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mars 30, 2023

Gerard-Biard-Charlie-Hebdo
Ils voient des noirs partout. Par Gérard Biard de Charlie Hebdo

Ils voient des noirs partout.
L’édito de Gérard Biard.
Charlie Hebdo Juillet 2018.

Bon, alors maintenant, sérieusement, on aimerait bien savoir qui a gagné la coupe du monde de foot. La France ou l’Afrique ?
Dix jours après la victoire, supporters, commentateurs et analystes du monde entier n’arrivent toujours pas à se décider. Mais tous, racistes assumés, antiracistes affirmés, journalistes concernés, sont d’accord sur l’essentiel : il y a beaucoup, beaucoup de Noirs dans l’équipe championne du monde. Aux États-Unis Trevor Noah, le présentateur du Daily Show, s’enflamme : « je suis tellement content, l’Afrique a gagné la Coupe du monde.… Vous n’êtes pas bronzés comme ça, même si vous venez du sud de la France. »
En Italie, le très respectable quotidien Corriere della Sera fait écho au bien moins respectable Matteo Salvini en décrivant une sélection française « pleine de champions africains mélangés à de très bons joueurs blancs ». En Espagne, plusieurs médias soulignent « la merveilleuse impureté » des Bleus.

Même Obama a cru bon de faire remarquer que « tous ces mecs ne ressemblent pas selon « lui », à des gaulois »…
En France, le « débat » fait évidemment rage sur les réseaux sociaux, porté par les identitaires de toutes chapelles. Mais pas seulement.
Paris-Match a ainsi publié sur son site un article titré « L’Afrique aussi championne du monde de foot », en listant « l’origine » de chacun des joueurs concernés.

Un simple moment d’égarement imputable à la frénésie générale ? Pas vraiment. Nous vivons l’aboutissement logique de la sectorisation et du cloisonnement des luttes antiracistes, et de l’abandon de l’universalisme pour le communautarisme, voire l’individualisme, chacun défendant exclusivement son « identité » sa « culture », ses « origines », sa « spécificité », sa « différence ».

Négrophobie, islamophobie, transhobie, grossophobie, monnombrilphobie… Le principe est simple : on n’existe qu’à travers les discriminations que l’on subit. Ce sont elles qui nous définissent. Pas le meilleur moyen pour en venir à bout…
Résultat, le premier président américain noir de l’Histoire se vautre dans la propagande communautarisme en croyant faire une remarque sympa, et le fin du fin de l’antiracisme consiste à lutter contre tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un brassage ethnique ou culturel.

La pièce Slav, du québécois Robert Lepage, qui dénonce la barbarie de l’esclavage, est déprogrammée du festival de jazz de Montréal au prétexte que la distribution est en majorité constituée d’acteurs blancs. Scarlett Johansson, accusée « d’appropriation culturelle » par des associations de défenses des transgenres, renonce à interpréter un personnage transsexuel. Le styliste de mode Marc Jacobs déclenche une polémique avec un défilé dans lequel des mannequins blancs portent des dreadlocks…
A ce compte-là, que dire des groupes de gospels noirs, par exemple ? Leur répertoire est composé de cantiques chrétiens pour le moins éloignés de leurs racines et de leur « culture ».
De quoi faut-il accuser ces chanteuses et ces chanteurs ? D’appropriation culturelle ou de sympathie néocolonialiste ?

Dans le lamentable déblatérage sur la composition ethnique–car c’est bien de cela que l’on parle–de l’équipe de France, personne n’a dit la seule chose qui vaille d’être dite. Au-delà des choix du sélectionneur, il n’y a que deux conditions pour faire partie de l’équipe de France de foot : être citoyen français et avoir deux pieds–désolé pour ce dérapage culdejattophobe. Ce qui est le cas de tous les joueurs qui ont participé à ce Mondial. Point. On en n’aura vraiment fini avec le racisme le jour où l’on ne remarquera même pas qu’il y a des footballeurs noirs dans l’équipe de France. Pour le moment, nous prenons le chemin inverse. On veut supprimer le mot « race » de la constitution, mais on ne parle que de ça. Avec d’autres mots, mais ça ne change rien au propos.
Une société obsédée par « l’identité », « l’origine » et les « cultures » est mûre pour l’apartheid.
Gérard Biard
Charlie Hebdo
25/07/2018

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