"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE

mars 23, 2023

Hanoi trump et Kim
Hanoï ou le charme discret des sommets naufragés : les illusions perdues. Par Leo Keller

Hanoï ou le charme discret des sommets naufragés : les illusions perdues.
Par Leo Keller

A Hanoï Donald Trump et Kim Jong-Un ne partagèrent l’agapé finale. L’ambroisie n’y fut point honorée.

Rarement sommet fut aussi ardemment recherché, autant désiré. Sur les fronts baptismaux du désarmement, rarement sommet souleva autant d’attentes, autant d’espoirs. Pour autant, rarement sommet fut aussi mal préparé.

Et pour autant rarement sommet échoué, porta en lui-ab ovo- la dialectique au sens hégélien d’une complétion future.
Autorisons-nous une hypothèse : la réussite n’est ni garantie, ni proche ; l’échec et l’apocalypse (pour faire plaisir aux esprits embrumés des néoconservateurs de tous bords) sont désormais écartés.
Afin de considérer le temps long, l’on se rappellera ce que Churchill disait: “Success is the ability to go from one failure to another with no loss of enthusiasm.”

Nous nous proposons donc, après un bref rappel historique de Singapour de voir comment la tintinnabulante euphorie s’était peu à peu estompée, les signes avant-coureurs de l’incompréhension grandissante et d’un désamour prévisible et de plus en plus perceptibles devenant de plus en plus nombreux.

Et pourtant Hanoï eût bien lieu. Pourquoi eût-il lieu malgré tout et pour quoi faire ?
Platon l’avait déjà compris lorsqu’il affirma : « Dieu voulant réconcilier les deux ennemis et ne pouvant y réussir les y attacha tous deux par leurs extrémités. »
Nous examinerons ensuite en quoi Hanoi présente des aspects amphibologiques. Les facteurs et raisons d’échec cachent-ils les espoirs qui semblent encore permis. Chaque avancée, que ce soit Singapour ou Hanoï présente à la fois un aspect positif et à la fois un risque ou inconvénient potentiel futur.

Nous nous permettrons alors d’esquisser les couleurs et les contours des solutions qui s’offrent à nos deux protagonistes et nous saluerons l’émergence de celui dont le caractère et l’intelligence destinent à un rôle majeur et dont la géographie et l’économie de son pays seront là pour impatroniser ses vues. Nous voulons parler bien entendu du président sud-coréen Moon Jae-in.

Les acquis

Singapour nous a légué deux types de mesures. Certaines sont d’ordre technique, d’autres moins visibles mais peut-être plus importantes car immatérielles.
Ainsi de la confiance ! Singapour a consacré (enfin pour les américains) un gel des essais nucléaires et des missiles ICBM, capables de frapper le territoire américain. Notons aussi le démantèlement de la centrale de Yongbyon même s’il est réversible.

Les Américains, de leur côté avaient suspendu de façon abrupte, inattendue, unilatérale et incohérente les manœuvres militaires communes avec la Corée du Sud. Ils les ajournent certes, mais pour une raison qui ne relevait pas de la géopolitique, juste des obsessions financières de Donald Trump qui en l’occurrence confondit gestion d’un casino ou d’un club de golf avec celle de la toujours première puissance mondiale.

Les risques sont donc réduits- nous ne dirons pas éliminés- la confiance s’installant durablement et une lune de miel artificielle remplace les invectives et les noms d’oiseaux que les deux détenteurs de boutons–plus ou moins gros il est vrai–s’échangeaient il y a encore peu.

Le président sud-coréen, peu après Singapour, multipliait les initiatives et développait les rencontres. L’on pourrait presque parler d’une réactivation de la Sunshine Policy.

La suspension après le sommet des exercices américano-coréens n’est pas en soi une mesure déstabilisante. Après tout, même deux ans sans exercice, n’altère pas fondamentalement ni la capacité de dissuasion, ni l’habitude de travailler ensemble sur le terrain militaire; en outre elle n’a pas un caractère irréversible et surtout elle s’accompagne d’entrainements simulés. Certes, un inconvénient se dessine, il n’y a pas de contrepartie réelle et négociée.
Le risque donc réside dans l’idée que se feront les nord-coréens de la solidité de la relation américano- coréenne qui avait auparavant essuyé quelques remarques désobligeantes de la part de Trump envers son homologue sud-coréen.

Singapour a aussi et surtout permis de légitimer entre les lignes sur le plan international, Kim comme étant l’interlocuteur privilégié et si ostensiblement couvé et choyé par Trump. Cette câlinothérapie, qui n’a que peu à voir avec une praxis sereine de la diplomatie, a conféré une visibilité internationale de l’armement nucléaire coréen et donc de sa reconnaissance. Il ne restait dès lors qu’à en tirer les conséquences.

Kim, quant à lui, a immédiatement empoché les dividendes ce qui aurait dû lui permettre d’abaisser le niveau de ses craintes quant à une attaque par les Usa sur son pays et sur la menace de renversement du régime.
Qu’il l’ait compris c’est absolument certain, l’homme est tout sauf idiot, qu’il ait accepté de l’exposer comme un nouvel invariant dans sa posture revendicative, c’est moins certain.

Cette avancée formidable même si ce n’était pas la première fois que les Coréens n’en bénéficiassent) portait déjà cependant en elle, les premières fissures.

L’agôn des egos affichait au-delà de leur mutuelle reconnaissance, les germes d’une confrontation ultérieure : celle de ces mêmes egos boursouflés de leur arsenal. À cet égard l’on nous excusera de ne pas développer outre mesure cette pantomime du Prix Nobel de la Paix dont Trump se voyait déjà affublé grâce à la flagornerie du premier ministre japonais Shinzo Abe.

Pour autant Singapour eut pour effet- significatif- la déclaration intercoréenne de Pyongyong.
Le 19 septembre 2018, Kim Jung-on et Moon Jae-in se sont donc rencontrés à Pyongyang. À l’issue de leur tête à tête, ils publient un communiqué commun qui fera date. Ils y pointèrent les spectaculaires progrès accomplis. Ils réaffirmèrent l’indépendance de leurs deux pays et la « self determination » qui doit gouverner leur relation. Ils exprimèrent leur volonté commune d’accroître les relations inter- coréennes.
Le but final, la quête du Graal- sous d’autres cieux l’on parlerait de la parousie, ne saurait être obtenue par la force mais pacifiquement. Il n’y a ni renoncements ni menaces d’unification par la force.

Qu’on en juge. Citons les points cinq et six de ce communiqué.
«The two leaders reaffirmed the principle of independence and self-determination of the Korean nation, and agreed to consistently and continuously develop inter-Korean relations for national reconciliation and cooperation, and firm peace and co-prosperity, and to make efforts to realize through policy measures the aspiration and hope of all Koreans that the current developments in inter-Korean relations will lead to reunification.”

Kim mentionne expressément sa volonté de démanteler la centrale de Yongbyon et le site de Dong Chong Ri. Certes contre des « corresponding measures». Tant il est vrai que le diable a pris surtout dans la région, la détestable habitude de nicher dans les détails.
Il n’empêche que c’est en quelque sorte couper le cordon ombilical nord-coréen. Bien entendu nous ne tenons pas non plus le discours de Kim pour parole d’évangile.

De son côté Trump abandonne–provisoirement ?– la bellicosité de son discours. Il proclame désormais à qui veut l’entendre : « he is in no rush » et qu’il a reçu des « beautiful letters » de Kim. Pour un peu il ne déparerait pas dans Cyrano de Bergerac ! Trump affirme, autre nouveauté, que tant qu’il n’y a pas de nouvel essai, il est satisfait de la situation. Il troque l’expression « rocket Man » par « rocket economy »

Cette atmosphère est encourageante à condition de ne pas oublier qu’elle porte déjà en elle les germes de déconvenues, de frustrations et donc de risques potentiels.

En gelant le statu quo, elle permet à Kim de se conforter dans sa volonté de ne pas poursuivre plus avant le désarmement. Le raisonnement peut paraître spécieux, voire relever de l’oxymore, il ne saurait en occulter ou phagocyter ni les dangers, ni les opportunités.

Parce que les intérêts stratégiques sont encore trop éloignés, les protagonistes ont affiché à Singapour tantôt les masques du théâtre japonais Nô et Kyogen. Mais leurs mines réjouies sont la preuve que the show must go on.
« Parados, stasimons, exordos ! » Hanoï rejouera la même piece.
The show must go on!

Les premières fissures

Du côté américain, l’on a pu noter les premiers signes avant-coureurs dans les positions opposées de Rex Tillerson et Mattis contre le pôle Bolton–Pompeo. En juillet 2018 Mike Pompeo se rendit en Corée du Nord ; Kim ne dénia pas même le voir jouant ainsi parfaitement et fort habilement des divergences de l’administration américaine, préférant traiter directement avec le maillon faible : Donald Trump.

En août Trump annula de façon abrupte une visite de Pompeo à Pyongyang arguant du fait qu’il n’y avait pas eu suffisamment de progrès dans les négociations. Bolton a quant à lui représenta l’aile dure des négociateurs américains. Rien d’étonnant à cela, il en a l’habitude ; c’est d’ailleurs sa spécialité. Ainsi dès décembre 2018, il déclare que Trump souhaitait un nouveau sommet «Because North Korea had “not lived up to the commitments” it made in Singapore.»
Pour d’aucuns cette position peut etre interprétée comme destinée précisément à préparer un nouveau sommet. Embrassons-nous Folleville !
Stephen Biegun, le négociateur américain en chef, nouvellement nommé, se rendit à Pyongyang six jours avant le sommet de Hanoï. Sa visite se passa on ne peut plus mal, Pyongyang ayant en effet exigé que, les cinq derniers trains de sanctions fussent levés avant toute chose au prétexte qu’elles frapperaient des civils.

