"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
mars 30, 2023
Ce sont en même temps les raisons d’espérer des sociétés occidentales.
Les conflits économiques se font chaque jour plus intenses, plus bruyants. La Chine a certes des réserves. Mais elle ne peut se permettre le moindre faux pas, car elle dépend beaucoup plus que d’autres pays de ses exportations pour la survie de son régime. Cette crise aura le mérite de révéler que la Chine est certes un colosse mais un colosse aux pieds d’argile.
Beijing perçoit d’ailleurs que contrairement à ce qu’il avait soupesé et calculé auparavant, sa cuirasse est fragile. Certes il est à l’abri d’une menace stratégique militaire. Pour autant si Beijing devait être, d’abord entravé, puis combattu dans ses exportations – il le sera de toute façon mais dans quelle mesure- alors c’est non seulement son influence mondiale qui pâtira mais son régime qui trémulera. Adieu « Tianxi » mais surtout adieu « Heping Jueqi » 78
Beijing découvre seulement les délices et les poisons de l’aventure mondiale. Le fait d’employer des mots à connotation raciste et xénophobe ne peut que révéler l’irresponsabilité et l’incompétence de ceux qui utilisent ce langage. En outre ils attisent les peurs et donc les potentielles conflictualités.
Mais la réponse du porte-parole chinois va beaucoup plus loin. Elle est la manifestation de leur crainte de perdre d’un seul coup tous les avantages acquis au fil des ans. Le nom des États-Unis est mentionné, et mentionné, en leur conseillant d’améliorer leur réponse à la menace du virus. Le porte-parole attaque non seulement les USA mais aussi de façon on ne peut plus obvie son président Donald Trump.
Trump ou pas, les américains ne supportent pas que l’on s’attaque ouvertement et officiellement à leur Commandant en Chef. Qui les en blâmerait d’ailleurs ? Le problème est que cette logorrhée entrainera une riposte disproportionnée, bien sûr non militaire, des USA.
Les risques
Les représailles économiques ont de nos jours des conséquences, certes différentes des actions militaires, mais pas moins importantes.
La cyberwar chinoise pourrait intervenir à tout instant. En outre, il suffit simplement à la Chine soit de procéder à une cyber attaque sur les systèmes centraux des hôpitaux soit de freiner les exportations de masques à destination des Etats-Unis. La lutte contre le Covid 19 en serait bouleversée.
Les coupes sombres dans les budgets militaires rendront l’utilisation des cyber-armes beaucoup plus tentantes.
L’emploi de la formule « to be great again » rappelle le slogan de campagne de Donald Trump. Le porte-parole chinois élève la pression d’un cran en disant que Trump essaye- c’est-à-dire : entreprend sans succès- décrédibilisant ainsi de ce fait l’action américaine à la face du monde. Mais le terme que nous retenons est « country trying ». Ne comptez pas sur les USA, ils essayent mais sans plus voire sans succès.
La diplomatie chinoise dans la crise du coronavirus s’inspire du Grand Style de Nietzsche. L’harmonisation des forces passives et actives. En ranimant le souvenir de la révolte des étudiants américains sur leurs campus durant la guerre du Vietnam, elle signale qu’il n’y a pas qu’en Chine qu’on lit les tweets irresponsables des dirigeants mais aussi aux États-Unis mêmes. La photo qui accompagne le communiqué diffusé par l’agence Xinhua est, quant à elle, révélatrice.
Elle étale des traders américains jonglant fébrilement avec leurs ordres de ventes et achats. Le message est limpide et triple. Les Américains n’auraient donc rien de mieux à faire que de jouer en bourse, malgré cela c’est la panique (allusion à une autre crise sans doute). Trump privilégie l’économie au détriment de la santé de sa population. La Chine quant à elle assumant modestement et calmement son rôle.
L’on rappellera Henry Kissinger : « Dans l’idée des Chinois, l’ordre naturel de l’univers était formé par un certain nombre d’Etats inférieurs qui se pénétraient de la culture chinoise et payaient tribut à la grandeur de la Chine. Les frontières entre la Chine et les peuples voisins étaient moins des démarcations politiques et territoriales que des différenciations culturelles. » 79
Face à des USA, affaiblis et affaiblis car les Américains et leurs alliés n’auraient plus confiance dans leur modèle, la Chine serait donc l’ultime recours. Zeus en majesté sur son Olympe!
