"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
mars 22, 2023
Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.
Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli.
La misère, messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu’où elle est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?
Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.
Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n’épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé depuis six jours.
Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !
Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l’homme, que ce sont des crimes envers Dieu !
Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a point pour base l’ordre moral consolidé !
Victor Hugo
« Tant que je serai où je suis, il n’y aura pas de guerre »
Aristide Briand
Ce discours a été prononcé par Aristide Briand devant l’Assemblée de la Société des Nations à Genève, le 11 septembre 1930.
https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu02042/discours-d-aristide-briand-devant-la-sdn-du-7-septembre-1929.html
Je suis à cette tribune à un double titre. J’y suis d’abord comme délégué de la France, appelé à faire connaître dans cette discussion générale l’opinion de son pays sur l’activité de la Société des nations pendant l’année qui s’est écoulée. J’y suis aussi comme mandataire chargé par vingt-sept nations européennes de vous faire une communication. Cette seconde partie de ma tâche ne sera pas la moins délicate. Je suis décidé à l’accomplir avec le haut sentiment de ma responsabilité.
J’ai dans la Société des Nations une foi profonde. Les résultats obtenus par elle au cours des dernières années ont grandi la foi des peuples dans sa force et son autorité et l’on peut bien dire qu’à l’heure actuelle elle constitue la principale barrière contre un danger de guerre. C’est parce que les peuples le sentent et le savent qu’ils lui restent profondément attachés. C’est aussi parce qu’ils croient la Société des nations incapable de se désintéresser d’aucune activité ; c’est parce qu’ils la croient apte à se mêlera tous les mouvements d’idées, à toutes les actions favorables à l’œuvre de paix, que cette confiance, est pour ainsi dire inébranlable.
La Société des nations a déjà, passé le cap des ironies qui est un cap de tempête singulièrement dangereux pour les institutions comme pour les hommes; elle a passé aussi le cap du sarcasme, et peut-être même le cap des calomnies : elle est maintenant en plein océan. Elle a devant elle de larges horizons. Elle ne doit pas s’en détourner. Mon prédécesseur à cette tribune a dit : « La paix a fait des progrès dans le monde. »
C’est indiscutable. Certaines précautions internationales ont été prises qui la mettent à l’abri des circonstances imprévues ; elle a déjà pour sa défense des moyens que les peuples ont ignorés dans le passé. C’est vrai. Et c’est déjà une très grande chose que malgré d’énormes difficultés, malgré la guerre, malgré les divergences entre les peuples, ne puissent plus surgir de ces événements imprévus qui, sans que les peuples aient pu s’en défendre, sans qu’ils aient pu réfléchir, les jettent les uns contre les autres à l’aveuglette sur un champ de bataille sanglant. Comme mon prédécesseur à cette tribune, je proclame qu’il faut se réjouir de ce grand progrès.
Sir Robert Borden a bien voulu reconnaître que j’avais essayé personnellement d’apporter une contribution efficace à cette œuvre de paix.
Je reconnais avec lui que le pacte de Paris par exemple a, pour la première fois, dénoncé la guerre comme un acte illicite et criminel. Car il est inouï de penser qu’au point où en était arrivée l’humanité, on n’avait pas encore déclaré solennellement à la face des peuples que la guerre était un acte illicite, qu’elle était un crime ! Le pacte de Paris l’a fait, apportant ainsi une grande force morale au service de la paix.
D’autres progrès ont été réalisés dans le même ordre d’idées : la multiplication des pactes de conciliation et d’arbitrage entre les peuples, les accords régionaux pour interdire le recours à la force, pour essayer de régler tous les conflits par des moyens pacifiques : tout cela forme une contribution importante à l’œuvre de paix. La Société des nations a fait davantage.
L’acte générai d’arbitrage a été établi comme une formule offerte à la bonne volonté pacifique de tous les peuples; le recours à la Cour permanente de justice internationale a été institué, les moyens de conciliation ou d’arbitrage multipliés, des mesures de sécurité mises à l’étude. Car, dans cette œuvre de paix, ce qui serait le pire c’est que, à côté des peuples de bonne volonté qui sont tournés vers elle, il en restât quelques-uns qui, sous l’influence d’une circonstance passagère, pourraient rejeter l’humanité dans la guerre. Ceux qui seraient victimes, alors, ce seraient les plus généreux, ceux qui seraient allés d’un cœur plus ardent vers la paix. C’est là le danger qu’il faut éviter. Il faut donc la simultanéité dans l’adoption et l’application des accords.
Tout à l’heure, à cette tribune, on a abordé la question du désarmement. Il est évident que tous les efforts en vue de la paix, s’ils ne doivent pas avoir comme corollaire la limitation et la réduction des armements, resteraient précaires et comporteraient bien des déceptions pour les peuples de bonne volonté. Cela, il ne le faut pas. Il faut réaliser ce que les signataires du pacte de la Société des nations, ce que les signataires des traités ont promis.