En 2018 un vice-ministre des Affaires Etrangères de Corée déclara: “(that his country) “never had any expectation of U.S. support in carrying out our economic construction and will not at all make such a deal in future, either.”
Les Coréens affirmèrent que les Américains tinrent après Singapour un langage fermé peu propice à la négociation. «The Americans had pushed a “unilateral and gangster-like demand for denuclearization.”
Lors des vœux que Kim adressa à la nation en 2019, il précisa, s’il en était besoin, pressentant un échec à Hanoi: «If the United States does not keep the promise it made in the eyes of the world, and out of miscalculation of our people’s patience, it attempts to unilaterally enforce something upon us and persists in imposing sanctions and pressure against our Republic, we may be compelled to find a new way for defending the sovereignty of the country.” “If the United States continues to insist on unilateral disarmament, it may find out what that “new way” is, and it is unlikely to be pleasant.”

La CIA avait pourtant prévenu, lors d’un hearing au Congrès, que la Corée ne respectait pas réellement ce qui avait été ébauché à Singapour. Certes à Singapour, il s’agissait d’une déclaration d’intentions dont l’impérieuse précision n’était pas l’élément le plus saillant. Pour autant la CIA n’a pas l’habitude de galvauder ses analyses. Rappelons qu’elle a constamment affirmé que l’Iran respectait quant à lui scrupuleusement à la lettre le JCPOA. La CIA avait prévenu que le deal ne pouvait fonctionner car Pyongyang voulait une levée totale des sanctions contre un désarmement progressif de leur part.

Il est en effet établi que la Corée du Nord a continué à produire de l’uranium et à exporter des matières fissiles.

Plus significatif encore, la Corée a poursuivi ses cyberattaques afin de contourner les sanctions. Pyongyang n’a donc pas véritablement interrompu les activités d’enrichissement qui ne concernaient pas directement les ICBM capables de frapper les États-Unis et il a gelé les essais nucléaires.
Sur le plan pratique cela ne lui coûtait pas grand-chose. Et si Pyongyang a pu continuer, c’est parce que Kim sait parfaitement que les USA ne sauraient l’attaquer au stade actuel. Or sauf à frapper militairement la Corée, il n’y a rien à espérer à ce stade; et une frappe, nucléaire ou pas, demeure toujours aussi incertaine quant aux résultats escomptés.

Reste la question du pourquoi ? Pourquoi ce sommet alors que tant de signaux négatifs pavaient sa route ?

Du côté de Kim, rien de surprenant. Un semblant d’ordre rassure les Chinois, et sert indubitablement leur « heping jueqi », c’est-à-dire leur « ascension pacifique », une légitimation accrue conforte l’image du dictateur. Cette position renforcée lui consacre une gravitas dans ses discussions futures avec Moon ; enfin tout maintien d’un statu quo entérine sa puissance nucléaire. En la légitimant au niveau international, Kim n’a même plus besoin de la brandir sans cesse. Sa panoplie nucléaire est désormais également forte de par la crainte et le respect qu’elle impose erga omnes.
Le cardinal de Retz disait fort subtilement : « Ce qui fait croire à la force l’augmente »

Du côté américain, l’hubris de Trump, expliquerait, presque à lui seul, la tenue du sommet. Il est étrange de constater combien les leaders autoritaires qui aiment à roder et se perdre sur les rives moins lointaines qu’on ne le croit de l’illibéralisme, se plaisent dans la compagnie des pires dictateurs.

Trump pense également, que son image ne pourrait que sortir renforcée quelque soit l’issue du sommet. Un échec et il montre le visage de l’homme d’État dur qui a tout essayé, accordé quelques concessions, et ayant même accepté de se montrer impopulaire en veillant sur l’intérêt national américain.
Une réussite et il demeurerait jusqu’à la fin des temps comme le sauveur des temps modernes, celui qui aura fait rentrer la Corée du Nord dans le rang.
Le Prix Nobel comme juste récompense !
Enfin cerise sur le gâteau, couronne à nulle autre pareille, il aura réussi là où Obama a échoué.
A Singapour, le quiproquo fut voulu tant au niveau de la géographie qu’à celui de la chronologie des concessions.

À Hanoï nous n’aurons connu ni l’échec irrémédiable, ni l’euphorie anesthésiante. Mais nous aurons échappé à l’attribution du Prix Nobel de la Paix à l’apprenti président Trump.

Hanoï : échec ou succès ? D’un quid pro quo à l’autre !

A la vérité, nous pensons que ce sommet mérite plutôt le qualificatif barbare de : «Hanoï non-échec ou non-succès. »

Nous nous proposons donc d’examiner dans un premier temps les signes qui marquent le non-succès puis, les raisons qui y ont poussé, enfin les indices de non- échec ou d’espoir.

Bien évidemment ce sommet fut écourté, et privé de communiqué commun et final. Même le déjeuner fut sacrifié sur l’autel de leurs mines renfrognées. Mike Pompeo essaya bien de sauver le sommet et parle d’une reprise des négociations. Un diplomate sud-coréen parle quant à lui d’un « shock »

Ri Yong-Ho, le ministre des Affaires Etrangères de Corée du Nord, n’hésita pas à démentir certaines déclarations américaines et déclara ainsi lors d’une conférence de presse que les USA avaient perdu une opportunité : « That way may not come again. » et que Pyongyong ne changera, pas quand bien même les USA souhaiteraient un nouveau sommet.

Quant à Trump Il n’est pas en reste, et il affirme pour bien souligner qu’il s’est tenu droit dans ses bottes : «We know the country very well, every inch of that country,” “ that Yongbyon, “while very big, wasn’t enough”.
“We had to have more than that, because there were other things that we haven’t talked about, that we found, that we found a long time ago, but people didn’t know about,” (making clear that one of the sites he was talking about was a second covert uranium enrichment program). “We brought many points up that I think they were surprised that we knew.”

S’il avait voulu blesser l’orgueil nord-coréen, il ne s’y serait point pris autrement.
Pour autant cette déclaration de Trump est également surprenante en ce sens qu’elle minimise l’importance de la centrale de Yongbyon- ce qui techniquement n’est pas totalement faux. Ce qui pose problème c’est la colligation de cette constatation avec ses autres déclarations envers Kim.

L’irénisme est aussi un facteur négatif pour la réussite d’une négociation.

Trump n’oubliant jamais d’être Donald, n’hésite pas à mêler des considérations de basse politique intérieure en declarant toujours par tweet: «For the Democrats to interview in open hearings a convicted liar and fraudster, at the same time as the very important Nuclear Summit with North Korea, is perhaps a new low in American politics and may have contributed to the ‘walk,' » « Never done when a president is overseas. Shame! »»

Il y a toute une théorie de raisons qui n’ont pas permis à ce sommet de concrétiser les espoirs que chaque pays avait placé dans sa réussite.
L’on ne s’entendait ni sur la notion même de dénucléarisation ni sur la concordance des concessions. S’agissait-il de dénucléariser la seule Corée du Nord ? Ou la Corée du Nord et dans le même temps le reste de la péninsule comprenant les forces américaines.

S’agissait-il d’un gel partiel ? Temporaire ? On le voit les positions étaient opposées loaf pour loaf dès avant le sommet, elles ne bougèrent point lors du sommet. Parallèlement à la problématique de la dénucléarisation se greffent les sanctions. Là aussi, les positions n’ont pu être rapprochées.

Une simple lecture des tweets ou déclarations de Trump suffit pour comprendre leurs divergences profondes qui chantournent la géopolitique de la région. Trump livre ainsi sa version des faits dont l’interprétation prête elle aussi à dissonance.
Qu’on en juge “There is a gap. We have to have sanctions and he wants to denuke. But he wants to just do areas that are less important than the areas that we want.”
“We had to have more than that, because there were other things that we haven’t talked about, that we found, that we found a long time ago, but people didn’t know about,” making clear that one of the sites (he was) talking about was a second covert uranium enrichment program. “We brought many points up that I think they were surprised that we knew.”
(He said) relaxing all sanctions in return for Yongbyon would been meant giving up leverage “that has taken so long to build.”

Kim proposait certes un démantèlement permanent de Yongbyon contre une levée partielle des sanctions ; les Américains soutiennent que les Coréens voulaient une levée totale. Les Américains refusèrent arguant du prétexte que la vanne ainsi ouverte permettrait d’inonder la Corée avec des centaines de millions de dollars qui irrigueraient à leur tour de nouveaux programmes militaires.

L’argument a une certaine logique voire pertinence. Il pêche néanmoins par un point : les Nord-Coréens ont bel et bien acquis le statut de puissance nucléaire ! Un afflux de capitaux américains n’aggraverait pas fondamentalement la menace.

La chronologie a aussi été le grain de sable qui a conduit ce sommet au bord de la falaise. En effet, au moins autant, que l’éloignement des positions de crête, c’est un mauvais timing ; à la fois dans la date choisie pour ce sommet, et surtout dans la diachronie des concessions. Même si Biegun a semblé, lors de son intervention à l’Université de Stanford en janvier 2019, accepter un rééchelonnement des exigences américaines. Cela n’a pas été interprété correctement à Pyongyang. En somme la quadrature du cercle !
Les Coréens veulent des étapes, les Américains veulent grimper tout de suite au sommet !
Ainsi le ministre des Affaires Etrangères de Corée-du-Nord lors de sa conférence de presse déclara « We proposed the removal of partial sanctions as corresponding measures. This is because it would still be more demanding for the U.S. to take action in the military field, even though the security guarantee is more important to us in the process of taking the denuclearization measure.”