“The origin of the virus can only be determined by science. We need to rely on scientific and professional views. We don’t hope to see anyone making an issue out of this to stigmatize other countries. With COVID-19 developing into a pandemic, the world should come together to fight it instead of leveling accusations and attacks against each other, which is not constructive at all.” 80
Lors d’une conference de presse, répondant à une question d’un journaliste américain, le porte- parole chinois abonde avec une satisfaction non dissimulée dans la polémique.
“Q: US President Trump in his televised speech today said that the virus started in China and spread to other places. What’s China’s comment?
A: China has been acting in an open, transparent and highly responsible way since the outbreak of the epidemic. United as one, we have taken the most comprehensive, rigorous and thorough measures in this all-out, people’s war against the epidemic. Such extraordinary efforts have resulted in a growing positive momentum in epidemic control across the country with important outcomes achieved for the current stage, making important contributions to the global response. China’s efforts and achievements have received wide support and acclaim from the international community.
At present, the virus has taken footholds in many places around the world and is still spreading. China will strengthen cooperation with the international community to secure an early victory against the epidemic.” 81
Enfin la phrase finale retentit fortissimo. En demandant aux USA de corriger immédiatement leurs comportements erronés et d’arrêter de salir la Chine et de la calomnier avec des accusations influentes infondées avant qu’il ne soit trop tard. Le mot important étant : immédiatement.
Ite missa est !
A ce stade, nous sommes interpellés par l’attitude chinoise. La Chine sur réagit lorsqu’elle se sent humiliée, ou lorsqu’un barbare étranger lui adresse un ultimatum. Elle est par ailleurs beaucoup trop subtile pour ignorer l’effet produit par ses propres mises en garde envers les autres. Il est tout sauf impossible que la Chine, croyant son moment venu ne veuille forcer le destin. Gageons qu’ils ont en tête ces paroles prophétiques : « Flectere si nequeo superos acheronta movebo. » « Si je ne puis fléchir les dieux alors je déclencherai la foudre. » 82
Les Chinois sont gens férus d’histoire militaire ; ils peuvent tout aussi bien agir en pensant à Otto von Bismarck : « Il faut savoir agripper les pans du manteau de l’histoire lorsque celui-ci nous fait la grâce de passer à portée de main. »
Xinhua met les points où cela fait mal pour que les choses soient parfaitement claires :
« The virus does not have a nationality. Using racist and xenophobic names to cast blame for the outbreak on other countries can only reveal politicians’ irresponsibility and incompetence. » 83
L’observateur amusé ou intrigué s’apercevra très vite que ce ne sont ni Joe Biden ni Bernie Sanders qui sont visés, mais bien le Président Trump. « The practice of some U.S. politicians to cast blame on others when problems arise is not rare. » 84
Quant au rôle modeste que Beijing revendique lisons la suite du communiqué.
«With the Chinese people’s arduous efforts, China has seen important progress in containing the disease and provided the world precious time to enhance the preparedness.
The so-called political elite in Washington, however, are not using the time well. Ever since the outbreak, they have been more interested in spreading disinformation and slandering China’s anti-epidemic efforts instead of caring about how to prepare its own country better to protect the people from the disease.” 85
N’était la catastrophe humanitaire, l’on se croirait dans un des délicieux romans à l’humour typiquement britannique de P.G Woodhouse et son personnage Mister Jeeves.
Sur le plan de la pure technique communicationnelle, la Chine rend une copie impeccable.
Les réponses américaines
La Chine a donc menti sur la nature de l’ampleur du Covid 19. Au mieux elle s’est rendue coupable de rétention d’information avec la complicité de l’OMS. Elle porte une lourde part de responsabilité. Les juristes américains peaufinent d’ores et déjà leurs class actions contre des avoirs chinois.
C’est là une arme bien connue des américains qui ont fait de l’extraterritorialité judiciaire un instrument redoutable et profondément belligène. Belligène, il l’est doublement car l’on ne menace pas Beijing comme on menace l’Iran ou l’Europe et peut-être surtout parce qu’une arme- inefficace dans le cas présent- la Chine tient tout autant les Usa que ceux – ci ne la tiennent, attire du fait de sa faiblesse, une rétaliation débarrassée de toute crainte.
Beijing et Xi-Ji Ping se réjouissent ; cela ne signifie pas pour autant que la partie est perdue d’avance pour Washington ou pour l’Europe.
