"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
avril 1, 2023
Une ode à la joie !
La période des vacances se profile à l’horizon. Certains parmi vous privilégieront les escapades culturelles.
Si tant est que des souvenirs, des événements peuvent être braudéliens, à ceux-là nous offrons quelques béatilles musicales, ainsi que des éclairages historiques de certaines destinations. Ces clins d’œil ne se veulent pas un guide. Ils sont juste une ode à la joie et au beau!
Et pour commencer nous avons choisi des préludes musicaux espagnols et italiens qui vous permettront une vraie manducation des endroits enchanteurs que vous découvrirez.
Par la suite nous vous emmènerons à Prague,-ville magique entre toutes,-et symbole des plus grandes tragédies de l’histoire mais où l’âme tchécoslovaque s’est toujours révelée indomptable. et farouchement joyeuse! Ensuite Berlin.
Elina Garança est une mezzo-soprano lettone. Elle incarne cependant à merveille la fougue et la générosité espagnoles.
« L’Espagne a sans doute été grande par hasard et trop tôt » Alain Minc
Son drame originel : son immense fierté calfeutrée ; son malheur accidentel : la découverte de l’or en Amérique.!Mais l’élan de cette nation, mais la volonté de ce peuple de retrouver la liberté démontrent de façon éclatante que la démocratie représente selon le mot de Fukuyama « la fin de l’histoire ».
Sarah Baras, c’est le flamenco revisité. Vous y comprendrez la violence espagnole, son indomptable opiniâtreté. La beauté de ses danses tantôt éminemment sensuelles tantôt d’une violence exacerbée et d’une précision militaire miment l’amour et la guerre en une même allégorie. Vous y retrouverez à travers sa perfection le caractère absolu d’un peuple frappé par la guerre civile.
Et vous entendrez au sortir des arabesques et au son des tambours le staccato des mitrailleuses des avions de la tristement célèbre division Condor .Mais surtout, vous apercevrez un doigt élégamment pointé que vous devinerez être le doigt accusateur des républicains espagnols désignant la lâcheté des démocraties occidentales.
Si vos pas vous mènent à Madrid allez admirer au Musée Reina Sofia le tableau Guernica de Picasso. Il y a fort longtemps un quidam de nationalité allemande – dont l’intelligence le prédestinait sans aucun doute au prix Nobel –mais qui ferait rougir de honte le grand philosophe allemand Jürgen Habermas-demanda à Picasso : « Est-ce vous qui avez fait cela ? Et Picasso de répondre : non, c’est vous ! »
Anna Netrebko, la Sublime ! La Majestueuse ! La seule qui soit l’égale de la Callas ! Nous n’avons pas pu résister au plaisir de vous l’offrir comme une vraie délicatesse.
Son âme slave se coule et se love à merveille dans la fantaisie et l’insouciance espagnoles.
Ce plaisir sera – nous l’espérons – vôtre. C’est en tout cas le mien !
Avec Anna Netrebko c’est plus qu’une émotion c’est un appel vers ailleurs, vers l’au-delà, vers le divin.
Anna Netrebko. C’est un je ne sais quoi d’indéfinissable ! Une femme à qui l’on a envie de dire comme Chateaubriand et/ ou Jean d’Ormesson aiment à le dire : « mon dernier rêve sera pour vous »
Pour finir, et sans vraie raison, sauf celle du plaisir : Pavarotti .Pavarotti chantant la Girometta de Gabrielle Sibella qu’on ne s’attendait pas à voir en aussi joyeuse imagination.
Girometta : un moment de bonheur absolu. !
Pavarotti et Anna Netrebko possèdent, tous deux, au plus haut degré une fluidité et une tessiture de voix à la fois joyeuse et puissante. Le bonheur coule et s’évade de leurs lèvres à foison.
J’ai eu l’immense bonheur d’entendre Pavarotti à un concert à New York à Central Park. Ma mémoire défaillante m’empêche de me rappeler si c’était en 93 ‘année de cet enregistrement ou une autre année, peu importe. Me reste gravé à jamais le Beau absolu !
Il y a cinq ou six ans- assis à la terrasse du célébrissime café Florian- j’ai redécouvert Venise. Je vous l’accorde le côté bonbonnière de cette vénérable institution est surprenant. Il n’en demeure pas moins fascinant, et comme un vrai lieu de bonheur.Il y a vu Byron « au temps de ces belles amours ».