Ce sommet a aussi échoué car Trump ayant plus cédé à Singapour ne pouvait pas se permettre de ne pas tenir sa revanche. Mais son erreur fut d’aller trop vite, trop loin en négligeant la fierté coréenne.
Curieusement ce sommet a aussi « échoué » car le risque de conflagration nucléaire (voir notre précédent article : much a do about nothing) s’il a jamais vraiment existé, diminue.
Dès lors que le danger perd en intensité, les chances de négociation s’attiédissent à due concurrence.
Kissinger disait d’ailleurs que lorsque les peuples ont évacué le drame ou la tragédie (mais Kissinger- trop fin connaisseur- ne confondait pas les deux) de leur mémoire historique c’est le kairos de tous les dangers.

Non réussite d’abord parce qu’un climax s’est immiscé dans leurs relations. Ensuite comme le rappelle si justement Albert Camus, il était difficile aux Allemands de se servir d’un lance-flammes contre un ennemi qui les regardait dans les yeux. Or à Singapour, même s’ils font semblant d’avoir les yeux de Chimène, l’un pour l’autre, ils ont désormais appris à se regarder ! Et ce regard a malgré tout brillé à Hanoï.
Il semble aussi que dès le début de Hanoï, les faucons des deux bords aient imposé leurs vues. Kim s’est également arc-bouté sur l’exigence des cinq derniers trains de sanctions résultant des résolutions de 2016 et 2017 qu’il ressentait comme opprimant–injustement–son peuple.

Vouloir confier à John Bolton alias Mister Strike, le rôle de négociateur, semble relever au mieux d’une erreur de casting, au pire d’une méconnaissance totale de ce qu’est la psychologie d’un pays qui a gardé la mentalité d’assiégé.
La Corée a compris et intégré que même si elle ne peut obtenir la dénucléarisation complète de la péninsule, préfère garder ses propres joyaux nucléaires quand bien même cela lui coûte le maintien des sanctions.
Il est intéressant de constater que nonobstant ces dernières, Kim a su transformer son pays ; et la population, elle, n’est plus écrasée par la famine. Des magasins désormais mieux achalandés fleurissent dans les villes. À cet égard les dirigeants nord-coréens ont su tirer le meilleur parti des crypto-monnaies.

Ce sommet a également « échoué » pour des raisons qui peuvent sembler paradoxales mais que notre expert autoproclamé du « business deal » aurait dû intégrer. Le sommet de Hanoï est en effet étonnamment victime des quelques résultats engrangés à Singapour. Résultats, on ne le rappellera jamais assez, obtenus car Pyongyang était arrivé à maturité nucléaire.

À partir du moment où Kim avait décroché ce qui lui importait le plus à savoir :

– Une reconnaissance mondiale de son statut
– la reconnaissance par Xi Ji Ping et Poutine que lui aussi négociait d’égal à égal avec Trump tout comme eux.
– L’appui chinois comme émolument pour avoir fait preuve de bonne volonté et de modération dans la crise.
– Un examen de passage réussi lors de sa confrontation avec Trump puisqu’il n’a pas capitulé.
– Enfin last but not least avoir ravi le rôle de prima donna à Moon.

Fort de ses « succès », il eût fallu que soit Trump apportât de nouvelles offrandes à celui qu’il aimait tant, et qu’il fût délesté d’une part même infime de son égo ; soit que Kim fût doté d’un esprit propre à la conciliation. Il semble, hélas, qu’aucune de ces conditions ne se manifestât. Reconnaissons aussi que Trump est allé à Singapour plus loin qu’aucun de ses prédécesseurs sauf peut-être Bill Clinton, lequel eût l’élégance de ne pas forcer le destin juste avant l’arrivée au pouvoir de Bush Jr.

Kim a également préjugé de ses atouts en pensant qu’il pourrait, fort de Singapour, impétrer davantage de Trump sans rien apporter aussi dans la corbeille de mariage.

Mauvaise préparation, choc des egos, positions encore trop éloignées, et surtout erreurs de calcul expliquent la non-réussite de Hanoï.

Le ministre des Affaires Etrangères de Corée-du-Nord Ri, a lors de sa conférence de presse précisé pour la première fois ce que kim entendait par les « corresponding measures » américaines. On est loin de ce que les Américains entendent eux-mêmes par là. Et en échange il offre d’abord le démantèlement non- permanent car non- irréversible de la centrale de Yongbyon. A-t-il pensé qu’un site obsolète et de trois miles carrés seulement suffirait ?
Pompeo qui n’était pas satisfait par cette offre déclara que l’offre de Kim : «still leaves missiles, still leaves warheads and weapons systems.”

Or les Américains estimaient- à juste titre d’ailleurs- que cette centrale était obsolète et ne pouvait donc être prise en compte contre une levée partielle de sanctions.
En outre la proposition de Kim de laisser en suspens la production d’uranium enrichi dans un autre centre d’enrichissement était irrelevante.

Pour emporter la décision, Pompeo dit à Trump que s’il cédait, il passerait pour faible aux yeux des Américains, rivés sur leur poste de télévision pour regarder le témoignage de Michael Cohen qui l’incriminait.
Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que ce genre d’arguments ferait mouche sur le président. Dans cette chaconne, tout sauf feutrée, Pompeo et Bolton ont fait triompher leurs vues, malgré Biegun, avec des arguments relevant davantage de considérations électorales que d’intérêts stratégiques.

En fait ou bien l’alchimie de Singapour était trop bien huilée, et Kim et Trump dans une moindre mesure s’en satisfaisaient, ou bien de façon parfaitement asymétrique elle ne suffisait pas à combler le fossé de leurs attentes. Kim déclara en effet qu’il n’y avait pas assez « not enough trust » pour accorder tout tout de suite.

En fait le nœud du problème reste immuable depuis des années. Kim tient plus que tout à son arsenal nucléaire même au prix du maintien des sanctions dont il a réussi par divers moyens à en atténuer l’effet au fil des ans.
En fait pour dire le vrai, Kim n’envisage pas l’avenir de son pays ni surtout le sien d’ailleurs sans ses habits nucléaires. Pour tous les leaders autocratiques, plus la menace extérieure, réelle ou pas, est perçue comme prégnante parmi leur population, plus elle est l’assurance- vie du maintien au pouvoir de l’autocrate.
D’aucuns pensent qu’en fait Kim étant arrivé à maturité ne risque plus rien et que ni une déclaration de fin de guerre, ni un bureau de liaison, ni la modification des exercices militaires américano -coréens sont un prix suffisant.
Seule une évacuation des troupes américaines le satisferait complètement. Il n’est pas sûr que les Chinois dont la Corée, souvenons-nous en, est le seul allié militaire s’opposeraient à un tel scénario.

De leur côté les Américains, par la voix d’un officiel de haut rang du State Department, ont dit pour expliquer leur refus–quand bien même- rappelons-le à toutes fins utiles–les sanctions n’ont point empêché la nucléarisation de la Corée du Nord “to give many, many billions of dollars in sanctions relief would in effect put us in a position of subsidizing the ongoing development of weapons of mass destruction in North Korea.”

En fait les Coréens veulent vendre deux fois ce site puisqu’ils l’avaient déjà gelé à Singapour. Kim estime donc que le démantèlement d’une centrale fort ancienne et d’une vieille technologie ainsi que le moratoire sur les missiles ICBM et le gel des essais nucléaires devaient entraîner mécaniquement en retour la levée des sanctions américaines. Il estimait qu’il avait accordé des concessions à Singapour et que c’était dorénavant à Trump d’en dispenser.

Ces erreurs de perception sont aussi à la base de « l’échec » du sommet. Ils ont appris à se regarder. Presque symétriquement Trump commet les mêmes erreurs. Il exige la dénucléarisation complète de la Corée pour lever les sanctions. Et l’on n’a pas encore abordé l’épineuse et douloureuse question des vérifications.
En outre la proposition de Kim laissait en suspens la production d’uranium enrichi dans un autre centre d’enrichissement.

Hanoï ou la confusion des sentiments

Alors d’où vient cette grossière erreur de calcul que les services de renseignement américains avaient pourtant prédit.
Notons d’abord au passage que Trump n’a pas pour habitude d’écouter ces derniers. Il aurait même parfois tendance à les démentir.
“President Donald Trump claimed on Tuesday that his administration is aware of more than a dozen ballistic missile bases in North Korea, labeling a New York Times report on those sites « inaccurate » and « more fake news. »
« The story in the New York Times concerning North Korea developing missile bases is inaccurate, » Trump wrote on Twitter. « We fully know about the sites being discussed, nothing new – and nothing happening out of the normal. Just more Fake News. I will be the first to let you know if things go bad! »

Tout était prêt et des deux côtés pour une « signing ceremony » au bord de la piscine où les drapeaux dressaient crânement leurs couleurs.

En effet il y a désormais d’autres sites capables de produire du tritum nécessaire à la fabrication de la bombe telle que prétendue hydrogène en 2017. Bolton a ainsi signalé que fermer ce vieux site de Yongbyon est juste : « a limited concession » donc insuffisante. Il réclame: «suggesting that nothing short of “complete denuclearization—including [North Korea’s] ballistic missile program and its chemical and biological weapons programs” was sufficient to warrant sanctions relief”.

Reconnaissons que sur ce point précis la position américaine n’est pas complètement dénuée de fondement car Pyongyang a triché dans le passé plus souvent qu’à son tour. En outre Pyongyang n’a pas non plus reconnu l’usine d’enrichissement d’uranium de Kangson.
Pour autant la position américaine eût été beaucoup plus intelligente si elle eût soumis des propositions de substitution puisque c’est elle qui est la principale demandeuse.
Trump est allé à Hanoï parce qu’il était lui aussi persuadé qu’il pourrait grâce à sa relation personnelle et aux flatteries dont il a abreuvé Kim lui imposer ses conditions.

