"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
mars 22, 2023
La guerre du Golfe opposa donc du 2 août 1990 au 28 février 1991, l’Irak à une coalition de 35 États, dirigée par les États-Unis. Tout a commencé par l’invasion et l’annexion du Koweït par l’armée irakienne, le 2 août 1990, à 1h 30 du matin, lorsque les premiers chars irakiens entrent au Koweït. Margaret Thatcher, se trouve au Colorado, en présence du président Bush : « Vous devez, le savoir George, il ne s’arrêtera pas ».
Quant à James Baker, autre hasard, il est en train de pêcher avec Edouard Chevardnadze sur le lac Baïkal ; ils en appellent aussitôt à des mesures pratiques contre Bagdad. Moscou cesse aussitôt ses livraisons d’armes et suite à une mission d’Evgueni Primakov, qui rencontra Saddam Hussein le 5 octobre, parvient à rapatrier 1500 de ses experts et conseillers militaires.
Celui – se rendra à trois reprises en Irak pour tenter d’obtenir en vain du dictateur irakien qu’il retire ses troupes du Koweït. Celui -ci lui rétorqua : « Vous comprenez, qu’après avoir renoncé à tous les fruits de la guerre que nous avons menée pendant huit ans contre l’Iran pour revenir finalement à la case départ, je ne pense pas que le peuple irakien me pardonnerait un retrait inconditionnel de nos troupes du Koweït. On me demanderait comment je compte faire pour que l’Irak ait un débouché sur la mer »
L ‘agression irakienne fut condamnée, dès le 3, par la communauté internationale. Dans un premier temps le Conseil de sécurité décida immédiatement des sanctions économiques à l’encontre l’Irak. En envahissant son voisin, l’Irak s’emparait d’un coup du cinquième de la production pétrolière de l’OPEP et ajoutait 8% des réserves mondiales, qui s’ajoutaient aux 9% du pays ce qui aurait fait de la nouvelle entité le second pays pétrolier du monde, menaçant l’ Arabie Saoudite.
George Bush éclaire bien les enjeux : » Nos emplois, notre mode de vie, notre liberté et la liberté des pays amis seraient tous affectés si le contrôle des plus grandes réserves pétrolières du monde tombait aux mains de Saddam Hussein ». Il passa la plus grande partie de la nuit du 6 au 7 août au téléphone, à 2 h 30 il appelle François Mitterrand, pour lui dire que les Etats -Unis enverraient de troupes et fut surpris par sa réponse franche : « Nous y serons ». D’aucuns redoutaient enfin que la France ne fasse cavalier seul face à l’invasion.
Le Conseil de sécurité n’adopta pas moins de douze résolutions dont la 660 votée le 2 août, la résolution 661 votée le 6 août prônant le boycottage commercial, financier et militaire de l’Irak, la résolution 670 du 25 septembre l’étendant à tous moyens de transport y compris les aéronefs, la résolution 678 du 29 novembre autorisant les Etats à « user de tous les moyens pour contraindre l’Irak à quitter le Koweït s‘il ne l’a déjà fait avant le 15 Janvier 1991 ».
On sait qu’en langage onusien « tous les moyens « signifie le recours à la force. Pour la première fois depuis la guerre de Corée, il s’agissait de mettre en œuvre une résolution des Nations Unies de rétablissement de l’ordre international. Dès le 7, des chasseurs américains quittent leurs bases en Virginie pour la base de Dharan en Arabie Saoudite, c’est le début d’une gigantesque opération logistique .
Le 10 Saddam Hussein en appelle à la guerre sainte de tous les musulmans contre « l’oppression et la traîtrise » des puissances qui soutiennent Israël et profanent les Lieux saints, La Mecque et Médine. Seuls la Jordanie, le Soudan, le Yémen et les Palestiniens le soutiennent.
Si pour les trois derniers, le choix paraissait naturel, il n’en était pas de même pour Amman, si proches des Anglo -Saxons. George Bush déploie les forces des États-Unis en Arabie saoudite qui se sent menacée, son occupation par l’Irak aurait, hypothèse peu probable concentré près de 45% des réserves pétrolières de la planète dans de seules mains.