D’ailleurs, il faut rendre à la Société des nations et à sa commission spéciale cette justice que pas un instant on ne s’est détourné de cette tâche. On a rencontré des difficultés énormes mais, malgré vents et marées, l’œuvre en vue du désarmement s’est poursuivie sans relâche. On l’a reconnu à cette tribune et même ceux qui étaient le plus susceptibles de s’étonner de la lenteur des progrès réalisés dans cette voie ont bien dû l’admettre.
Le fait que la paix se consolide entraîne des dispositions plus-favorables à la réduction des armements. Pour ne parler que de mon pays, il aurait été impossible de maintenir certains chiffres d’effectifs et de budgets militaires à l’étiage où ils avaient été portés, si sa sécurité n’avait été accrue. Dans tous les autres pays, la même disposition d’esprit se rencontre.
Tout récemment, nous nous sommes réunis à Londres et nous avons recherché entre nations de bonne volonté un accord complet en matière navale. Nous nous sommes heurtés à des difficultés ; nous sommes restés de longues semaines, nous réunissant souvent trois fois par jour, confrontant nos préoccupations, nos soucis, cherchant la bonne voie ; une partie de l’entente cherchée a été réalisée. Je dirai que cette partie n’est pas négligeable car elle permettra à la commission du désarmement de la Société des nations, arrêtée jusque-là par, une difficulté insurmontable, de travailler maintenant sur l’accord réalisé à Londres, la voie s’ouvre de nouveau devant elle. C’est encore là un avantage positif qu’il convient d’enregistrer.
Est-ce à dire que tout est fini ainsi ? Non. Comme ministre des affaires étrangères, j’ai été, je suis, je serai demain, comme mon pays, en conversation avec un autre pays voisin et ami, avec la volonté de réaliser avec lui un accord qui viendra se joindre à l’accord général de Londres et qui apportera de nouvelles facilités dans la voie que, l’on indiquait tout à l’heure. (Applaudissements!)
Au risque de paraître une fois de plus dans ma vie comme une espèce d’illusionniste, et j’avouerai que, par un certain côté, cela ne me déplaît pas, car quand on a été une douzaine de fois premier ministre dans des circonstances difficiles et que l’on rencontre des adversaires qui veulent bien encore vous attribuer une fraîcheur de sentiments capable, d’aller jusqu’à la duperie, il y a là une sorte d’hommage à une jeunesse relative que l’on tient à constater, — je vous dirai que quels que soient les mauvais moments par lesquels on puisse passer, et il y en a, quels que soient les petits frissons d’inquiétude que dans certaines circonstances les peuples puissent ressentir, et il y en a également, je suis personnellement tout à fait décidé à m’enfoncer dans cette volonté : tant que je serai où je suis, il n’y aura pas de guerre. (Vifs applaudissements.)
Je ne veux pas admettre que la guerre se déchaîne de nouveau sur l’humanité. Et si, dans tous les gouvernements qui font partie de la Société des Nations la même volonté s’ancre puissamment, l’on se dit « Quelle que soit la véhémence des discussions, quelle que soit l’acuité des conflits, quelque peine que nous puissions avoir à les régler, nous les réglerons dans la paix et par la paix », le jour où cet état d’esprit existera parmi les peuples, parmi les dirigeants, quel progrès! Et comme la commission préparatoire que vous ayez chargée d’une tâche […] verra les difficultés aplanies sous ses pas.
Je souhaite que nous y arrivions bientôt. Il y a là une espèce d’engagement d’honneur qui doit être tenu. Ce que la Société des nations doit éviter avec le plus de soin, c’est tout ce qui pourrait créer dans l’esprit des peuples une sorte de déception qui viendrait diminuer leur confiance en elle. Elle a conquis, cette confiance ; elle a maintenant entre les mains un dépôt sacré de paix sur lequel elle doit veiller attentivement, que rien ne vienne l’ébranler.
On serait porté volontiers, quand certains courants d’idées pénètrent la maison, quand ils prennent la forme de courants d’air un peu indiscrets, susceptibles de troubler les habitudes, la quiétude, on serait tenté de se précipiter sur la fenêtre et de la fermer. Ce geste-là, la Société des Nations ne doit jamais le faire. Elle doit accueillir toutes les idées qui passionnent les peuples, surtout lorsque ce sont des idées de paix ; elle doit en prendre courageusement la direction ; elle doit affronter sur ce point toutes les responsabilités.