Pour autant parmi cet amoncellement de signes négatifs – donnons-nous la peine d’examiner plus intensément certaines déclarations et ce des deux côtés. L’on y distinguera quelques sujets d’espoir, surtout si on les analyse avec le recul du temps long de la doctrine de la dissuasion.

Une des principales qualités qui ont permis Henry Kissinger tant et tant de succès est sa capacité d’empathie pour les besoins de l’adversaire.

La porte est donc loin d’être fermée et la confiance n’est pas véritablement entamée. Bien plus à Hanoï, Trump loin d’invectiver le leader nord-coréen, emploie dans une déclaration le terme de « Chairman Kim. » “We spent all day with Kim Jong-un,” “He’s quite a guy and quite a character. And our relationship is very strong.» Ce ne sont pas là les propos que l’on adopte lorsque l’on est au bord du Brinkmanship. Certes leur côté lénifiant peut endormir les adversaires et éloigner ainsi l’urgence et le drame, matériaux nécessaires à la résolution des conflits. Il n’empêche que c’est un point positif.

Même la déclaration de trump lors de sa conference de presse à Hanoï :«It was about the sanctions basically,” “They wanted the sanctions lifted in their entirety and we couldn’t do that … Sometimes you have to walk, and this was just one of those times.” n’est pas une déclaration de fin de négociation. Non seulement, elle ne ferme rien mais au contraire elle appelle une réponse positive. La plupart des médias et responsables politiques américains ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Même Joe Biden l’a félicité. Après avoir gratifie Kim de « Chairman », Trump fermement, mais non pas brutalement, déclare dans sa conférence de presse : « It wasn’t a good thing to be signing anything. »

Hanoi a confirmé qu’à l’issue de ce sommet les relations demeurent bonnes même si le monde entier les trouve sur-jouées. C’est une condition nécessaire mais non suffisante pour progresser. Ce n’est pas rien, ce n’est pas tout. On vient en effet de très loin et Hanoi a au moins permis de tester les « limes ».

Jusqu’où doit-on aller, jusqu’où ne peut-on aller ?

Il y a clairement une volonté commune de ne pas cristalliser cet échec. En soi c’est un signal très fort. Ainsi Trump répondant à une question sur le sort de l’américain rapatrié aux USA, et décédé très rapidement après son arrivée, suite aux mauvais traitements que lui avaient infligés les Nord-Coréens, ose répondre que Kim ne savait rien. « [Kim] tells me that he didn’t know about it and I will take him at his word,” and that Kim “felt badly about it.” La chose est certes incroyable, même si elle n’est pas nouvelle chez Trump. Pour autant, en l’occurrence, elle signifie que Trump fait tout pour calmer le jeu.
Kim de son côté affirme, mais est-ce sincère ou simple effet de manche, pour éblouir son public qu’il se contente à ce stade de la levée partielle de cinq trains de sanctions. Le ministre des Affaire Etrangères Ri a dit à propos des offres faites par la Corée, c’est le mieux que la Corée peut faire : « at the current stage » mais c’est le « first stage of the process. »
Mieux dans une conférence de presse tenue après le sommet, le ministre des Affaires Etrangères de Corée du Nord affirme qu’après la levée des sanctions : «Pyongyang would “permanently and completely dismantle all the nuclear material production facilities in the Yongbyon area.” Certes le mot « vérifiable »- un des nœuds du problème, sinon le nœud du problème- est toujours absent.
Hanoï annonce en fait un troisième sommet. Même les déclarations qui semblent fermer les négociations portent en elles de façon asymétrique une ouverture. Ainsi lorsque Kim dit : «North Korean leader Kim Jong-un underlined that the “historic cause of completing the state nuclear force” had been realized, « et que son joujou nucléaire est comme l’épée du roi Arthur « a treasured sword » cela signifie qu’il n’abandonnera pas. Mais à partir de cette situation de force on peut aussi conclure qu’il est arrivé au point culminant de l’instabilité/stabilité.

Paradoxalement cet accord porte en lui tous les stigmates de l’apaisement. Nous savons depuis Montaigne ce que cette conjoncture révèle : « Quelle plus grande victoire attendez-vous que d’apprendre à votre ennemi qu’il ne peut vous combattre. »
Il y a de la part des deux protagonistes plus qu’une volonté de « déconflixion ». Il y a une vraie volition.

III Les solutions

Une conséquence- heureuse- liminaire
Nous nous permettons de rappeler au président Donald Trump dans ses négociations ce que Raymond Aron écrivit dans les carnets de la guerre froide le 13 décembre 1950 » Plus l’Occident est décidé à faire front et à accepter les périls et le prix de la résistance, plus il importe de ne pas perdre le sens du possible de mesurer la valeur des diverses positions de ne pas mettre au premier rang le prestige et l’idéologie »

D’abord et avant tout, il y a désormais un acteur incontournable dans la région. Le président sud-coréen Moon s’est imposé non pas comme le deus ex machina mais plutôt comme la référence morale. Il n’est qu’à relire son discours de Berlin–modèle du genre–qui pose les bases sinon d’une réunification, à tout le moins celles d’une pacification du conflit. Il a toute une série d’atouts dans sa manche.
La référence morale, la géographie, la puissance économique, la vision et une générosité certaine, combinées avec une parfaite analyse des rapports de force.
Sa puissance militaire désormais respectable, mais néanmoins inférieure-et de très loin- à celle des États-Unis, le rend moins arrogant à l’égard de ses frères coréens. (Ce qui n’était pas le cas de ses prédécesseurs.) Il possède surtout une vraie empathie vis-à-vis de leur culture et de leur désespérance.

C’est de plus le seul dans la région à entretenir de bonnes, voire très bonnes relations avec les principaux dirigeants, Japon mis à part. Il demeure un interlocuteur privilégié du Xi Ji-Ping. Paradoxalement celui qui pourrait lui mettre le plus de bâtons dans les roues sera Trump. Certes dans le court terme le résultat de Hanoï complique sa tâche.
Moon : Ad Augusta per angusta

Le vendredi 1er mai jour de fête nationale, le président Moon Jae- in a tenu les propos suivants : “I believe this is part of a process to reach a higher level of agreement. Now our role has become even more important,” “My administration will closely communicate and cooperate with the United States and North Korea so as to help their talks reach a complete settlement by any means. »

Le Korea Times rapporte que Moon poursuivait au moins un relâchement de certaines sanctions intercoréennes: «President Moon Jae-in was convinced that the second summit between Kim and Trump would bring « at least » an agreement on partial easing of economic sanctions alongside denuclearization steps. As such, Moon was ready to announce new inter-Korean initiatives.”

Relisons donc son très beau discours de Berlin prononcé à la fondation Korber le 7 juillet 2017. Expressis verbis citons- le. «To Korea, which is the last divided nation on this planet, the experience of Germany’s unification gives hope for unification, and at the same time shows us the path that we need to follow.”
“First and foremost, it is the importance of the process leading to unification. Germany’s unification made us realize how important the process of peace and cooperation based on mutual respect really is. The German people made the decision of unification by themselves based on the trust that was built during this process.”
«I clearly state the following: we do not wish for North Korea’s collapse, and will not work towards any kind of unification through absorption. Neither will we pursue an artificial unification. »
“Unification is a process where both sides seek coexistence and co-prosperity and restore its national community. When peace is established, unification will be realized naturally someday through the agreement between the South and the North. What my Government and I would like to realize is only peace. “

Il privilégie clairement la confiance, la coopération, le rapprochement progressif par des échanges dans un climat de paix.
Moon pourrait très prochainement inviter Kim à se rendre à Séoul. Ces visites ressemblent furieusement à celles effectuées entre Helmut Kohl, Hans Modrow puis Lothar de Maizière. Mais Moon se garde bien de parler d’absorption. De son côté Kim, au-delà des discours de pure propagande et, classiques, dans une négociation malgré tout éminemment conflictuelle se rabat sur les objectifs intermédiaires comme décrits plus haut. Il parle de « first stage. » Dans cet interstice, Moon aura toute sa place. Il n’est que d’entendre sa petite musique lorsqu’il appuie Kim qui recherche une déclaration de fin de guerre.

Est-ce donc à dire que nous serions dans une situation de blocage ? Ce que les Romains désignaient par le Cupitor impossibilium. La problématique coréenne serait donc-t-elle condamnée à être aporétique ? Sûrement pas. Marc-Aurèle disait d’ailleurs dans sa grande sagesse que l’obstacle est matière à action.

Le grand tournoi

Mais auparavant, pour trouver une issue, même si elle relève de la pierre philosophale, il faut accepter l’idée que le fait nucléaire coréen est un fait accompli, établi et parfaitement établi. Rien n’y changera, rien ne fera changer Kim d’avis. Ni les promesses de mirobolants contrats, ni des illusoires traités de sécurité.

L’exemple ukrainien avec le pacte de Budapest, si allègrement et si tristement bafoué par le tsar de Moscou est là pour nous le rappeler. Au reste, sans méconnaître les risques inhérents à la prolifération nucléaire, rappelons-nous ce qu’écrivit John Mueller dans Foreign Affairs en décembre 2018 :
«Over the decades, the atomic obsession has taken various forms, focusing on an endless array of worst-case scenarios: bolts from the blue, accidental wars, lost arms races, proliferation spirals, nuclear terrorism. The common feature among all these disasters is that none of them has ever materialized. Either we are the luckiest people in history or the risks have been overstated.” “That logic might seem plausible at first, but it breaks down on close examination. Not only has the world already survived the acquisition of nuclear weapons by some of the craziest mass murderers in history (Stalin and Mao), but proliferation has slowed down rather than sped up over time. Dozens of technologically sophisticated countries have considered obtaining nuclear arsenals, but very few have done so. This is because nuclear weapons turn out to be difficult and expensive to acquire and strategically provocative to possess.”