L’orchestre y est, je vous l’accorde bien volontiers, digne de la fanfare non pas des comices curiates mais de comices agricoles. C’est tout dire.
Pour autant sa musique est charmante à souhait. Les airs datant parfois d’un autre âge sont légers, gais et primesautiers. Et subitement un moment de magie !
Un moment délicieux !L’orchestre entonna Girometta. Certes la maestria de Pavarotti n’était point-là. Mais la magie et la joie d’avoir chanté et esquissé quelques pas de danse, fut un moment d’abandon vivifiant ,plaisant et envoutant !
La Dolce Vita est italienne !
Et surtout n’oubliez pas que l’Italie a été le premier vrai « Soft Power » au monde !
Enfin comment ne pas aller à Venise sans emporter « le voyage en Italie » de François-René Vicomte de Chateaubriand.
Venise, Chateaubriand, et voilà que surgit en toute élégance avec sa lumineuse intelligence et son érudition qui pétille comme les bulles de champagne, Jean d’Ormesson : l’écrivain du bonheur.
À Venise, rendez-vous -en grâce -à l’extrême pointe de la Douane de mer qui fut le centre du monde aux temps bénis de la Sérénissime et lisez le texte sublime de Jean d’Ormesson.
Laissez-vous alors envahir par les souvenirs et les parfums.
Un dernier mot en guise de conclusion.
Chateaubriand dont Talleyrand disait : « Il croit qu’il est sourd depuis qu’il n’entend plus parler de lui. »
Louis XVIII qui n’avait pas, tant s’en faut, l’esprit du Prince de Bénévent, disait toujours à propos de Chateaubriand : « Mon Dieu, que Chateaubriand irait loin s’il ne se mettait pas toujours devant lui ».
Et puisque nous assistons à des bouleversements dont l’onde n’a pas fini de submerger les nations : « presque toujours, en politique, le résultat est contraire à la prévision. » Chateaubriand in mémoires d’outre-tombe
« L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir il porte avec lui l’immensité » Chateaubriand in mémoires d’outre-tombe
« Veux-tu connaître le monde? Ferme les yeux, Rosemonde. » Giraudoux.
Voilà si le cœur vous en dit nous serons heureux de publier vos commentaires ou vos impressions de voyage.
En vous souhaitant des vacances qui vous seront douces parce que vous les aurez choisies !
Leo Keller
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la douane de Mer de Jean d’Ormesson
Je meurs.
Le 26 juin, un peu avant midi, il est arrivé quelque chose que je n’oublierai plus : je suis mort. La vie est injuste. La mort aussi. J’ai eu de la chance. Tout s’est passé assez vite. Le cœur a lâché. J’aurais pu me blesser. Pas du tout. Je suis tombé d’un seul coup, sans la moindre égratignure, dans les bras de Marie, devant la Douane de mer d’où la vue est si belle sur le palais des Doges et sur le haut campanile de San Giorgio Maggiore. J’avais essayé plus d’une fois de donner à l’un de mes livres le titre de la Douane de mer. On ne fait pas toujours ce qu’on veut.La douane de mer s’est refusée à entrer dans ma vie. Elle est entrée dans ma mort.
L’être avec qui on meurt est aussi important que l’être de qui on nait. J’étais content de mourir devant la douane de mer. J’étais surtout content de mourir auprès de Marie. J’avais été un vivant dans les bras de Marie. C’est aussi dans ses bras que je suis devenu un mort .Elle est restée longtemps avec moi au pied de la douane de mer et j’avais, comme avant, ma tête sur ses genoux. Des larmes coulaient de ses yeux que j’avais tant aimés parce qu’ils étaient très bleus. Je ne bougeais pas. Je ne disais rien. Je n’ai jamais dit grand-chose. Je ne disais plus rien du tout. Elle baisait mes lèvres sans vie qui ne répondaient plus et elle pleurait en silence. Moi, je n’étais plus nulle part–ou peut-être déjà partout.
