raisons dans des influences extérieures, même s’il ne fait aucun doute qu’elles ont existé. Une période de quarante ans joue un rôle important à l’échelle des vies humaines et du destin de peuples entiers.
Permettez-moi là aussi de revenir à l’Ancien Testament qui recèle de profondes sagesses, valables pour tout être humain, quelle que soit sa confession. Dans l’Ancien Testament, les périodes de quarante ans reviennent fréquemment, porteuses d’une signification essentielle. C’est pendant quarante ans que le peuple d’Israël devait rester dans le désert avant que ne commençât un nouveau chapitre de son histoire par son entrée dans la Terre promise. Quarante ans furent donc nécessaires pour assurer la relève complète de la génération des pères, ci devant responsables.
A un autre endroit (le Livre des Juges) se trouve noté combien de fois le souvenir de l’aide et de la délivrance vécues ne dura que quarante ans. Et pour peu que ce souvenir s’effaçât, c’en était fait de la paix. C’est ainsi que ces périodes de quarante ans constituent toujours une coupure décisive. Elles se reflètent dans la conscience des gens, qu’elles signifient la fin d’une sombre période, avec la confiance en un avenir neuf et prospère, ou bien alors le risque de l’oubli, et l’avertissement contre les conséquences d’un tel oubli. Cela vaut la peine de réfléchir sur chacune de ces deux significations.
Chez nous, une nouvelle génération a accédé aux responsabilités politiques. Les jeunes ne sont pas responsables de ce qui se produisit à l’époque dont nous avons parlé. Mais ils sont responsables de ce qu’il adviendra de cette époque dans le contexte de l’histoire.
Ce que nous devons à la jeunesse, nous les aînés, ce n’est pas la réalisation de rêves, mais la franchise. Nous devons aider ceux qui sont plus jeunes que nous à comprendre pourquoi il est d’une importance vitale de garder bien vivant le souvenir.
Nous voulons les aider à aborder de façon sobre la vérité historique, sans partialité, sans fuite dans des doctrines utopiques de salut, mais aussi sans présomption morale. Notre histoire nous a permis d’apprendre de quoi était capable l’homme.
C’est pourquoi nous ne devons pas nous imaginer qu’en tant qu’êtres humains, nous soyons devenus différents et meilleurs. Il n’y a pas de perfection morale acquise à titre définitif – pour personne et pour aucun pays ! Nous avons appris en tant qu’êtres humains, nous restons menacés en tant qu’êtres humains. Mais nous avons la force de surmonter les menaces chaque fois qu’elles se présentent.
Une des méthodes d’Hitler a toujours été d’attiser les préjugés, les animosités et la haine.
Voici donc ce que je demanderai aux jeunes: ne vous laissez pas entraîner à des sentiments d’animosité ni de haine contre d’autres êtres humains, que ce soit contre les Russes ou les Américains, contre les Juifs ou les Turcs, contre les alternatifs ou les conservateurs, contre les Noirs ou les Blancs. Apprenez à coexister au lieu de vous dresser les uns contre les autres.
A nous aussi, les hommes politiques élus par la voie démocratique d’agir en conséquence sans cesse et de donner l’exemple.
Louons la liberté.
Travaillons pour la paix.
Respectons le droit.
Soyons au service de nos critères internes de justice.
En ce 8 mai, regardons la vérité en face, aussi bien que nous le pouvons.
Richard von Weizsäcker
Bundespräsident
8 Mai 1985
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« SE PROMENER D’UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE » VOLTAIRE
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Une réponse
Magnifique texte du fils du secrétaire des Affaires étrangères du Reich
Pour illustrer le chemin parcouru voilà un extrait de mon futur ouvrage sur l’ histoire globale de la guerre froide
La RFA reconnaît Israël
Ce fut un joli coup de tonnerre dans la quiétude d’un dimanche allemand, lorsque le 7 mars 1965, le porte -parole du gouvernement de Bonn annonça l’établissement de relations diplomatiques avec l’Etat des survivants de l’Holocauste. Israël dès sa naissance avait exigé des dirigeants allemands une promesse de réparation matérielle autant qu’un acte de contrition. Celui -ci tarda à venir. Le 27 septembre 1951, Konrad Adenauer exauce enfin les demandes d’Israël. Dans une déclaration au Parlement, reconnaît que des crimes monstrueux ont été commis au nom du peuple allemand qui valent « une réparation matérielle et morale », mais assurait que la majorité des Allemands avaient « abhorré les crimes commis contre les juifs et n’y avaient pris aucune part. Les pourparlers, ouverts à La Haye dans une ambiance glaciale aboutissent à l’accord signé le 10 septembre à Luxembourg, entre Konrad Adenauer et Moshe Sharett, chef de la diplomatie israélienne . Le traité prévoit le paiement sur douze ans de 800 millions de $ en marchandises et matières premières et le versement de pensions à vie aux victimes du nazisme De son côté le RDA ne reconnut pas Israël , seul Etat communiste à ne pas le faire. Neuf pays arabes dont l’Egypte rompirent avec Bonn. En février 1965, Nasser reçut avec éclat au Caire le chef de l’Etat est-allemand Walter Ulbricht. En 1964, Bonn accepte de livrer 30 chars Patton à Israël, pourvu qu’ils transitent par la route par l’Italie.
En août 1965, la RFA et Israël échangent leurs premiers ambassadeurs. Mais il faudra attendre le 7 juin 1973 pour voir sceller entre eux « la paix morale » quand, Willy Brandt qui s’est symboliquement agenouillé à Auschwitz – se recueille à Yad Vashem le mémorial de l’Holocauste érigé sur une colline de Jérusalem . Depuis les relations entre l’Allemagne et Israël se sont normalisées. Bonn ne saurait admettre la notion de « culpabilité collective » mais a courageusement reconnu « une honte collective » expression de Théodore Heuss, premier président de la République fédérale. : « La formule de « culpabilité collective « est une simplification primaire, avait-il déclaré le 7 décembre 1949, au cours d’une cérémonie de la Société pour la coopération judéo-chrétienne de Wiesbaden. C’est une déformation de ce genre que les nazis avaient l’habitude d’appliquer aux juifs, le fait d’être juif contenant déjà en soi le phénomène de culpabilité. Mais quelque chose ressemblant à une honte collective a grandi à partir de cette période et est resté. Le pire méfait de Hitler a été de nous contraindre à cette honte d’avoir eu en commun avec ses complices et lui le nom d’ « Allemands » ?
Eugène Berg