Les Américains doivent donc se contenter dans cet équipage d’écrêter les dangers les plus explosifs. Le dit est facile, l’exécution en est certes plus complexe. Clausewitz quant à lui conceptualisait : « Der schwer Gefasste Entschluss » ou la décision gravement pesée.
Mais ils se rappelleront ce que disait Frédéric Le Grand : « Celui qui défend tout ne défend rien « 

Parmi ces dangers, il est en est un qui est tout sauf négligeable : c’est la prolifération nucléaire et la fin annoncée du TNP. C’est un vrai problème.

Henry Kissinger écrivit dans le Chemin de la Paix : «Le propre de la médiocrité est de préférer un avantage tangible au bénéfice intangible que représente une meilleure posture »
« Une cascade de paradoxes si elle émoustille le philosophe constitue un cauchemar pour l’homme d’Etat. Celui-ci est, en effet, condamné à dépasser la simple contemplation Et à trouver une solution. »

Une partie de la solution se trouve dans le cœur de la doctrine nucléaire.

Comprendre les craintes de l’adversaire. Dans un article brillantissime publié en 1956 dans la revue Foreign Affairs, Paul Nitze futur Secrétaire adjoint à la Défense et négociateur du traité SALT I écrit: «Colonel George A. Lincoln of the West Point faculty makes the further point that whether or not atomic weapons are ever again used in warfare, the very fact of their existence, the possibility that they could be used, will affect all future wars. In this sense Korea was an atomic war even though no atomic weapons were used. In this sense even the cold war is an atomic cold war. The situation is analogous to a game of chess. The atomic queens may never be brought into play; they may never actually take one of the opponent’s pieces. But the position of the atomic queens may still have a decisive bearing on which side can safely advance a limited-war bishop or even a cold-war pawn. The advance of a cold-war pawn may even disclose a check of the opponent’s king by a well-positioned atomic queen.”

Thomas Schelling, cité par Nicolas Roche, parle de la « compétition dans la prise de risques » « les objectifs politiques y sont atteints « non pas tant par un test des forces que par un test de nerfs. »
Khroutchev quant à lui pensait à peu près la même chose lors de la crise de Cuba : « I think the people with the strongest nerves will be the winners .The people with weak nerves will go to the wall »

En somme, il faut tenir compte de la réinterprétation par Kim des codes de la stratégie nucléaire. Face à la politique de réassurances américaines, Kim n’a d’autre choix que de transférer la garantie ultime, mais non absolument certaine, de la Chine par sa propre politique de réassurances, c’est-à-dire la dissuasion du faible au fort, voire, la dissuasion du fou.

Sa dissuasion est donc une dissuasion par représailles. Il va détourner puis délinéer la dissuasion par le bas en espérant être le maître de l’ascension aux extrêmes. Il pense être celui qui décide quelle marche de l’escalier emprunter. Sa dissuasion, son assurance ultime, repose sur le concept de la sanctuarisation agressive de son territoire.

Que peut-on demander, que peut-on accorder ?

Telles sont les deux questions que chaque leader peut et doit se poser dans le futur. En réalité la fenêtre d’opportunité est désormais plus ouverte qu’on ne le pense. Le paradoxe est que plus nous allions vers l’escalade, alors que la Corée était à maturité nucléaire, plus nous étions proches du Brinkmanship, plus le bluff qui était sous-jacent s’imposait.
Plus les matamores gesticulaient, plus il devint évident qu’ils n’étaient que des matamores. Leur jeu avait beau être menaçant, plus l’on s’apercevait et -eux en premier- qu’il manquait à chacun une carte maîtresse : la compellence.

De quoi calmer–heureusement pour nous- leurs ardeurs guerrières. Des armes dont l’utilité finale est d’être des armes de non- emploi demeure encore et toujours une vérité adamantine. Alors comment, sans commettre d’erreurs, transformer ce non possumus en opportunité. Horace déjà, écrivit : « Quandoque bonus dormitat Homerus »

Comment profiter de ce moment où les deux partenaires n’ont pas réussi à aller plus loin ? La prise de conscience de cet échec et du fait qu’ils savent désormais l’escalade impossible sera-t-elle précisément la condition nécessaire de la désescalade ?
En somme les deux partenaires rivaux sont arrivés au point précis, décrit dans grandeur et décadence des romains par Montesquieu : «Comme ils ne faisaient jamais la paix de bonne foi, et que dans le dessin d’envahir, tous leurs traités n’étaient proprement que des suspensions de guerre, ils y mettaient des conditions qui commençaient toujours la ruine de l’État qui les acceptait. » Sachant qu’ils n’ont pas les moyens d’aller plus loin, la dernière solution est l’entente sinon cordiale du moins froidement calculée.
Churchill disait d’ailleurs « Les américains après avoir essayé toutes les solutions finissent toujours par prendre la bonne décision »
Et dans cette hypothèse ils savent fort bien comme l’écrivit si justement Henry Kissinger qu’un bon accord est celui où les deux parties sont également insatisfaites.

Dans un contexte différent, Amos Oz écrivit dans son beau livre : Aidez-nous à divorcer, qu’il serait illusoire de croire qu’Israéliens et Palestiniens pourraient subitement dormir dans le même lit. Il en va de même en Corée. Croire que l’on arrivera après 70 ans de conflits plus ou moins larvés, d’escarmouches plus ou moins violentes, d’humiliations enkystées sinon indélébiles à un règlement définitif et total relève de ce que seuls les esprits embrumés des néoconservateurs américains peuvent fantasmer.

Croire que l’amélioration du niveau de vie portée par les chimères d’une «Rocket economy» peut apporter la solution relève au mieux du wishful thinking, au pire d’une dangereuse méconnaissance de la nature humaine et des relations internationales. En Corée plus qu’ailleurs l’homo economicus cède le pas à l’homo idéologicus.
Cette erreur ne pourra entraîner que des frustrations elles-mêmes porteuses de conflits.

Nous suggérons donc aux Américains de se contenter de paliers progressifs, en quelque sorte des sas de décompression, n’en déplaise à John Bolton. Ce que les coréens ont compris car objectivement cela sert leurs intérêts.
Sur ce point, c’est donc aux Américains de faire un geste. D’abord parce qu’ils sont les demandeurs, et ensuite parce que les nord-coréens l’ont pratiquement accepté puisqu’ils emploient le mot : « first stage ».

Bien sûr nous sommes conscients qu’ils ont montré dans le passé le peu de cas qu’ils font du respect de la parole donnée. C’est pourquoi la demande américaine d’un « final, fully verifyed, immediate denuclearization » est proprement inacceptable- du point de vue de la Corée du Nord. Or pour jouer au ping-pong il faut être deux. Nous ne portons pas bien entendu ici un quelconque jugement de valeurs.

Le plan Baruch « à cieux ouverts » était parfaitement illusoire. Les traités SALT n’ont pu fonctionner que parce qu’existaient des moyens satellitaires de vérification qui ne nécessitaient pas l’accord de l’URSS ; même si les visites d’inspecteurs eurent également lieu. Mais là aussi, la Corée du Nord en avait déjà accepté la présence sur son sol.
Depuis, l’espionnage grâce aux satellites fonctionnant en mode réticulaire, a plus que progressé. Le président Trump l’a d’ailleurs parfaitement compris lorsqu’il dit « … we knew ». Il ne s’agit pas non plus de faire preuve d’un irénisme débridé qui n’est, certes pas, la qualité première de Trump. La solution passe par des buts intermédiaires.

Il faut donc accepter que la Corée du Nord exige comme l’alpha et l’oméga de sa doctrine de défense la dissuasion du faible au fort.
Ce faisant, elle ne fait que se conformer au fameux tryptique de Thucydide. Thucydide nous a livré une grille de lecture qui reste toujours valide : Phobos, Kerdos, Doxa. Que messieurs les négociateurs américains veuillent bien s’en servir. (Il est inutile demande de demander un tel effort à Donald Trump, nous ne sommes pas sûrs, que ce nom évoque quoi que ce soit pour lui.)

Désormais, persuadés que les Américains ne cherchent ni à envahir son pays ni à vouloir un changement de régime (au reste le voudraient-ils qu’ils ne le pourraient pas. L’Iran en est la preuve éclatante et Maduro, quant à lui, est toujours cramponné au pouvoir) les Coréens peuvent donc continuer à exercer leur dictature la plus barbare et sanglante au monde. Le renversement et l’assassinat des frères Ngo Dinh Diem n’est plus de mode aujourd’hui en ce bas monde. Ô tempora, Ô mores !

Le Phobos ayant été évacué, la Doxa coréenne peut désormais s’éployer plus librement. Le Kerdos suivra. C’est dans cet ordre, et dans cet ordre seulement qu’il faut appréhender le problème.

Les Américains doivent donc se contenter d’un gel des essais nucléaires et de développement de nouveaux missiles. Par contre se contenter du gel des seuls ICBM est une erreur. Ce faisant les américains envoient le pire signal à la Corée du Sud au Japon et à la Chine.

Ils inversent en effet le rôle de l’alliance. En quelque sorte, ils ne sont plus les garants de la sécurité de leurs alliés, mais ce sont ces mêmes alliés qui étant pris en otage permettraient aux USA de bénéficier d’une absence de menace. La Chine n’aura même pas besoin d’un commentaire de texte.

Approfondissons le raisonnement qui sous-tend toute la logique nucléaire.

Celle-ci a, pour reprendre le distinguo, établi par Thomas Schelling, qui discerne deux fonctions : la déterrence et la compellence. Nos deux protagonistes ont une déterrence plus ou moins complète, plus ou moins sophistiquée. Il en va différemment de la compellence.

Autant nous pensons que les Américains doivent se montrer souples sur les étapes intermédiaires, autant ils doivent tuer dans l’œuf toute tentative de compellence nord-coréenne.