Ce que je vous dis là peut vous apparaître comme une sorte de précaution oratoire à mon service personnel. Il est évident que j’ai une grosse part de responsabilité dans la situation en face de laquelle vous allez vous trouver et dont je suis chargé de vous entretenir. Mais ceux d’entre vous qui assistaient à la dernière assemblée et qui m’ont entendu parler la tribune voudront bien reconnaître au moins que j’ai mis, une année de ténacité au service de cette idée et ils voudront bien admettre aussi que je n’ai pas poursuivi la réussite de cette idée en dehors de la Société des Nations.
Avant même de la soumettre aux pays plus directement intéressés, je vous disais, à cette tribune, ce que je comptais faire et je vous ce que je répète aujourd’hui, que rien dans cet ordre ne pouvait être fait non pas seulement contre la Société des nattons ainsi que certains ont pu le dire, mais même à côté d’elle. Il n’y a pas une action de paix, qu’elle soit entreprise par un pays ou par un groupe de pays, ou régionalement, par un continent ou par une civilisation tout entière, qui puisse désormais réussir si elle ne se développe pas au sein de la Société des Nations, si elle n’est pas intégrée en elle, si elle n’a pas le concours, moral et matériel, de tous les pays de la Société.
Je prévoyais alors, et vous vous le rappelez, que cette idée-là n’irait pas sans rencontrer quelques graves difficultés. Je prévoyais qu’elle me serait reprochée comme une imprudence, je prévoyais qu’il viendrait une heure où beaucoup penseraient l’avoir suffisamment affaiblie pour se convaincre qu’elle ne peut plus guère être défendue sans qu’on s’expose à une ironie mortelle.
Ce n’est pas mon avis. Cette idée, elle est dans les peuples; elle est logique; elle ne parle pas seulement au côté mystique de leur conscience et elle a déjà, à cet égard, une grande force elle parle aussi à leur bon sens, à leur raison. Elle apparaît tout naturellement comme une nécessité pour les peuples des territoires oui ont été les plus bouleversés, les plus ensanglantés par la guerre. Ce sont eux, d’abord, qui doivent s’entendre. C’est la logique même de la situation.
Nous avons le malheur d’habiter un continent qui a été bouleversé par bien des guerres et qui vient de subir les désordres de la dernière conflagration. Ces souffrances sont loin d’être toutes pansées. Les difficultés matérielles sont loin d’être résolues. Un lourd héritage pèse sur nous et si quelques fumerolles sont aperçues à la surface de la terre, c’est sur ce point particulier qu’on les voit les plus nombreuses, qu’on les voit les plus dangereuses. C’est donc là qu’il faut faire œuvre pratique ; c’est là que les peuples qui veulent la paix doivent s’organiser pour l’assurer.
C’est à cette pensée logique qu’a découlé l’entreprise à laquelle je me suis attaché.
Je vous le répète, je ne me suis pas fait d’illusions sur les difficultés. Je les ai vues grandir au fur et à mesure que les mois passaient ; je les sens en face de moi, autour de moi ; elles ne peuvent pas ne pas être ; il est impossible d’envisager une tentative d’union entre des peuples qui ont des intérêts importants sans que se présentent des difficultés. Mais tout est difficile entre nations. Il n’y a pas un problème se posant entre elles qui ne soit difficile à résoudre. Ce qui est le plus facile, c’est de ne pas le poser ; ce qui est le plus aisé, c’est de l’ignorer. Mais ce genre de commodités est mortel pour la nation qui se les donne. Quand on l’aime profondément, quand on veut la voir évoluer dans le progrès et aboutir à des résultats, il ne faut pas craindre de lui dire d’affronter toutes les difficultés d’une pareille entreprise.
Aujourd’hui, je suis à la tribune pour vous dire au nom de vingt-sept nations européennes qui se trouvaient réunies ici, il y a trois-jours, qu’elles ont reconnu, après une longue étude, que leur collaboration dans toutes les activités internationales par une union réalisée est d’une importance capitale pour le maintien de la paix. Après avoir discuté pendant un an, après avoir retourné le problème sous toutes ses faces, après l’avoir examiné avec le sérieux que les gouvernements apportent à ce genre de travail, voilà leur conclusion de principe, conclusion un peu idéale, mais conclusion.
Et pour le surplus ? Oh! Pour le surplus, c’est une autre chose. Quand il s’agit d’établir un lien d’union, un lien fédéral entre des puissances qui ont encore tant de préoccupations d’autre part, il est nécessaire d’agir avec prudence et de ne pas faire de gestes qui se retournent contre l’entreprise que l’on a en vue. Mais déjà c’est une grande chose qu’après, ce qui s’est passé il y a dix ans, on ait pu se livrer officiellement un examen aussi approfondi d’une question aussi importante.