George Bush exhorta d’autres pays à envoyer leurs forces sur le terrain. De nombreuses nations rejoignirent la coalition devenue la plus grande alliance militaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Dès le 3 août la France renforça son dispositif dans l’océan Indien pour faire appliquer et contrôler les sanctions et l’embargo décrétés contre l’Irak. Elle s’engagea ensuite sur le terrain, via l’opération Daguet, dans une zone qu’elle avait choisie à l’ouest d’Hafar -al- Batin en Arabie Saoudite qui fut investie par la VIe division légère blindée française entre le 20 septembre et le 15 octobre.
Elle correspondait à une « lacune « du dispositif de défense américain : l’insuffisance des forces aéroportées américaines pour contrer le risque, toujours possible d’une attaque irakienne par l’axe ouest (de Hafar-al-Batin à Riyad en passant par la Cité du roi Khaled). Ce risque, selon les stratèges américains était mineur.
Mais la grande majorité des forces militaires sont fournies par les États-Unis, (90%) avec l’Arabie saoudite, le Royaume-Uni et l’Égypte comme autres contributeurs. L’Allemagne du chancelier Kohl, confrontée aux problèmes de la réunification et à celui du sauvetage économique de la RDA avec l’afflux des réfugiés, resta sur la réserve. Sa constitution lui interdisant les interventions militaires à l’étranger, elle envoya en Méditerranée orientale quelques bâtiments chasseurs de mines et dragueurs.
Les pays de l’Est fournirent des contributions d’importance variable (contingents, hôpitaux de campagne, médecins…) : la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne marquèrent ainsi leur adhésion à l’ action internationale, préparant leur entrée dans l’ OTAN. Le Koweït et l’Arabie saoudite déboursèrent environ 32 milliards de dollars sur les 60 milliards que coûta le conflit. Pour la France, comme pour la Grande -Bretagne l’entrée dans la décennie 1990, par la porte de la guerre ne pouvait se faire sans rupture. En effet les opinions publiques, comme les divers groupes d’intérêt avaient été ébranlées par l’affaire Rushdie, la montée de l’islamisme au Maghreb, plus généralement par des opinions publiques de plus en plus sensibilisées aux drames de la planète par des ONG de mieux en mieux organisées.
Par une sorte de conjonction du sort, « Tempête du Désert », commençait au moment même où se tenait à La Valette du 15 janvier au 8 février 1991 une réunion, en vertu des dispositions pertinentes du Document de clôture de la Réunion de Vienne 1986 de la CSCE et de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, consacrée à la question du règlement pacifique des différends.
L’opération Bouclier du Désert (Desert Shield), ouvrît la première phase : du 2 août 1990 au 17 janvier 1991, au cours de laquelle les troupes se renforcent et défendent l’Arabie saoudite . L’opération Tempête du Désert (Desert Storm), du 17 janvier au 28 février, est celle du combat, inauguré par un bombardement aérien et naval qui dure quarante trois jours, d’opérations aériennes suivi d’un assaut terrestre de 96 jours. qui se termine avec une victoire aisée des forces de la coalition.
Surprise stratégique, car le général Maurice Schmitt, chef d’état -major des armées avait prévu jusqu’ à 100 000 morts parmi les soldats de la coalition. Pour les 12 000 soldats français de l’opération Daguet- les marsouins du 3 è RIMA ( régiment d’infanterie de marine), les cavaliers du 4 è régiment de dragons équipés de chars AMX 30 tout avait commencé le 24 février à 4h30 par un déluge d’artillerie.