L’hégémon américain a bénéficié dans sa période haute de deux avantages : la maitrise des espaces communs (air, terre, mer) combinée à une supériorité de l’intelligence numérique, que l’on appelle désormais l’arme cyber. Grâce à cette dernière, ils étaient les seuls à être capables de faire fonctionner de concert et correctement tous les tuyaux.
Vint la montée en puissance des Etats non amicaux qui partagèrent le gâteau de la cyber technologie. Avec l’accession de ces mêmes états au niveau nucléaire et même conventionnel, les américains, et on peut les comprendre, perdent leur impériale assurance. Le peer competitor est dorénavant un compétiteur ! Le substrat numérique remet les compteurs à égalité.

Projetons-nous donc un instant dans la stratégie nord-coréenne.

Si la Corée du Nord pense qu’elle peut bénéficier d’une déterrence complète, absolue quoiqu’il arrive et qu’elle peut donc déterrer les USA de frapper leur pays, alors elle peut se laisser aller à envisager d’attaquer la Corée du Sud avec des objectifs limités en intensité et circonscrits géographiquement.
Et elle peut le faire soit par calcul murement pourpensé, soit par une erreur de calcul. Car la sanctuarisation américaine peut leur faire croire que ces derniers ne bougeront pas et ne frapperont pas la Corée- celle-ci étant assurée de conserver quelques missiles pour une capacité de seconde frappe- pour des attaques de basse intensité alors que leur territoire est protégé.
En d’autres termes les américains dans ce calculus ne risqueraient pas des dégâts colossaux pour une attaque de faible intensité. Le raisonnement bien sûr ne vaudrait pas pour une attaque massive du Nord sur le Sud, la Corée du Nord étant assurée de ne pas voir la totalité de ses missiles atteints.
Et d’ailleurs, l’épisode de la vedette sud-coréenne Cheonan coulée, en est la démonstration la plus éclatante.

Supposons que 90 % des charges et vecteurs nucléaires nord-coréens soient détruits–ce qui représente l’hypothèse haute–il en restera encore 10 % prêts à décoller. Il suffira alors qu’une ou deux bombes frappent les États-Unis ; les experts estiment à plus de 1.000.000 de morts pour le seul premier jour en Corée du Sud dont 25000 Américains. Selon les villes frappées aux USA on estime le nombre de morts à plusieurs centaines de milliers de morts. On le voit cette situation est intolérable ; les Américains, Trump ou pas, n’assumeraient jamais un tel risque pour des attaques de faible intensité.

Arrêter momentanément les exercices militaires ne présente pas de grands risques militaires, la problématique est au niveau du symbole. Cela se résume par un calcul coûts/avantages.
Depuis 1953, la déterrence américaine a parfaitement fonctionné. Et elle a fonctionné avec des adversaires autrement plus redoutables et coriaces, autrement plus conquérants que la Corée du Nord.

Même en 1963 à Cuba, la déterrence a fonctionné. D’aucuns nous objecteront que Staline était autrement plus « raisonnable » que Kim que d’aucuns qualifient d’ailleurs bien trop rapidement de fou au motif que c’est un dictateur. Voire. Staline n’avait que peu de ressemblance avec un Premier ministre luxembourgeois. Quant à Kim il a prouvé que son comportement s’inspirait suffisamment des leçons de Clausewitz.

En outre si l’on nous permet–un argument trivial, nous acceptons parfaitement l’idée que si les dictateurs ne s’arrêtent point à la survie de leur population, l’expérience montre qu’ils tiennent cependant à leur propre survie.

À cet égard l’exemple de Mao prêt à sacrifier 300 millions de Chinois n’est pas relevant. La topographie chinoise le protégeait, et les problèmes de nutrition et de rémanence d’un esprit petit-bourgeois dans sa population l’amenèrent à penser qu’une attaque nucléaire américaine purifierait la population restante.
Il n’aura point échappé aux lecteurs que la superficie et la démographie coréennes diffèrent quelque peu.

Le dilemme américain consiste donc à faire fonctionner, à rendre crédible, acceptable et surtout compatible, et leur déterrence et celle de la Corée.

Car si les Coréens n’ont que peu à craindre dorénavant d’une preemptive blow américaine, les Américains et Coréens savent parfaitement que le territoire américain est parfaitement sanctuarisé en première frappe et en stratégie anti-villes. Ne parlons même pas d’une stratégie anti-forces. Cette problématique s’applique aussi, bien entendu, à l’Iran et à Israël qui feignent tous deux d’ignorer cette vérité quasi ontologique; n’en déplaise à Messieurs Khamenei et Netanyahu.

Donc comment faire fonctionner le couple que nous osons qualifier de superbement intelligent, déterrence-compellence dans ce nouveau contexte ? Comment gérer ce binôme stabilité–instabilité ? Car n’oublions pas que les armes défensives deviennent, presque sans que l’on s’en aperçoive, offensives.

C’est tout le dilemme de la sécurité tel que brillamment conceptualisé par Robert Jervis. Or nous savons avec Raymond Aron, dans le Grand Débat, que le maximum de sécurité pour l’État A entraîne mécaniquement le maximum d’insécurité pour l’État B. C’est la beauté étincelante de cette épistémè.

Continuons un instant l’examen des options offertes aux Américains. Quels sont leurs buts ? À ce stade, nous nous permettons de rappeler–bien humblement–à Donald Trump deux principes qui l’aideront à définir et délimiter ses buts. Le cardinal de Richelieu, à défaut d’être un saint homme, fut un brillant et efficace penseur des relations internationales.
La pensée suivante guida son action : « La logique requiert que la chose qui doit être soutenue et la force qui doit être soutenue sont en proportion géométrique l’une par rapport à l’autre. »

Les USA demeurent la première puissance, leur déterrence est à nulle autre pareille, leur pouvoir structurel encore conséquent et toujours le premier, mais pour autant leur compellence n’a que peu de rapport avec celle les années 50-70 ou même 91–2000. Que Donald Trump se contente donc de suivre les sages préceptes de Metternich qui disait : « Il est plus important d’éliminer les prétentions des autres que de faire valoir les nôtres. Nous obtiendrons plus dans la mesure où nous demanderons moins. »

Quels sont donc les buts, résumés à grands traits, de la stratégie et de la déterrence américaines en Corée ? Elles s’articulent autour de quatre points principaux.
– Déterrer la Corée du Nord d’utiliser les moyens nucléaires.
– Déterrer la Corée du Nord d’utiliser de façon massive des armes conventionnelles contre le Sud (on rajoutera aujourd’hui une sous- composante avec les armes cyber où la Corée du Nord est devenue un redoutable compétiteur)
– Si ces deux points échouent minimiser et gérer les conséquences d’une attaque du Nord, qu’elle soit nucléaire ou conventionnelle.
– Empêcher tout transfert de technologies vers d’autres pays.

En ce qui concerne les trois premiers points les Américains devront se contenter de limiter leur taille, leur nombre, leur sophistication. Pour chaque demande, ils devront les accompagner avec des « corresponding measures ». Whether they like it or not !

En ce bas monde il n’y a pas de repas gratuit !

Une fois admis que l’on ne ramènera pas la Corée du Nord au niveau zéro nucléaire, il faut donc évacuer la posture agressive de la Corée. Pour ce faire, nous conseillerons donc aux négociateurs américains d’insérer la Corée du Nord dans une position où leur arsenal leur permet de déterrer les Américains, donc une dissuasion, suffisamment forte, crédible et efficace grâce à une capacité de deuxième frappe mais cependant pas suffisamment forte pour que les Coréens puissent ou croient pouvoir être capables ou se sentir capables, d’attaquer massivement ou ponctuellement la Corée du Sud ou le Japon sans encourir le danger de représailles américaines.

Les Coréens pensent que la possibilité d’atteindre les villes américaines–quand bien même le succès n’est pas encore certain à l’heure actuelle–dissuadera les USA d’attaquer la Corée du Nord. Mais c’est paradoxalement et précisément là que réside la solution.
En somme, rien que de très classique. Mais ce qui l’est moins c’est que l’on adapte cette théorie non plus à un grand pays mais à un petit pays aux très faibles ressources économiques et démographiques.

En outre il ne s’agit pas de se défendre mais bien d’empêcher non seulement le « first use » nucléaire, mais aussi et surtout le « first use » conventionnel. Ce problème est aujourd’hui tout sauf théorique lorsque l’on connait la nouvelle doctrine russe qui envisage clairement l’utilisation du nucléaire si ses intérêts stratégiques l’exigent. Le nombre de canons nord- coréens massés à la frontière est à lui seul capable de causer un nombre incalculable de morts.

Les Américains doivent être clairs et fermes dans la garantie qu’ils accordent à la Corée du Sud et au Japon.
Pour autant quels types d’armes et de missiles utiliser quand on sait que Séoul est exactement à 195 km de Pyongyang. Séoul et ses environs où stationnent 250 000 civils et 28 500 soldats américains. Dans un conflit nucléaire où le temps est inversement proportionnel à la gravité de la menace, l’on voit mal Washington évacuer ses ressortissants aussi rapidement. De plus ce serait prévenir les nord- coréens de leurs intentions.
Dans le débat qui opposait soviétiques et américains, la République Fédérale d’Allemagne se sentait prise entre la     « faucille et le marteau » puisque quel que soit le vainqueur du conflit, elle serait vitrifiée. L’on gardera en mémoire le slogan scandé par les manifestants: « besser röt wie todt »

L’on comprendra aisément qu’aucun coréen n’envisage sereinement ce scénario.
« Flexible response » ou « massive retaliations » ne changera pas grand-chose !
Clausewitz parle du hasard de la guerre et de l’autonomie de la violence ; Raymond Aron, quant à lui, écrivit dans Paix et Guerre parmi les Nations : « Dans la guerre aussi la fureur naît parfois de la lutte elle-même non de l’enjeu de la lutte. »
Supposons donc un instant qu’un grain de sable enraye ce raisonnement, qui nous vous l’accordons bien volontiers ressortit de la spéculation intellectuelle, et qui relève des war studies, il faut donc trouver à l’avance un pare-feu. Raymond Aron avait parfaitement analysé cette problématique lorsqu’il écrivit le 22 juin 1949 dans les carnets de la guerre froide : « Le problème fondamental demeure aujourd’hui ce qu’il était hier. Il ne s’agit pas de sauver la paix qui provisoirement n’est pas sérieusement menacée, mais de créer des conditions telles que la paix puisse être sauvée quand le danger deviendra sérieux. »

Moscou et Washington qui maîtrisaient parfaitement la grammaire nucléaire avaient conclu un traité ABM qui consistait à laisser en otage un certain nombre (la quasi-totalité en fait) de leurs villes. Les Américains avaient un site appelé Spartan et les Russes avaient droit à deux sites équivalents dénommés Galosh.