L’idée de l’union des nations européennes avait reçu le coup de chapeau de tout ce qui compte parmi les hommes de l’intellectualité la plus raffinée. Elle avait reçu le coup de chapeau des philosophes. Elle avait reçu le coup de chapeau d’hommes politiques. Elle avait, hélas, reçu un coup de chapeau des poètes, et cela lui avait fait bien du tort. Elle était déjà placée parmi ces idées qu’on a déjà placées dans les musées avant de leur avoir permis de circuler dans la vie. Elle était déjà dans les vitrines et quand on la montrait, on disait : « Voilà le poète qui l’a saluée ; voilà le philosophe qui l’a préconisée ». On dira peut-être : « Un homme politique qui avait perdu toute prudence s’est associé à ces hautes intelligences ». J’espère avoir une meilleure place que dans un musée.
Quand il s’agit de développer une idée comme celle-là, je voudrais la voir se développer avec quelque chance de réalisation. En tout cas, elle a été offerte aux délibérations des gouvernements. II y a un an, je vous avais dit qu’une première délibération aurait lieu. Elle a eu lieu. Elle a été une réunion fraternelle, comme il y en a à Genève entre des délégations qui veulent parler, mais qui sentent qu’on a les yeux sur elles, qui s’efforcent de ne parler officiellement que lorsqu’il n’y a pas danger à le faire et qui, pour garder un caractère non officiel, mais le plus efficace possible à leurs conversations, s’efforcent de les avoir ou dans un thé ou dans un banquet. On ironise sur ces rencontres. Evidemment, ce sont les mêmes hommes qui se réunissent. Si c’est après avoir fraternisé dans ce genre de réunions qu’il leur est possible d’échanger, des idées, je ne vois pas pourquoi on les blâmerait.
A la suite de cette première réunion, on m’avait fait l’honneur de me confier la mission
d’établir un questionnaire à propos d’un lien fédéral à créer entre les nations d’Europe et de le soumettre à tous les gouvernements ; de recueillir leurs réponses et d’en faire un rapport à présenter à une deuxième réunion. J’ai établi le questionnaire. Je l’ai fait aussi complet que possible. Je me suis efforcé de poser tous les problèmes, que soulevait cette entreprise. Je me suis préoccupé soit de la dualité avec la Société des nations, soit de certaines inquiétudes qu’on avait, essayé de faire naître, soit de je ne sais quelle concurrence malsaine avec un autre continent. J’ai soulevé dans ce questionnaire toutes les questions qui méritaient d’être examinées, je le crois, et je remercie les gouvernements de l’attention qu’ils ont apportée à leur étude. Je dois les féliciter du sérieux avec lequel ils ont délibéré sur le mémorandum. Tous, ont répondu.
Ah! Si je disais qu’après ces réponses, il n’y a plus qu’une chose à faire : formuler une constitution commune, je pense que vous trouveriez que je vais un peu loin dans la témérité. Non. Quand j’ai lu ces réponses, j’y ai trouvé des éléments favorables à mon point de vue. J’en ai trouvé d’autres qui l’étaient moins. J’ai aperçu… (Et je remercie les gouvernements qui nous les ont fait apercevoir) certaines difficultés que peut-être je n’avais pas entrevues au début.
Mais ce que j’ai retenu de toutes ces réponses c’est un état d’esprit unanimement favorable à l’idée.
Dans la réunion tenue ces jours derniers à côté de la Société des Nations, après avoir donné lecture du rapport que j’ai fait à mes collègues en vertu du mandat qu’ils m’avaient confié sur cette consultation générale, j’ai eu le plaisir de constater que cette unanimité de principe était maintenue et que, comme les réponses l’indiquaient déjà, les Etats européens considéraient leur union comme d’une importance capitale pour le maintien de la ‘paix. J’ai été chargé par mes collègues de vous faire part de cette manifestation d’unanimité.
On a dit que des divergences de vues fratricides s’étaient produites dans cette réunion. Qui y aurait assisté aurait pu se rendre compte que de semblables interprétations sont loin de la vérité. Notre discussion a été aussi cordiale et fraternelle qu’on le pouvait souhaiter dans de telles circonstances. Après, avoir envisagé certains points de procédure, c’est dans une unanimité dont je suis encore touché que j’ai été chargé de faire connaître cette adhésion de principe à l’assemblée de la Société des Nations. Car s’il y a eu entre nous divergence sur certains points, je peux vous affirmer qu’il n’y en a eu aucune, à aucun moment, sur la question de savoir si l’entreprise pouvait être poursuivie plus avant et encore moins si elle pouvait être réalisée sans le concours de la Société des nations. Il n’y a pas eu, à cet égard, une minute de discussion.