D’abord parce que même en dictature, les dictateurs peuvent chuter sous la pression d’événements extérieurs qu’ils n’avaient ni vu venir ni pu circonvenir. (Colonels à Athènes, junte argentine, PC en URSS. Etc) Lorsque la crise–sanitaire–sera passée, Beijing devra répondre à un certain nombre de questions. Mais pas avant.
A bien regarder les évolutions de la mentalité des électeurs de Trump, il est à craindre que les Etats-Unis accentuent leur défiance vis à vis du reste du monde et surtout envers la Chine. Les issues d’un débat interne seront beaucoup plus contraignantes que ceux d’une politique étrangère où d’ailleurs ils ne règnent plus en maître absolu et dont ils ne veulent ni ne peuvent assumer le fardeau financier. Ce sera face aux appétits chinois une vraie source conflictuelle.
En 2013, Richard Haass avait écrit un livre remarquable : « Foreign policy begins at home ». Il ne pouvait prévoir comment l’actuel président déformerait sa pensée.
Avec la gestion – à tout le moins douteuse au départ de l’OMS- il est probable que les organisations internationales (Europe heureuse exception) subiront le feu des critiques et le poids des coupes financières. Ce sera à n’en pas douter un vrai recul.
Que l’on nous permette une comparaison triviale ; couper les vivres de l’OMS en pleine pandémie reviendrait à couper les lances d’eau des pompiers en plein incendie au motif qu’ils n’auraient pas effectué auparavant correctement leurs exercices d’alerte !
C’est là une nouvelle manifestation de la cohérence intellectuelle du Président Trump !
Pour autant un monde sans « grande stratégie » risque de devenir un monde où le multilatéralisme laisserait la place à un monde zéropôlé, source de désordres infinis.
A bien considérer les choses, il semble que la réponse chinoise soit la continuation de la définition à tout le moins originale du multilatéralisme dont nous avions entre- aperçu les prémisses à Davos en 2017.
L’on y vit en effet Xi-Ji Ping endosser devant un parterre médusé, les habits du multilatéralisme et du libre-échange.
Philippe Moreau Defarges a ainsi pu écrire dans nos colonnes : « La mondialisation n’est plus le monopole de l’Occident. » 86
Le lecteur nous permettra une simple considération. Lorsque la démocratie, ou le multilatéralisme sont malades et que la Chine vient à son chevet, c’est rarement pour les sauver. L’unilatéralisme habite la Chine qui s’habille des vêtures du multilatéralisme.
Enfin à Washington, on analysera les transformations qui relèvent de l’impéritie de Trump et qui seront susceptibles d’être gommées mais l’on tachera de discerner celles qui relèvent des tendances lourdes à savoir la montée en puissance chinoise et la perte d’influence américaine relevant d’une « fatigue impériale. »
Les USA, Obama regnante, en avaient tiré la leçon mais n’avaient en aucune façon renoncé à un leadership transformé car plus agile, plus labile. Le Leading from behind est tout sauf de l’isolationnisme.
Pour notre part nous ajoutons deux propositions qui soulignent l’hystérésis des deux principes qui gouvernent les relations internationales.
– Phobos, Kerdos, Doxa persisteront dans leur mode d’analyse de la géopolitique et demeureront les éléments moteurs de toute relation internationale.
– Washington devra toujours vérifier la fameuse proposition de Kissinger.
“What do we seek to prevent, no matter how it happens, and if necessary alone?
What do we seek to achieve, even if not supported by any multilateral effort?
What do we seek to achieve, or prevent, only if supported by an alliance?
What should we not engage in, even if urged by a multilateral group or an alliance?
And what is the nature of the values we seek to advance?
Which applications of them are absolute, and which depend in part on circumstance?” 87
Quand bien même la puissance américaine sera moins titanesque, Gulliver sera peut-être empêtré ; pour autant il ne sera pas empêché. La puissance économique américaine sera rabotée, infantilisée, paralysée mais elle devra être comparée au reste du monde, au sein duquel les pays qui comptent stratégiquement ne seront probablement pas mieux lotis. Bien au contraire, la crise handicapera au moins autant la Chine et la Russie que ses compétiteurs.
Car les moyens requis pour asseoir une politique expansionniste sont plus gourmands en énergie, ressources et capitaux que ceux nécessités pour la défense d’un ordre établi.