Le président américain se fait alors plus explicite dans les buts de guerre poursuivis : « Nous avons devant nous la chance de forger par nous-mêmes et pour les générations à venir un nouvel ordre mondial, un monde où le droit, et non la loi de la jungle, gouvernera la conduite des nations ». . Il avait beau eu déclaré dans le même discours : « Notre but n’est pas la conquête de l’Irak, c’est la libération du Koweït », il apparaissait clair que Washington ne s’en tiendrait pas là, estimant dès le 19 janvier que l’Irak « doit être détruit militairement, indépendamment du fait qu’il se retire du Koweït ». François Mitterrand, admettait : « Il faut naturellement détruire le potentiel militaro- industriel de l’Irak »
Dès le 18 janvier l’Irak lança ses premiers Sud sur Israël que les Etats Unis parviennent à convaincre de ne pas riposter. Le 24 février à 4h est lancée l’opération terrestre qui en quarante-huit heures provoque l’effondrement de la « quatrième armée du monde ».Elles parviennent à bouter l’armée irakienne hors du Koweït et à avancer en Irak. Pourtant la coalition cesse sa progression et déclare un cessez-le-feu 98 heures après le début de la campagne terrestre. Au cours de la guerre, les combats furent limités à l’Irak, le Koweït et des zones le long de la frontière avec l’Arabie saoudite. Cette première guerre du Golfe a vu une première -la mise en place d’émissions d’information en direct du front de bataille, au premier chef par le réseau américain CNN (Cable News Network) d’où son appellation de « guerre de jeu vidéo » du fait de la diffusion quotidienne d’images provenant de caméras installées à bord des bombardiers américains.
Allié traditionnel de l’Union soviétique, ayant adopté des positions maximalistes sur le conflit israélo-palestinien, c’est le soutien qu’ a apporté l’ Irak à de nombreux extrémistes arabes comme Abou Nidal, qui avait conduit les États-Unis à le placer sur la liste des États soutenant le terrorisme, le 29 décembre 1979. Mais tout changea lorsque éclata le conflit avec l’Iran : Washington retira Bagdad de la liste des pays terroristes.
Après les premiers succès militaires de l’Irak et le refus de son offre de paix proposée à l’Iran au mois de juillet, les ventes d’armes américaines atteignent un pic en 1982. Lorsque le président irakien Saddam Hussein expulsa Abou Nidal vers la Syrie, après que les États-Unis en eurent fait la demande en novembre 1983, le président Reagan envoya Donald Rumsfeld envoyé spécial à Bagdad. Jamais depuis 1958 les relations entre les deux pays n’avaient été aussi bonnes. Mais l’hubris s’empara de Saddam Hussein.
Au moment où le cessez-le-feu avec l’Iran fut signé, le 8 août 1988 l’Irak en sortît très endetté vis à vis de l’Arabie saoudite et du Koweït (45 et 15 milliards de $, mais en tout 70 milliards dus à ses divers créanciers) Il les pressa d’effacer leurs créances ce qu’ils refusèrent. Mais le principal différend portait de la revendication irakienne considérant le Koweït comme sa neuvième province. Privé d’accès la mer, ne possédant qu’une étroite fenêtre sur le Golfe de 19 km, l’Irak écoulait son brut par la mer Rouge et la Méditerranée, le Koweït lui en fournissait un des plus naturels.
Déjà dans le cadre de son affrontement avec l’Iran, l’Irak avait voulu acquérir la souveraineté du Chatt -al -Arab, voie de circulation essentielle pour assurer le contrôle de la région. La possession de deux îles koweitiennes de Warba et de Bubyân lui aurait permis de posséder une façade maritime. Bagdad cherchait aussi à s’assurer le contrôle au moins partiel du Golfe jusqu’au détroit d’Ormuz, « artère jugulaire « de l’Occident par lequel transitait d’un quart à 30% des approvisionnements pétroliers de la planète. En outre, l’Irak reprochait au Koweït de dépasser les quotas de production de pétrole fixés par l’OPEP, ce qui provoqua une chute des prix, jusqu’à 10 dollars le baril, occasionnant une perte de 7 milliards de dollars par an pour l’Irak, manque à gagner équivalent à son déficit de la balance de paiements en 1989.
Aux yeux de Bagdad, le Koweït a aggravé sa situation avec des forages directionnels réalisés à travers la frontière, dans le gisement de Rumaila. Le 25 juillet 1990, Saddam Hussein reçut l’ambassadrice américaine à Bagdad, April Glaspie, qui au fait de ce qui se préparait, « Nous constatons que vous avez amassé des troupes nombreuses à la frontière », lui laissa entendre que « les États-Unis n’avaient pas d’opinion sur les conflits opposant deux pays arabes ».