Un cas chimiquement pur dont on aurait intérêt à se rappeler les raisons qui y présidaient. Certes, le concept est passablement obsolète aujourd’hui de par la multiplicité des acteurs et l’acuité des missiles et systèmes antimissiles. Limiter la capacité nucléaire de la Corée du Nord à un très faible niveau implique non seulement des compensations mais aussi de lui concéder un rôle dans la région ce qui satisfera sa Doxa. C’est le prix à payer et cela semble le maximum que les américains puissent obtenir.
En quelque sorte accepter le gambit de Spartan et Galosh.

Qu’est-ce que les américains peuvent donc raisonnablement accorder pour prix de leurs concessions ?
– Le changement de nature des exercices. Ils devront être centrés uniquement sur des simulations de défense.
– Inviter des observateurs nord-coréens à certains exercices
– S’inspirer des traités de réduction des forces conclus en Europe
– Mieux cibler les différents types de sanctions
– Bien entendu les USA ne doivent pas retirer leur système de Ground-based Mid Course Defense Système. Mais ils doivent fixer un plafond en liaison avec le nombre d’ICBM ou SRBM nord-coréens.
Comme il n’y a pas de menace russe ou chinoise contre eux, les missiles de ces derniers n’entreraient pas en ligne de compte dans le calcul.
Une espèce de SALT coréenne.
La Corée du Nord serait ainsi rassurée, la déterrence américaine maintenue et la protection des garanties réaffirmées. Le rôle de contrôle et de surveillance serait dévolu bien entendu à l’IAEA.
– Déclaration de fin de guerre avec garantie formelle de ne pas tenter de renverser le régime
– Autorisation donnée à des aides économiques de la Corée du Sud envers sa voisine du Nord
– Etablissement d’un bureau de liaison
– Traité de paix
– Reconnaissance de jure.

Les Américains seraient alors en droit de demander :
– La limitation de la production des armes nucléaires et des lanceurs (s’agissant de la Corée le terme missiles n’est pas adapté à cause de la rentrée dans l’atmosphère)
– La limitation du nombre des lanceurs
– La limitation du nombre des systèmes.
Le premier de ces points consiste donc à limiter la production de plutonium, d’uranium enrichi et de tritum. Pour la limitation afin de ne pas heurter l’orgueil coréen, l’on pourrait envisager de recourir à des inspections renforcées avec un mécanisme de levée de sanctions et aides progressives et révisables. L’IAEA pourrait comporter des inspecteurs russes, chinois et américains en tant que tels.

L’on objectera que c’est une prime au « crime ». Peut-être, mais toutes les approches classiques ayant échoué, il faudra bien finir par savoir se montrer créatif et ne pas avoir peur de bousculer toutes les idées reçues. Certes, la Corée a triché avec le Agreed Framework et le Leap Day Deal de 2012. Pour autant ne l’oublions pas, la situation a évolué depuis. La Corée du Nord a moins besoin de tricher qu’à l’époque.

Les Américains doivent se concentrer sur les lanceurs tant au niveau du nombre qu’au niveau de la technologie. Ainsi il faut obtenir en contrepartie de la reconnaissance du fait nucléaire, la prescription de l’accès au carburant solide des lanceurs mobiles. Les TEL, Towed Mobile Erector Launched sont extrêmement déstabilisants. Certes, un des deux étages fonctionne déjà avec du carburant solide. Il faut également bannir ce type de lanceurs à bord des sous-marins. Enfin comme avec les accords USA-URSS, limiter le nombre de Hwasong 15 et d’ICBM.

Que donne-t-on en échange ? Il est clair qu’il faudra en passer par les revendications coréennes c’est-à-dire accepter que les Coréens retirent plus d’avantages que d’inconvénients. Pour être efficace la ligne d’action américaine devra s’inscrire en harmonie avec le Japon et la Corée du Sud. Les aides accordées, parce que l’on passera obligatoirement par-là, devront être conditionnelles et réversibles en cas de tricherie. Bien sûr il faudra s’assurer qu’elles ne participent pas au financement nucléaire.

Bien entendu chaque point est susceptible de faire dérailler cette architectonie si séduisante sur le papier. Qu’en sera-t-il, lorsqu’elle se frottera au mur des réalités ? Mais que cette stratégie vienne à échouer, alors les Américains seront dans une meilleure position y compris vis-à-vis de la Chine.

La One Belt One Road a aujourd’hui plus d’importance qu’un traité militaire déjà ancien, conclu par un pays qui n’avait pas goûté aux charmes de l’hégémon, même partagé, et un pays n’ayant pas fini de panser et penser ses blessures de guerre.
Un volcan n’est jamais éteint. Le calme n’empêche pas l’irruption, et l’on ne sait jamais où la lave volcanique va couler. Passé un certain temps, elle refroidit cependant. Il en va de même des manifestations d’humeur de Kim. Ses mouvements imprévisibles font place aussi à ses calculs les plus froids; ses sautes d’humeur peuvent tout aussi bien servir à déstabiliser un acteur de la région pour remettre à flot l’orgueil national. Parfois aussi l’égo d’un dictateur réclame de tels coups d’éclats.

Pour autant, s’il est une chose que les dictateurs affectionnent tout particulièrement c’est de jouer les prima donna. Or même si cela est encore sous-jacent, l’homme indispensable, le Wonder kid de la région est certes coréen, mais il est au Sud. Son aura intellectuelle brille de mille et un feux. Kim qui n’est pas dénué, contrairement à Trump de culture historique, a en mémoire les slogans des manifestants est-allemands qui avaient troqué le fameux apophtegme « Wir sind das Volk »par le cri de ralliement autrement plus sexy de « Wir sind ein Volk ».

Quel est donc l’élément structurant le dernier coup de théâtre de Kim décidant de retirer ses officiels du bureau de liaison de Kaesong ? Nul ne peut le savoir avec certitude. Une colligation de toutes ces raisons est d’ailleurs plus que probable.

Gageons donc que ce retrait est tout sauf définitif. C’est d’ailleurs ce que laisse penser le ministre sud-coréen de la réunification le 22 mars 2019. « We consider the North Koreans’ decision regrettable and hope that they will return as early as possible so the liaison office can resume its normal operation,”
La délégation sud-coréenne quant à elle décide de rester dans le bâtiment commun situé en Corée du Nord. La précision contient en elle-même la réponse.

Mouvement de mécontentement à l’origine visant les USA, la vice-ministre des Affaires Etrangères Choe Son-Hui, a ainsi déclaré que Pompeo et Bolton avaient créé une : « atmosphere of hostility and mistrust. » Toujours elle, mais après tout serait-elle le pendant de Pompeo- Bolton que nous n’en serions pas autrement surpris, dans un langage qui relève davantage des bootleggers du Chicago des années 30 déclare ainsi : «I want to make it clear that the gangster-like stand of the U.S. will eventually put the situation in danger. »
Cela rappelle, pour les nostalgiques de la guerre froide, les termes de vipère lubrique ou autres gracieusetés. Pourtant elle prend bien garde de ne pas viser Trump. Ses cibles sont clairement identifiées : Bolton et Pompeo. Elle va même jusqu’à dire clairement que Trump quant à lui : « is willing to negotiate. »

La ministre décidément en verve depuis qu’elle est sortie de l’ombre, mais cependant probablement exténuée par les 65 heures de voyage en train lors du retour de Hanoï affirme qu’elle ne voit pas l’intérêt à poursuivre les négociations si les États-Unis ne changent pas d’attitude. Pour autant et c’est le passage intéressant car il colore de façon positive le retrait du bureau de liaison. « Even so, personal relations between the two leaders are still good « and the chemistry is mysteriously wonderful. »

Kim fait monter les enchères ; c’est de bonne guerre même si cela comporte des risques. Sa manœuvre fonctionne comme un émerillon d’affourche : jouer des dissensus grandissants entre d’une part le président et son négociateur Steve Biegun et l’impétueux mais irresponsable tandem Mike Pompeo– John Bolton ; le deuxième élément consistant à séparer le plus possible la Corée du Sud des USA.
Divide ut regnes !

Ainsi un officiel nord-coréen a accusé Moon, après Hanoi, de donner la priorité à une « cooperation with a foreign force » sur une « cooperation among the Korean Nation. »

Un organisme de presse nord-coréen rapporte les propos d’un officiel: «The South Korean authorities’ behavior is deeply deplorable,” “The only things the South will get from cooperating with the U.S. will be a deepening subordination, humiliation and shame.”
Cet organisme d’État continue, condamne et récuse Moon comme médiateur ou facilitateur. Ce point est beaucoup plus préoccupant que la nouvelle escalade verbale envers les États-Unis.
Il l’est d’autant plus qu’il joue sur l’idée de sujétion de Moon auprès des Américains. Ce point aura des conséquences jusque dans la population sud-coréenne. Que la Corée du Nord, par tous ses porte-parole et officiels, déprise les américains et surtout Pompeo et Bolton soit ! C’est de bonne et classique facture.