Elle a eu, le lendemain, une idée de génie j’ai fait de mon mieux, mais en vain, j’ai j’en ai peur, pour qu’elle me sache heureux et pour la remercier : nous avons remonté ensemble, moi déjà dans ma caisse, elle toujours dans ses larmes, toute la splendeur du Grand Canal. C’était très bien. Le soleil brillait sur le marbre et sur l’eau, sur les façades ocre et roses. Les palais, les musées, les marchés aux poissons, les terrasses des hôtels, les grands piliers bleus et rouges ou s’amarrent les gondoles, le pont de l’Accadémia et le pont du Rialto défilaient devant nous. Les anges nous souriaient au fronton des églises. Quelques jeunes filles aussi, en train de sucer un gelato. Tout ce que j’avais aimé m’accompagnait à la gare pour mon dernier voyage. Il y avait beaucoup de beauté et beaucoup de souvenirs. Des projets, des échecs, désespoir, des ambitions, des batailles gagnées et perdues. Des passions et des rêves. Le mariage du doge et de l’Adriatique à bord du bucentaure. La peau de Bragadin arrachée par les Turcs. Les baisers et la mort de Bianca Capello. La lecture, au loin, par un juif de génie atteint du rhume des foins et aux yeux d’odalisque, des Pierres de Venise de Ruskin. Il y avait Morand et Visconti, il y avait Commynes et Casanova, il y avait Henri de Régnier derrière ses longues moustaches et Byron avec son pied bot. Et Goethe, et Vivaldi, qu’on appelait le prêtre roux, et Wagner, et tous les autres. Et Chateaubriand, bien entendu. il y avait des plaques de marbre en pagaille sur les murs, la flamme de mon nom dans le cas de Marie, de grandes Suédoises brûlées par le soleil sous leurs robes courtes et claires, et beaucoup d’amoureux qui se tenaient par la main sans savoir trop quoi dire devant ces choses si vieilles d’où naissait de bonheur. J’ai eu envie, c’est vrai, de vivre encore un peu. Parce que le monde était beau et qu’il était bon d’y traîner.
J’avais aimé à la folie mon passage sur cette terre, le soleil, l’espérance, le bruit de l’eau sur les pierres, les lendemains, ne rien faire, les clochettes des chèvres qui passaient en troupeau le long de la maison blanche où Marie et moi avions vécu à Symi, le silence et les mots. L’idée de n’être jamais né, caressée par tant de penseurs, m’a toujours fait horreur. Grâce à Dieu, j’étais né. J’avais pris place dans le temps, et je m’étais baladé en espadrilles, le nez en l’air, le cœur léger, la main de Marie dans la mienne, sans amertume ni remords, dans les collines et sur les plages, le long des grands fleuves traversés avant nous par les conquérants, les pèlerins, les marchands de dragons ou d’épices, les amoureux en fuite et dans cette petite ville d’Italie où il y avait tant d’arcade et si peu de trottoirs. Je m’étais assis dans des bistrots, sur des parapets de pont, dans des prairies au-dessus des lacs pour ne penser à rien.
J’ai beaucoup pensé à rien.
J’ai aimé presque tout de cette sacrée existence. Et ses vides autant que ses pleins. La vie m’avait donné, avec tant de surprises et de générosité, que je ne redoutais pas la mort qui en était l’achèvement. J’avais été enchanté d’arriver, je n’étais pas fâché de partir. Par paresse, par égoïsme, par curiosité aussi, l’idée de cesser de vivre pour passer enfin à autre chose ne me déplaisait pas. Mais il y avait Marie.
« Ce sont les larmes de Marie qui m’ont fait hésiter au-dessus du Grand Canal au lieu de m’envoler d’un seul coup vers ce que je guettais déjà avec un peu d’impatience et de curiosité. Je distinguais encore la Douane de mer, la Salute, la Madonna dell’ Orto où il y a un si beau Tintoret, San Giovanni e Paolo avec la statue en bronze de cette vieille ganache militaire qu’on appelait le Colleoni, San Giaccomo dell’ Orio où nous allions souvent nous promener tous les deux, San Nicolo dei Mendicoli, misérable et superbe entre ses trois canaux, et, là-bas tout en bas, dans sa gondole noire devenue soudain minuscule, Marie en train de pleurer sur ce qui avait été moi. C’est là, déjà assez haut, à l’instant de partir pour de bon vers de nouvelles aventures qui n’ont de nom dans aucune langue et de m’arracher à jamais aux images et aux rêves que j’avais tant aimés, que je suis tombé sur A. » Jean d’Ormesson in la Douane de mer
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