Piège, provocation, toujours est-il que, la réunion de médiation organisée à Djeddah échoua. Le 2 août 1990, des centaines de chars eurent raison de forces koweïties, l’émir Al Sabah s’enfuit par hélicoptère en Arabie Saoudite et le petit émirat de 17 818 km2 fut entièrement occupé et barricadé. Bouclier du désert vit certainement le plus important déploiement de forces de l’après-guerre. En quelques mois, les Etats -Unis réussirent l’exploit de transporter sur 15 000 km, une armée d’un demi -million d’hommes, dotée d’un matériel impressionnant : 1350 avions, 2900 chars, 8 porte -avions, et 150 autres bâtiments, inaugurant ainsi les guerres du XXIe siècle, on le verra en Afghanistan en 2001, puis à nouveau en Irak, en 2003. La France apporta sa contribution, dès le 3 août, elle renforça son dispositif dans l’océan Indien.
Les Etats -Unis désireux de se débarrasser du syndrome vietnamien et de l’échec de leur tentative de libération de leurs otages détenus dans les locaux de leur ambassade de Téhéran (Desert One du 25 avril 1980) frappèrent vite et fort, durant les 39 jours d’opérations aériennes intensives ( 114 000 sorties dont 1400 effectuées par les forces françaises qui engagèrent une cinquantaine d’avions- soit tout de même 10% de ses forces aériennes- sur les 2400 de la coalition), ce qui a permis de réduire à une centaine d’heures, la durée des opérations terrestres, ouvrant la voie aux chars, aux blindés et à l’artillerie.
L’opération Desert Storm fut l’occasion de tester en vraie grandeur la validité de la doctrine Airland Battle mise au point pour combattre en Europe les troupes du Pacte de Varsovie. Fondée sur l’esprit d’offensive, la manœuvre, le mouvement, la rapidité combinée à une énorme puissance de feu, elle a pu s’appliquer parfaitement à la Guerre du Golfe : l’armée irakienne, considérée comme la quatrième du monde, ressemblait à une armée du Pacte de Varsovie, instruite et équipée par l’URSS, et le champ de bataille du désert aux vastes plaines de l’Europe centrale. L’offensive fut l’une des plus courtes de l’histoire (43 jours de guerre dont 39 de guerre aérienne et 4 seulement de guerre aéroterrestre) ; le rouleau compresseur de la plus formidable machine de guerre réunie depuis la Deuxième Guerre mondiale a en quelques jours avec des pertes extraordinairement faibles (68 morts au combat, 56 disparus, 13 prisonniers), écrasé une armée qualifiée la quatrième du monde. Suivant les premiers bilans les Irakiens auraient perdu 3008 chars sur les 4230 déployés, 1856 véhicules blindés sur 2870 et2140 pièces d’artillerie sur 3110 soit les deux tiers de leur équipement lourd, 40 divisions sur 42 auraient été mises hors de combat et plus de 50 000 hommes faits prisonniers
Dès le 17 janvier 1991, l’aviation irakienne s’est réfugiée en Iran son ancien ennemi.il est vrai que pour se le concilier, les derniers territoires iraniens encore occupés par l’Irak furent évacués. Téhéran a même tenté une conciliation entre Bagdad et les coalisés, en octobre 1990 mais tout au long de la guerre a maintenu une attitude de stricte neutralité souhaitant l’affaiblissement de l’Irak et le maintien, de son intégrité territoriale. Pour l’ armée française dont ce fut le plus important engagement aérien depuis Suez en 1956, ce fut aussi de précieux renseignement car elle a mieux pris conscience de l’importance des appuis, du renseignement, et de la logistique, qui lui faisaient encore défaut. La guerre du Golfe a inauguré une nouvelle ère où la capacité de voir et de fusionner du renseignement en temps réel est essentielle pour pouvoir agir.
Elle a vite remédié à ces lacunes, en créant dès 1992, le COS ( Commandement des Opérations spéciales), la DRM ( Direction du renseignement militaire) ou le COIA( Centre opérationnel intermarmées) .La France redécouvrait la guerre, expérience vitale qui lui a été bien utile dans les opérations africaines et consolider ses bases à N’Djamena et pour déployer celles de Niamey et à H5 en Jordanie.