Dès que notre accord de principe a été constaté, il a été décidé de le porter à cette assemblée. Si la Société des nations pouvait participer à certaines inquiétudes, à certaines craintes que des polémiques peut-être un peu intéressées ont essayé de faire naître, et si elle disait aux nations européennes : « Il ne faut pas tenter une pareille entreprise, car elle est capable de me diminuer et de m’affaiblir », l’homme qui est à cette tribune n’aurait pas une minute la patience de persévérer, car s’il y a quelqu’un qui rattache à la Société des nations toutes les activités en faveur de la paix, c’est moi, je le répète. Je crois en avoir donné de nombreuses preuves. Dans une circonstance comme celle-ci, je n’hésiterais pas à en donnes une nouvelle, si un pareil point d’interrogation pouvait se poser. Mais je ne crois pas qu’il y ait d’antagonisme entre les associations régionales, admises comme telles par le pacte, et la Société des Nations. Au contraire, des facilités nouvelles naîtraient pour elle de cette union des pays européens.
La Société des nations est universelle. Elle travaille dans l’universalité. Elle a une tâche énorme à remplir dans le monde. Elle est obligée de se donner aux préoccupations les plus multiples, les plus diverses. Elle n’a pas la possibilité de se réunir aussi souvent qu’elle le voudrait. Qu’il s’agisse d’elle ou de son conseil, ses réunions sont forcément espacées. Cependant elle se saisit en temps voulu des difficultés qui peuvent naître entre les peuples. Elle ne faillit pas à sa tâche. Elle s’efforce de la remplir et elle y est parvenue dans des circonstances graves, presque tragiques. Mais comme cette tâche serait facilitée, si, sur le point du monde le plus exposé, les peuples avaient, par un lien, créé entre eux la possibilité de ne pas perdre le contact, d’examiner les événements qui naissent, de les interpréter et de conclure en temps utile l’accord nécessaire!
La Société des nations reste au-dessus, bien au-dessus, pour les arbitrer, des difficultés qui n’ont pas pu être réglées entre les nations. Mais c’est déjà lui rendre hommage, c’est agir avec déférence, à son égard, c’est lui témoigner toute son affection, que de réduire au minimum les cas difficiles dans lesquels elle peut avoir à agir. Une Union européenne, bien loin de gêner l’activité de la Société des Nations, ne ferait que la faciliter. Certains qui n’étaient probablement pas très favorables à l’idée, avaient manifesté quelque inquiétude à l’égard d’autres peuples que nous aimons, auxquels nous avons toujours fait appel toutes les fois que nous avons eu de graves problèmes à résoudre, que nous avons vus avec une satisfaction profonde s’approcher de nous de plus en plus ; des peuples que de tous nos vœux nous appelons dans notre sein, que nous voudrions voir associés à notre tâche. Penser qu’il puisse y avoir, dans une entreprise de cette nature, la moindre idée dirigée contre ces peuples, croire qu’il y ait des arrière-pensées- malsaines de lutte ou de mauvaise concurrencé, c’est une idée qui ne supporte pas l’examen.
On a parlé des Etats-Unis. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec des hommes publics et de grands hommes d’affaires de ce pays. Dès les premières paroles, j’ai bien vu qu’ils considéraient comme une injure à leur égard qu’on pût leur prêter un sentiment aussi étroit que de vouloir laisser les peuples d’Europe dans un état de désordre ou d’impuissance.
Personne n’a à gagner à ce qu’un tel état de choses se perpétue, à ce qu’une vieille civilisation soit tenue de vivre dans un état de division malsaine, à ce que, même pour parler affaires, un marché reste inorganisé. Tous les pays ont intérêt à ce que des peuples, comme ceux d’Europe, se rapprochent, s’unissent et étudient en commun leurs problèmes, règlent leurs forces économiques et puissent ainsi offrir aux produits du dehors la plus grande capacité d’absorption, voilà le sentiment de tous les hommes d’affaires qui méritent vraiment ce nom et qui apportent tous les problèmes de la vie économique un esprit vraiment large et libéral. Sur ce point, je crois qu’il faut faire justice des critiques qui ont été formulées et les écarter résolument.
Mais ici, je suis hors du cadre des considérations de paix dont je parlais tout à l’heure. Je me trouve en présence de simples problèmes pratiques.
Il n’est pas possible de nier que nos pays traversent une période de gêne et de difficultés qui sont les suites de la guerre et qui devraient bien constituer aux yeux des peuples le meilleur argument pour les empêcher à l’avenir de se combattre à nouveau. Des difficultés économiques ne peuvent pas ne pas sortir d’une guerre. Et si, par malheur, une nouvelle guerre, dont je ne veux même pas envisager la possibilité, venait, s’abattre sur les peuples, elle entraînerait avec elle une nouvelle période de souffrances et de misère. Je me demande combien d’années il leur faudrait, cette fois, pour arriver à s’en dégager.