Ce qui est plus fâcheux, c’est que cela se manifeste également à l’encontre de celui qui ne demande qu’à être son allié objectif. Ainsi le 15 mars lors d’une conférence de presse, un officiel nord-coréen récuse son rôle et dit que Moon est : « a player not an arbiter » car il est en fait l’allié des États-Unis. En d’autres temps on eût employé le terme de valet des impérialistes.
Ainsi le président Moon est récusé et dénigré dans son rôle de médiation car il va chercher ses instructions auprès de son « american boss ». Il lui est donc fortement conseillé de jeter sa politique dans un : « garbage can ».

L’agence de presse du Nord continue: «The South’s authorities can’t do anything without approval or instruction from the United States, so how do they think they can be a mediator or facilitator?” “They should know their place”
Dans ce long et fastidieux florilège dont le seul à être épargné est Trump, tous ces dénigrements verbaux ont une conséquence que Kim aurait grandement tort de considérer comme favorable.
Ainsi le président Moon est sévèrement et injustement critiqué dans son pays. L’opposition le traite de « Pawn ». Le leader du parti d’opposition sud-coréen n’hésite pas à saper son rôle: «President Moon Jae-in and his Blue House still don’t grasp the reality and have a delusional belief that he is a mediator or facilitator,”
Et en effet dans le rôle que souhaite jouer Moon, il trouvera toujours la Corée du Nord et Donald Trump dont les seules couronnes qu’ils lui tresseront seront abondamment garnies d’épines.

Alors pourquoi cette erreur de calcul du porphyrogénète Kim qui finalement en a fort peu commis depuis sa dévolution sur le trône.
En fait, au-delà du ressentiment, de la jalousie, voire du mépris pour la réussite économique, Kim reproche curieusement à Moon de ne pas aller plus avant dans les aides et dans les projets de co-développement de la zone de Kaesong.
Mais c’est oublier que malgré tout Moon est tenu juridiquement de respecter l’ensemble des sanctions onusiennes et politiquement les sanctions américaines.
Sa politique consiste justement à essayer d’obtenir un statut spécial pour son pays.

Ce retrait des officiels nord-coréens comporte-t-il un risque sérieux ? Certes les dirigeants des officiels du bureau de liaison ont été retirés, la vice-ministre Choe Son-Hui menace de suspendre les négociations et, fait spectaculaire, rappelle à Pyongyang ses principaux ambassadeurs.

Soit ! Il est cependant plus que probable que cela relève de la symbolique !

Déceler quels sont les signes encourageants des alertes, des mises en garde, voire des retours en arrière est tout sauf évident. Pour autant la réaction américaine après Hanoï et surtout après le retrait du bureau de liaison laisse présager une volonté de persévérer dans les négociations. Elle montre aussi la volonté de Trump de garder le dernier mot sur ses conseillers. Ainsi le département du Trésor a rajouté des nouvelles sanctions contre la Corée et surtout contre deux compagnies chinoises soupçonnées–à juste titre –de contournement.

L’on aurait pu s’attendre dès lors à une nouvelle escalade sauf que Trump a levé-par tweet- ces sanctions. Ainsi Sarah Huckabee Sanders, secrétaire de presse de la Maison-Blanche a déclaré : «President Trump likes Chairman Kim, and he doesn’t think these sanctions will be necesary,»
Même Pompeo déclare que les États-Unis attendent de Kim qu’il maintienne son gel même après son discours sur la possibilité de reprise des essais nucléaires. Pour calmer le jeu Pompeo pointe le fait que Kim tiendra sa promesse. La différence avec les propos de 2017 est particulièrement intéressante.

« So that’s Chairman Kim’s word, » « We have every expectation he will live up to that commitment. » Encore plus significatif Mike Pompeo ne joint pas sa voix au concert de récriminations. Il aurait pu traiter Kim de menteur. S’il se défend d’avoir eu une attitude de gangster sa réaction demeure mesurée. Il fait tout pour calmer le jeu.

Qu’on en juge. « They’re wrong about that, and I was there, ». Il affirme avec un certain sens de l’humour que ce n’est pas la première fois qu’il est comparé à un gangster. «I have a vague recollection of being called ‘gangster-like’ from a visit that I took one time previously,»

Mais tout laisse augurer que passé la mini tempête coréenne à Kaesong les choses reprendront leur cours. Le jeudi 21 mars Bolton tweete: «he didn’t want to talk about increasing sanctions partly because there were “a lot of great people in North Korea that have to live also.”: “Everyone should take notice and review their own activities to ensure they are not involved in North Korea’s sanctions evasion.”
Même Bolton/Strike s’il dément le fait que les USA aient eu une attitude agressive – c’est bien le service minimum–déclare: «I think that’s inaccurate, » « The president is our decision-maker.»
Il y a donc clairement une volonté de poursuivre le chemin- même- parsemé d’embûches. Trump après avoir annulé les sanctions engagées par son propre ministre déclare juste après Hanoï : “a lot of great people in North Korea that have to live also.”

Et le président Moon qui sait par ailleurs remarquablement manier « son »Trump de dire par la voix du porte-parole de son parti : “By withdrawing additional sanctions against North Korea, President Trump showed his firm will to continue dialogue to realize the denuclearization of North Korea,”

Il fut une époque où Henry Kissinger disait avec beaucoup d’humour : l’Europe mais quel est son numéro de téléphone ? Si cette pensée savoureuse ne saurait être de mise aujourd’hui, elle pourrait par contre s’appliquer parfaitement à l’ivraie qui règne au sein de l’administration américaine. En outre, il est tout sauf sûr que les sautes d’humeur de Trump le conduisent à avoir une politique parfaitement pourpensée. Il semble cependant qu’il ait repris la main sur ce dossier. Ainsi un officiel de haut rang ayant cependant réclamé l’anonymat déclare : “It would be a mistake to interpret the policy as being one of a step by step approach, where we release some sanctions in return for piecemeal steps toward denuclearization” said the administration official, who spoke to reporters on the condition of anonymity. “That is not a winning formula and it is not the president’s strategy.”

Témoin de cette effervescence contestataire, le sénateur démocrate Ron Wyden du comité des finances déclare: “Career experts at the Treasury Department undertake a painstaking process before imposing sanctions,” “For Donald Trump to overturn their decision via tweet because he has an inexplicable fondness for one of the world’s most brutal dictators is appalling.”
Plus grave encore, il ajoute: « Without a well-conceived diplomatic strategy, Trump is simply undermining our national security by making clear that the United States is not a trusted foreign policy partner. »
Même des républicains s’activent contre Trump. Ainsi le sénateur Cory Gardner dénonce sa politique : « Stratégic patience failed. Don’t repeat it. »
Entendons-nous. Loin de nous, l’idée de critiquer les dernières déclarations et mesures de Trump. En matière de relations internationales, il est toujours plus intelligent de prendre des mesures que l’on a pensées et réfléchies plutôt que d’engager ces mêmes mesures suite aux mouvements de la partie adverse. Être acteur offre toujours une meilleure posture qu’être un simple spectateur bousculé par des zéphyrs ou des bourrasques.

Le president Kennedy dans son discours d’inauguration déclara: “Don’t fear to negotiate but never negotiate out of fear.”
Ainsi John Smith ancien directeur du Treasury Department’s Office of Foreign Assets Control, assure “For an administration that continues to surprise, this is another first — the president of the United States undercutting his own sanctions agency for imposing sanctions on Chinese actors supporting North Korea,” “It’s a win for North Korea and China and a loss for U.S. credibility.”
Quant à Sarah Blum Raskin ancienne Secrétaire adjointe au Trésor sous Obama elle affirme: «Reversing sanctions decisions within hours of making the announcement that you would impose them in the first place is a head-spinner,” “This reversal signals the injection of some peripheral consideration or factor that only the president seems to know about and that may have nothing to do with national security.”

Ajoutons enfin que la Corée du Nord a maintenu les hotlines. Les raisons d’espérer après ce non-échec ou cette non-réussite semblent indiquer que les négociations continueront de se dérouler dans un chemin chaotique tapissé de chausse- trappes et de marches arrière. Pour autant sauf, si l’on veut continuer à se faire peur, l’holocauste nucléaire semble hors de propos.

Nous ne dérogerons pas à notre habitude de citer en guise de conclusion l’orfèvre des relations internationales : Henry Kissinger. Dear Henry avait repris la bourde de son adjoint Helmut Sonnenfelt à propos de la réunification allemande en disant qu’il fallait : « feindre d’accepter le statu quo pour mieux le changer. » Renversons cette délicieuse formule et songeons que Kim va feindre d’accepter le changement pour mieux en garantir le statu quo.

Nous nous permettons en toute humilité de rappeler au président des États-Unis ce que Kissinger disait à propos de la conduite de l’Etat par les chefs d’Etats : « Les chefs d’État ne peuvent pas créer le contexte dans lequel ils opèrent. Leur vrai talent consiste à opérer dans les limites de ce qu’autorise une situation donnée. S’ils dépassent ses limites, ils vont droit dans le mur ; s’ils restent en deçà de ce qui est nécessaire leur politique stagne. »

Dans son dernier livre World Order, Dear Henry définit l’ordre du monde comme suit : « Order always requires a subtle balance of restraint, force, and legitimacy. In Asia, it must combine a balance of power with a concept of partnership. A purely military definition of the balance will shade into confrontation. A purely psychological approach to partnership will raise fears of hegemony. Wise statesmanship must try to find that balance. For outside it, disaster beckons.”

Leo Keller
Neuilly le 04/04/2019

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