Le bilan des morts reste difficile à établir, aucun chiffre officiel n’a été établi. De vagues estimations les situent dans une fourchette très large entre 400 000 et 100 000. Le conflit n’a provoqué « que » 446 morts dans les rangs alliés mais entre 30 000 à 100 000 victimes irakiennes, sans compter les 200 000 vétérans malades d’un mystérieux syndrome provoqué par les armes nouvelles. La « rue arabe, les masses arabes n’ont pas réagi à l’unisson face à cette grave crise intervenue au sein du monde arabe et de l’oumma , ce qui a contribué » à rendre illusoire l’existence d’une unité automatique d’opinion et même l‘absence d’une opinion proprement dite.
En dehors des monarchies du Golfe, acquises d’emblée à la cause koweïtie c’est en Egypte que la « rue » a été la plus calme, alors même que Le Caire s’est engagé politiquement et militairement au côté de la coalition anti irakienne.
L’effet du rapatriement de 400 000 émigrés dans des conditions douloureuses et humiliantes a marqué les esprits. C’est en revanche au Maghreb que se sont déroulées de nombreuses et massives manifestations de soutien à l ‘Irak dès la réunion de la Ligue arabe, des 9-10 août, les gouvernements d’Alger, de Tunis et de Tripoli se sont plus ou moins dissociés de la coalition , sans toutefois approuver l’ annexion du Koweït. Seul le gouvernement marocain s’est rangée à ses côtés et a décidé d’envoyer des troupes, en Arabie Saoudite .Quant au Yémen, qui venait de se réunir un an auparavant il fut le seul gouvernement de la péninsule à avoir refusé de se joindre à la coalition. Il en fut de même de la Jordanie.
Le cessez-le -feu formel n’interviendra que le 3 avril 1991, avec le vote de la résolution 687 ; puis la résolution 688, du 5 avril, au nom du « devoir d’ingérence humanitaire » autorisa l’acheminement d’une assistance aux Kurdes dans le cadre de l’opération « Provide Comfort ».
C’est en raison de ses responsabilités en matière de maintien de la paix que le Conseil intervenait nonobstant l’art. 2§7, car à ses yeux, une situation intérieure, relevait exclusivement de la compétence souveraine d’un Etat -l’Irak apparaissait de nature à menacer la paix. C’était ouvrir la porte à une ingérence au nom de la protection des droits de l’homme et du maintien de la paix.
Les alliés imposèrent à l’Irak une zone d’exclusion aérienne au nord du 36 è parallèle ; leurs troupes resteront au Kurdistan irakien jusqu’en juillet 1992. Une autre zone d’exclusion aérienne sera imposée en août 1992 au sud du 32è parallèle, puis étendue au 33è en septembre 1996, ce qui n’empêchera pas l’armée irakienne de continuer à réprimer les chiites.
Sur le plan juridique, il est déjà admis que l’article 2§7 n’empêchait pas d’engager la responsabilité internationale d’un Etat ayant commis de graves exactions et massives contre les populations (art.19 de la Commission du droit international, CDI). La lancinante question kurde suscita bien des dilemmes. Lorsqu’en avril 1991, des centaines de milliers de kurdes se sont massés sur la frontière iranienne, Téhéran se montra fort prudent du fait de l’existence d’une communauté de 6 millions de Kurdes réclamant une plus grande autonomie Il en fut de même pour Ankara, qui pourtant ne pouvant rester indifférent à l’égard de ces territoires que l’ex -empire ottoman a cédé en 1926 ( région de Mossoul ) à l’Irak .
Les alliés des Américains furent mis amplement à contribution ; le Japon fut conduit à verser 13 milliards de $ dans le pot commun de la coalition internationale, les autres partenaires de l’Allemagne à l’Arabie Saoudite . 54 Un embargo est imposé via l’Unscom créée en avril 1991. Le pays du Tigre et de l’Euphrate a été soumis au régime de sanctions le plus dur et le plus sévère jamais soumis à un pays à l’époque moderne. « A partir de 1991 un « allègement » des sanctions succéda à l’embargo total. L’Irak était autorisé à vendre une quantité limitée de son pétrole, à un prix fixé par le comité des sanctions de l’ONU, afin de permettre au pays d’importer le minimum vital. Mais du fait de l’attitude quasi maniaque des Etats-Unis, cet « allègement » était très relatif ; des médicaments de base et des produits alimentaires étaient interdits à l’importation sous prétexte qu’ils pouvaient être utilisés dans la fabrication d’armes chimiques, par manque d’aérosols une maladie comme l’asthme devint mortelle. »
Fallait-il comme le préconisait le Wall Street Journal achever le boulot ? Ce ne fut l’avis d’aucun des responsables américains. Le président Bush craignait qu’intervenir dans les affaires intérieures de l’Irak, conduirait de se « trouver dans un marécage (quagmire) de style vietnamien, un conseil que n’a guère suivi son fils. Ni de François Mitterrand et de John Major pressés de rapatrier leurs hommes n’étaient prêts à agir.