Aujourd’hui, c’est encore possible ; mais il ne faut pas perdre de temps, des choses intéressantes ont été faites. Au point de vue documentaire, des indications précieuses ont été recueillies dont il convient de tenir compte. Mais dès qu’on approfondit les problèmes, leur complexité apparaît. Que pensera tel pays ou tel autre? Est-il possible de créer des associations entre telle et telle nation ? La Société des Nations pourrait-elle, sans l’aide particulière des pays intéressés, élucider
tant de questions délicates et compliquées ? Je ne le crois pas. Je pense, au contraire, que, dans cet ordre d’idées, pour les questions qui leur importent le plus au point de vue économique, une union des pays européens rendrait les plus grands services.
Je ‘m’excuse, mesdames et messieurs, d’avoir été si long. J’ai voulu, aussi rapidement que possible, vous présenter les principaux aspects du problème et je vous demanderai, en concluant, de réfléchir sur ce fait que vingt-sept nations parmi celles qui sont ici totalement dévouées à la cause de la Société des Nations, ayant étudié le problème sous tous ses aspects, y ayant réfléchi longuement, sont arrivées à cette conclusion : « Oui, nous croyons qu’un lien d’union entre les peuples d’Europe serait pour la paix d’un intérêt capital ».
Avant de poursuivre notre entreprise, nous avons besoin de vous. Nous avons besoin de votre concours moral, de vos encouragements ; nous avons besoin de sentir qu’il n’y a aucune arrière-pensée de vous à nous et que vous ne participez en aucune manière aux critiques qui ont voulu nous faire apparaître comme cherchant à établir une sorte de concurrence à la Société des nations. Nous voudrions que vous sachiez que dans toute notre entreprise, il y a un lien d’affection filiale qui nous relie à vous et nous voudrions bien, avant de faire un pas de plus, que la Société nous dise,
comme elle l’a déjà fait dans d’autres circonstances : « Allez de l’avant. Vous êtes dans la voie. Vous marchez vers la paix ! »
Aristide Briand
« Le projet d’union fédérale »
« Une sorte de lien fédéral » Genève, le 5 septembre 1929
Aristide Briand
Mon collègue et ami M. Hymans, dans son très beau discours, a abordé un autre problème délicat dont la Société des Nations s’est saisie et à propos duquel elle a réuni une excellente et fort intéressante documentation. C’est le problème du désarmement économique; car il n’y a pas seulement à faire régner parmi les peuples la paix du point de vue politique, il faut aussi faire régner la paix économique.
M. Hymans a proposé certaines solutions que, pour ma part, j’envisagerai avec sympathie. Mais, qu’on me permette de le dire, dans ce domaine aussi, il faut que la Société des Nations se décide à avancer d’un pas ferme. Il ne faut pas qu’elle traite ces questions avec la timidité que pourraient lui inspirer les difficultés de la tâche.
Je ne crois pas à la solution d’un tel problème – j’entends une solution véritable, c’est-à-dire de nature à assurer la paix économique – par des moyens de pure technicité. Certes, il faut avoir recours aux conseils techniques; il faut s’en entourer et les respecter; il faut accepter de travailler sur la base d’une documentation sérieuse et solide. Mais si nous nous en remettions aux seuls techniciens du soin de régler ces problèmes, nous devrions tous les ans, à chaque Assemblée, nous résigner à faire de très beaux discours et à enregistrer avec amertume bon nombre de déceptions.
C’est à la condition de se saisir eux-mêmes du problème et de l’envisager d’un point de politique que les gouvernements parviendront à le résoudre. S’il demeure sur le plan technique on verra tous les intérêts particuliers se dresser, se coaliser, s’opposer : il n’y aura pas de solution générale.
Ici, avec quelque préoccupation, je pourrais dire avec quelque inquiétude, qui fait naître en moi une timidité dont vous voudrez bien m’excuser, j’aborde un autre problème. Je me suis associé pendant les dernières années à une propagande active en faveur d’une idée qu’on a bien voulu qualifier de généreuse, peut-être pour se dispenser de la qualifier d’imprudente. Cette idée qui est née il y a bien des années, qui a hanté l’imagination des’ philosophes et des poètes, qui leur a valu ce qu’on peut appeler des succès d’estime, cette idée a progressé dans les esprits par sa valeur propre. Elle a fini par apparaître comme répondant à une nécessité. Des propagandistes se sont réunis pour la répandre, la faire entrer plus avant dans l’esprit des nations et j’avoue que je me suis trouvé parmi ces propagandistes.
Je n’ai pas été cependant sans me dissimuler les difficultés d’une pareille entreprise, sans sentir l’inconvénient qu’il peut y avoir pour un homme d’Etat à se lancer dans ce que l’on peut appeler une pareille aventure.
Mais je pense que dans tous les actes de l’homme, les plus importants et les plus sages, il y a toujours quelque grain de folie ou de témérité. Alors, je me suis donné d’avance l’absolution et j’ai fait un pas en avant. Je l’ai fait avec prudence. Je me rends compte que l’improvisation serait redoutable et je ne me dissimule pas que le problème soit peut-être un peu en dehors du programme de la Société des Nations; il s’y rattache cependant car la Société, depuis le Pacte, n’a jamais cessé de préconiser le rapprochement des peuples et les unions régionales, même les plus étendues.