Lee Aspin, président de la Commission des forces armées de la Chambre des représentants, résumait bien la difficulté de la situation : « Vous voulez un Irak assez faible pour ne pas menacer le plus faible de ses voisins et assez fort pour tenir en respect le plus fort de ses voisins. A l’initiative de la France, le Conseil de sécurité adopta dans la foulée le 5 avril, une résolution reconnaissant implicitement le bien-fondé d’un droit d’ingérence, « La répression des populations civiles irakiennes dans de nombreuses régions de l’Irak » ayant « pour conséquence de menacer la paix et la sécurité internationale dans la région «. Il n’a pas été jusqu’à faire bénéficier les Libanais d’une pareille sollicitude.
Première guerre de l’après-guerre froide, bien que se situant dans son sillage, ni guerre globale, ni guerre purement régionale, la guerre du Golfe, par ses moyens mis en œuvre, la participation de 28 pays mobilisant 700 000 hommes a inauguré, incontestablement l’ère de l’hyperpuissance américaine, comme elle a donné naissance , on le verra, à l’illusion d’un nouvel ordre mondial .
L’ absence de l’URSS, qui ne s’est opposée à aucune des résolutions, dont les territoires méridionaux se situaient pourtant à quelque 200 km du théâtre des opérations, au surplus dans un zone également d’intérêt pour elle, eût quelque chose de frappant, et peut expliquer la réaction qui s’ensuivit à partir des années 2000. La faible participation de l’Europe, en dehors du contingent français, et surtout du britannique, avec 33 000 hommes, qui fut la plus importante, est apparue aux yeux de tous.
Il apparut avec clarté qu’aucune guerre classique contre les Etats -Unis ne pouvait être gagnée, en tout cas depuis la fin du conflit Est- Ouest. Les Etats -Unis ont montré qu’ils ont été capables de développer des systèmes d’armes qui lui conféraient un avantage militaire définitif. Une affirmation qui s’est avérée exacte pendant quelques décennies ; mais ne pouvait être tenue exacte de façon intemporelle.
Le général Khaled ben Sultan, petit fils du roi Ibn Saoud, ce dernier dénommé le léopard s’était opposé à Atatürk, le loup, fils du prince Sultan, ministre de la Défense depuis 1962, troisième personnage du royaume, qui a exercé le commandement dans le Golfe, en parallèle avec le général Norman Schwarzkopf a livré sa version des faits Il s’interroge pourquoi les chars irakiens se sont terrés au Koweït et n’ont pas foncé sur l’ Arabie Saoudite, il note le paradoxe suivant c’est la division Daguet qui est entrée la première le plus profondément en territoire irakien, alors que le Ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement ne voulait pas la voir trop mêlée aux combats.
Tout le monde aura noté le véritable revirement de l’URSS, qui « lâcha » son allié, attitude qui ne restera pas sans conséquences dans les décennies à venir. Edouard Chevardnadze , patron du MID, abandonna, en effet, le soutien systématique que l’URSS prodiguait au nationalisme arabe qui avait été le grand dessein de la diplomatie de Moscou depuis la mort de Staline.« Ce tournant brusque souleva d’ailleurs l’opposition des conservateurs du parti et de l’armée qui reprochèrent au ministre de s’aligner trop ouvertement sur la position américaine .
Mal soutenu par Gorbatchev, Chevardnadze démissionna avec éclat en décembre 1990. Il déclare :
Il craignait déjà une dictature montante, un putsch, informé qu’il était de l’intérieur, 30 à 40% des diplomates émergeant au KGB. Son successeur A. Bessmertnykh adopta un ton plus raide et tenta d’offrir sa médiation pour éviter une solution militaire, mais lorsque la guerre du Golfe éclata en février 1991, l’URSS s’abstint de fournir une quelconque aide à son allié irakien.
Simultanément, les relations se détendirent avec Israël grâce à la reprise de l’émigration massive des Juifs soviétiques, inquiets devant les campagnes qui imputaient aux intellectuels d’origine juive la responsabilité des difficultés politiques et économiques du pays ; dans la seule année 1990 plus de 270 000 Soviétiques partirent pour Israël « Cette relation Russie -Israël revêtira toute son importance dans les années 2000.
Le grand orientaliste Bernard Lewis, tirait de ce conflit l’enseignement selon lequel, les puissances extérieures étaient prêtes, au mieux, à défendre leurs intérêts vitaux -entendez, leurs marchés et leur approvisionnement en pétrole- et ceux de la communauté internationale, autrement dit, le respect des règles fondamentales de l’ONU. Pour le reste, les peuples et les gouvernements du Moyen -Orient devront pour la première fois depuis, deux siècles, prendre en main leur destin… Un jugement que la suite des évènements démentira.
Cette guerre a-t-elle, pour autant, réglé les problèmes de la région ? Dans son éditorial « Gagner la paix » Ignacio Ramonet avait exprimé des doutes qui s’avérèrent, pour l’essentiel, justifiées : « Le Koweït évacué et l’Irak détruit – au prix de combien d’innocentes victimes -rien ne sera réglé, au fond, au Proche -Orient. Demain réarmé, l’Iran peut menacer à son tour de ses missiles Israël et les Etats « modérés » de la région. Seule une conférence internationale peut parvenir, à défaire par la négociation, le nœud des crises. En premier lieu, le conflit israélo – arabe et l’aspiration légitime des Palestiniens à un Etat. Gagner la guerre n’est rien si l’on ne sait gagner la paix »
Notes
[1] Connue aussi sous d’autres noms, comme la première guerre du golfe Persique, la Première Guerre du Golfe, la guerre du Koweït, la Première Guerre d’Irak, ou tout simplement « guerre d’Irak
[2] Trois heures plus tard Cheikh Jaber, chef de la famille régnante s’envole vers l’AS à bord d’un hélicoptère américain.
[3] Evgueni Primakov, Au cœur du pouvoir, Mémoires politiques, Editions des Syrtes , 2002 , p.65.
[4] Qui pendant six mois expédiera 482 000 soldats et 500 000 t de chars, de munitions et d’armements, via un pont aérien et 173 navires , les EU disposent de 1000 chars, 1500 hélicoptères, et 1300 avions
[5] Frédéric Charillon , La politique étrangère à l’ épreuve du transnational,, une étude des diplomaties française et britannique dans la guerre du Golfe, l’ Harmattan, 1999, page 57.
[6] Les F- 117 A avions « furtifs » larguent à chaque raid, deux bombes à guidage laser de 900 kilos ;
[7] International Herald Tribune, 17 janvier 1991.
[8] New York Times, 20 janvier 1991.
[9] L’ Irak en tire 86 qui tueront 6 Israéliens 289 blessés, 12202 appartements touchés des centaines totalement détruits, Israël recevra des antimissiles Patriot avec leurs techniciens.
[10] . Le Koweït dont Bagdad se voulait déjà souverain en 1958 et qui avait réchappé aux menaces du Général Kassem qui revendiquait « le territoire koweïtien comme partie intégrante de l’Irak » juste après la pleine indépendance déclarée le 19 juin 1961 grâce aux appuis britannique et arabes
[11] Matériels acheminés par les énormes avions C -5 Galaxy et C-130 Hercules à partir des dépôts des Etats -Unis et d’Europe.
[12] Général Philippe Lavigne, chef d’état -major de l’armée de l’air et de l’espace, Le Figaro, le 18 janvier 2021.
[13] P. 209-210.
[14] Le 22 mai, la République arabe du Yémen ( Nord Yémen) et la République démocratique du Yémen ( Yémen du Sud) se réunifient en une « République du Yémen avec Sanaa comme capitale. Un conseil présidentiel de 5 membres ( 3 du Nord, 2 du Sud) élu par les deux parlements et présidé par le colonel Ali Abdallah Saleh dirigera le pays pendant une période transitoire de 30 mois.