Je pense qu’entre des peuples qui sont géographiquement groupés comme les peuples d’Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral ; ces peuples doivent avoir à tout instant la possibilité d’entrer en contact, de discuter de leurs intérêts, de prendre des résolutions communes, d’établir entre eux un lien de solidarité, qui leur permettra de faire face, au moment voulu, à des circonstances graves si elles venaient à naître.
C’est ce lien, messieurs, que je voudrais m’efforcer d’établir.
Evidemment, l’association agira surtout dans le domaine économique : c’est la question la plus pressante. Je crois que l’on peut y obtenir des succès. Mais je suis sûr aussi qu’au point de vue politique, qu’au point de vue social, le lien fédéral, sans toucher à la souveraineté d’aucune des nations qui pourraient faire partie d’une telle association, peut être bienfaisant, et je me propose, pendant la durée de cette session, de prier ceux de mes collègues qui représentent ici des nations européennes, de vouloir bien, officieusement, envisager cette suggestion et la proposer à l’étude de leurs gouvernements, pour dégager plus tard, pendant la prochaine Assemblée peut-être, les possibilités de réalisa lion que je crois discerner. »
Aristide Briand
Gustav Streseman
Discours du Ministre des affaires étrangères d’Allemangne à l’occasion de son Prix Nobel qu’il a reçu avec Aristide Briand
An die Spitze der französischen Außenpolitik trat Briand, der Nachfolger Herriots, der die Zusicherung der Ruhrräumung einlöste. Es kam mit der deutschen Initiative des Memorandums vom 9. Februar 1925 die Inauguration der Politik von Locarno. Es wäre eine Unwahrheit, zu sagen, dass diese Politik vom ersten Augenblick an freudige und herzliche Zustimmung gefunden hätte. Misstrauen draußen verhinderte die schnelle Beantwortung des deutschen Schrittes. Missdeutung im Innern trat ihr entgegen, die schwächliche Resignation da sah, wo in Wirklichkeit eine aktive Politik einsetzte, die man glaubte als eine Verzichtspolitik bezeichnen zu können. Neue Fragen warf die Gegenseite in die Debatte, um Deutschlands Wunsch nach Frieden zu erproben. Der Eintritt in den Völkerbund wurde als Voraussetzung geschaffen für die Bekräftigung der Locarno-Verträge. Welche Wendung sprach sich darin aus ! Einst hatte Deutschland 1919 den Eintritt in den Völkerbund erstrebt und war von kurzsichtigen und einsichtslosen Leuten in diesem Wunsche zurückgewiesen worden. Jetzt wünschte man seinen Eintritt […]
Im September geschah Deutschlands Eintritt in den Völkerbund, bei dem Herr Briand in einer Rede, die in allen Erdteilen gehört wurde, davon sprach, dass die Zeit der Kanonen und Mitrailleusen vorbei sein müsse, und in der er die Worte sprach, die über diesem Jahrhundert stehen sollten, dass die beiden Großen Völker, Deutsche und Franzosen, so viel Lorbeeren im Kriege auf den Schlachtfeldern gegenseitig errungen hätten, dass die Zukunft sie nur sehen sollte im Wettbewerb um die Großen idealen Ziele der Menschheit.
Wer diese Stunden in Genf erlebt hat, der wird sie in seinem Leben nicht vergessen.
Gustav Stresemann.
Le successeur qu’est Aristide Briand a repris la promesse de la « Ruhrräumung » « La perte de la Ruhr
L’opinion intérieure l’interpréta faussement, y voyant une résignation faible là où, en réalité, une politique active s’installait, que l’on aurait pu décrire comme une politique de refus.
« . Initiative du mémorandum du 9 février 1925 d’inauguration de la politique de Locarno. Il serait faux de dire que cette politique a été dès le début joyeuse et cordiale. La méfiance à l’extérieur empêche la réponse rapide à l’étape de l’intégration allemande. La perte de la Ruhr
L’opinion intérieure l’interpréta faussement, y voyant une résignation faible là où, en réalité, une politique active s’installait, que l’on aurait pu décrire comme une politique de refus.
. De nouvelles questions ont été lancées dans le débat par l’autre partie afin de tester le désir de paix de l’Allemagne. L’entrée dans la Société des Nations a été créée comme condition préalable à la réaffirmation des traités de Locarno. Et ce pour quelle issue? L’Allemagne avait déjà demandé à faire partie de la Société des Nations en 1919 et avait été rejetée par des personnes malvoyantes et incapables. Maintenant, on souhaitait son entrée […]
En septembre, l’entrée de l’Allemagne dans la Société des Nations, dans laquelle M. Briand s’exprimait dans le monde entier, parlait du temps des armes à feu et des mitrailleuses, et où il prononçait les paroles devraient marquer ce siècle et les deux grands peuples, allemand et français, qui ont remporté tant de lauriers dans la guerre et sur les champs de bataille, car l’avenir ne devrait les voir que dans la compétition pour les grands idéaux de l’humanité
Quiconque a vécu ces heures à Genève ne les oubliera jamais dans sa vie.