[15] Patricia Buirette, le droit international humanitaire, Repères, n° 196 La Découverte, 1996, p.100.
[16]Washington n’avait plus les moyens de faire la guerre seule. Engagés dans la récession, confrontés à un déficit budgétaire dépassant 200 milliards de dollars, les Etats-Unis devaient gérer au plus près leurs dépenses.. Selon le Bureau général de la Comptabilité (G. A.O.), le coût, hors conflit ouvert, atteindra déjà quelque 30 milliards de $ pour l’ensemble de l’exercice fiscal . Les pays alliés non engagés militairement ont déjà fourni une aide financière à hauteur de 7,24 milliards de $. Contributeur numéro un: l’Arabie Saoudite qui a déjà versé 3 milliards depuis le mois d’août et a dernièrement promis de financer 40% à 50% de l’effort de guerre américain. En outre, Riyad a accordé une aide de 3,65 milliards de $ aux pays les plus pauvres de la région et enfin, a commandé pour 7,6 milliards de matériel militaire américain. Le Koweit a, quant à lui, contribué à hauteur de 2,5 milliards
[17] La Commission spéciale des Nations Unies (UNSCOM) , régime d’inspection créé avec l’adoption de la résolution 687 du Conseil de sécurité des Nations Unies en avril 1991 pour superviser le respect par l’Iraq de la destruction des installations iraquiennes d’armes chimiques, biologiques et de missiles et pour coopérer avec les efforts de l’Agence internationale de l’énergie atomique visant à éliminer les installations d’armes nucléaires au lendemain de la guerre du Golfe. Le régime d’inspection de l’UNSCOM s’est ajouté autres exigences du Conseil de sécurité de l’ONU, à savoir, que le régime irakien reconnaisse officiellement le Koweït comme un État indépendant et verse des réparations de guerre pour les destructions infligées pendant la guerre du Golfe, y compris le tir de pétrole koweïtien et la destruction des infrastructures publiques. Jusqu’à ce que le Conseil de sécurité de l’ONU ait constaté que les programmes d’armement de l’Irak avaient été abandonnés et que les dirigeants irakiens avaient autorisé l’installation de systèmes de surveillance, les sanctions susmentionnées de l’ONU continueraient d’être imposées à l’Irak.
[18] Pierre -Jean Luizard ; La question irakienne, Fayard, 2002 page 313
[19] Cité par Gerald Seib, « Mideast mess. How miscalculations spawned US Policy towards Iraq WSJ Europe, 6 mai 1991.
[20] Le dernier Empire, Grasset, 1996, p.190 – 191.
[21] Guerrier du désert en collaboration avec Patrice Seale, Hachette, 500p.
Biographie Eugène Berg
Carrière diplomatique
– Ministère des Affaires Étrangères
Direction des affaires politiques, puis au Service des Nations unies et Organisations Internationales.
Adjoint au Président de la Commission Interministérielle pour la Coopération franco-allemande.
Consul général à Leipzig (Allemagne).
Ambassadeur de France en Namibie et au Botswana.
Ambassadeur de France aux îles Fidji, à Kiribati, aux Iles Marshall, aux Etats Fédérés de Micronésie, à Nauru, à Tonga et à Tuvalu.
Diplômes
Maîtrise d’économie 1965
Proficiency Cambridge 1966
Ancien élève de l’E.N.A. l’Ecole Nationale d’Administration (1971– 1973)
Enseignement
Maître de conférences à IEP Paris (1973 – 1986),
Direction de Séminaire sur le Pacifique (2006 – 2008),
Conférences de méthode, ENA, École Polytechnique,
Enseignements de géopolitique au CEDS Paris et à Saint -Cyr
Ouvrages publiés
Chronologie Internationale (1945-1980 éd. PUF Collection Que sais-je ? 1997 4 éditions. Non alignement et Nouvel Ordre Mondial éd. PUF – 1982
La politique internationale depuis 1955 éditions Economica – 1990 -1756 pages ouvrage couronné par l’Académie des Sciences morales et politiques
Un ambassadeur dans la Pacifique éd. Hermann 2009
La Russie pour les Nuls (éditions First, 2016).
A la recherche de l’Ordre mondial éd Apopsix, septembre 2018
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« SE PROMENER D’UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE » VOLTAIRE
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