Gustav Stresemann
The Barbarians Are Within
Roger Cohen New York Times
26 Octobre 2018
America is a self-governing enterprise. In the face of feckless and corrupt people, there are better options.
I have been reading J.M. Coetzee’s novel “Waiting for the Barbarians.” It concerns a magistrate, a servant of Empire, stationed on a remote frontier, who watches with mounting indignation as fear of barbarian encroachment is used to justify a brutal and self-defeating imperial campaign of violence and torture. It is a portrait of an aging man, stung by his conscience, bewildered by his times.
In one passage, Coetzee writes: “Every year the lake-water grows a little more salty. There is a simple explanation — never mind what it is. The barbarians know this fact. At this very moment they are saying to themselves, ‘Be patient, one of these days their crops will start withering from the salt, they will not be able to feed themselves, they will have to go.’ That is what they are thinking. That they will outlast us.”
Barbarians come in different guises. Coetzee’s novel turns in part on the fact that the barbaric presence in his pages is the Empire, not the Empire’s imagined enemies. It is of the nature of declining powers to imagine foes, to flail, to produce zealots, to embark on doomed wars, to flex the atrophying muscles of dominance. It is of the nature of life that imagined enemies, once provoked, turn into real ones.
On horseback, ragged mirages in the dust, Coetzee’s barbarians do not really need to do anything. Hardly more than chimera, they suck the Empire into their labyrinth. This is because the Empire is dying, just as the magistrate is dying. He is an aging libertine with an agile mind and a love of knowledge — a speck, as he sees with unforgiving insistence, on history’s tide. This is a novel about the desperation of mortality.
Surveying the American scene in the run-up to the midterm elections early next month, it is hard to escape that word: desperation. This time the barbarians are not shabby. They are well groomed, well heeled, loud-mouthed; and they never heard a chord, or read a phrase, or saw a sensuous line on a canvas that caused them to pause in wonder.
These barbarians chose their moment well. The Empire-lite has not known a victory in far-flung wars in all the 17 years since it was attacked. The millions who served at distant, tedious frontiers were scarcely recognized on their return. They trudged their trauma home in sullen silence.
They watched, these unacknowledged servants of the imperial Republic, as certainties evaporated and precariousness spread and words lost meaning and money rode roughshod over sacrifice. The mood in the Empire was restive, ripe for a self-declared savior ready to deploy the language of violence and identify scapegoats.
In due course, along came the barbarian savior, marching across the ramparts, through the gates of the capital, and declaring the rapt crowd to be the largest in recorded history. He had been chosen to blow up the whole place. He set about his task with vigor.
What can be said at this point about the self-styled savior? He is a man of fiendish energy and malicious intuitions who gets the blood up by appealing to the barbarian in us all. He says he wants to make the Empire great again, but all he really wants to do is to loot it on the way down. His Republican cronies enable him because their love of power blinds them to the contagion they propagate.
The barbarian savior loves to see a reporter body-slammed, to parade his ignorance, to strut his lies, to broadcast his bigotry, to empower rich Middle Eastern murderers, to humiliate a woman traumatized by sexual assault, to incite his followers to violence, to sap civilization, to toy with nuclear Armageddon as a distraction from his scam.
The barbarian game is clear: to blind Americans to the fact that the United States is a self-governing enterprise. To say government is evil, government is terrible, bad government is what Democrats do — so just leave it to us! In short, the objective is to outlast us, and to eviscerate the institutions that make us, us. But no! We Americans are self-governing, and in the face of malevolent and feckless and corrupt people, there are better options. That is what the vote on Nov. 6 is about.
In Coetzee’s novel, the magistrate encounters a zealous officer, Colonel Joll, who has been dispatched to the frontier to crush the barbarians. Joll is a torturer, a man of implacable certainties, blinding “barbarian” prisoners, crushing their feet. The magistrate-narrator strives to maintain a certain civility in his exchanges with Joll, but grows disgusted:
“Throughout a trying period he and I have managed to behave towards each other like civilized people. All my life I have believed in civilized behaviour; on this occasion, however, I cannot deny it, the memory leaves me sick with myself.”
There comes a moment, when the barbarian is within, to draw a line, to say enough, to speak out, to make a stand whatever the cost. The desperation of mortality can also yield the lucidity of courage.
Roger Cohen
From the New York Times
26 Octobre 2018
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« SE PROMENER D’UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE » VOLTAIRE
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