A moins de 6,5% de croissance annuelle, la Chine entre dans une zone de turbulences dont nul ne sait ce qui peut en sortir. Les américains et les européens n’ont pas besoin d’un seuil de croissance si élevé. Les Usa dépendent à 12% de leur commerce extérieur ; la Chine, même si elle revient de loin est à 20%. Dans un contexte de redémarrage de l’économie mondiale, pas sûr que la Chine soit gagnante.
L’on a pu écrire qu’il avait suffi aux vietnamiens de ne pas perdre une bataille pour gagner la guerre contre les Etats-Unis ; nous pourrions renverser la proposition et dire que cette fois-ci, il suffira aux américains et européens de ne pas perdre une bataille dans cette crise pour en sortir vainqueurs.
Et surtout on ne mesure pas le risque de troubles sociaux et économiques de grande envergure en Chine dus à une probable fragilité de son économie qui dépend beaucoup plus de ses exportations que les autres pays. Les Chinois ne semblent pas près de se révolter pour des raisons politiques (sauf ceux de Hong Kong) mais rien ne garantit leur apathie si l’augmentation du bien-être économique–contrepartie de leur acceptation tacite du manque de liberté, n’est plus assurée.
Un rapport chinois évalue le nombre de chômeurs chinois à la sortie de la crise à plus de 70 millions, soit un taux de chômage de 21%. Même à l’échelle chinoise c’est un chiffre colossal.
D’autant plus inquiétant que les systèmes d’assurance chômage sont faméliques. En outre nombre de ces chômeurs sont des déracinés géographiques dans leur propre pays. Le FMI estime la croissance chinoise à 1,2% en 2020. Mais la conséquence est que la promesse de Hu Jin Tao en 2010 de doubler le niveau de vie ne tient plus et qu’il devient désormais illusoire d’éradiquer la pauvreté à la date prévue.
Tous les signaux militaires chinois sont au vert mais ils l’étaient déjà auparavant. L’on ne voit pas–dans l’immédiat du moins–un des protagonistes recourir à l’arme militaire. Ils serviront tout au plus de piment dans la conversation géopolitique. Par contre il faudra faire attention aux langages et aux mots employés. Souvent les mots précèdent les conflits, ils les facilitent puis les favorisent. Le communiqué de l’Ambassadeur Chinois est suffisamment éloquent. Point n’est besoin de s’y appesantir davantage.
Lorsque Trump fanfaronne que le Covid 19 est un virus chinois de Wuhan, il a tort et il a raison. Il a raison car jusqu’à plus ample informé, ce virus ne vient ni du Luxembourg ni de la Beauce ou de la « Belle Province canadienne ». Par contre, il n’est pas nécessaire de mettre les Chinois au pied du mur, hic et nunc. Adoptons en cette occurrence, la sage conduite de Cassius : « J’y crois mais incomplètement car j’ai l’esprit dispos, et résolu à voir tous les périls avec constance. » 88
Certes Trump prend le prétexte qui est tout sauf fallacieux, que la Chine a noyauté tant l’OMS que nombre de directions générales à l’ONU. Ces organismes internationaux, OMS en tête, portent une lourde responsabilité devant l’étendue de la pandémie. Mais couper les vivres américains était une coquecigrue contre-productive.
Autant nous pensons qu’un langage, adossé à des actes de fermeté, est nécessaire lorsqu’il s’agit de la Chine et de la Russie ; autant nous ne voyons pas ce que l’on aurait à gagner en usant d’invectives malvenues à l’heure actuelle. Les gesticulations, les chaconnes et autres passacailles de Trump sont totalement contre-productives et n’impressionnent guère de monde à part son gendre et quelques fidèles zélotes rivalisant de flagornerie.
Nous nous permettons donc- en toute humilité- de rappeler aux deux bretteurs ce que Charles Maurice de Talleyrand –Périgord professait :
« La diplomatie est une salle d’armes où l’on se blesse en jouant. Tous les mots sont des épées. Il faut savoir toucher juste, manœuvrer les armes avec prudence, finesse et délicatesse. Je savais bien mon métier, mais je n’ai pas toujours touché juste. »
A défaut d’être un saint homme, l’évêque était un prince avisé !
Le tsunami économique se fera durement sentir et pendant très longtemps. Les troubles économiques qui induiront de profondes déstabilisations sociales, seront porteurs de conflits internes et internationaux. Ils risqueront de devenir de vraies menaces géopolitiques si l’on n’y prend garde.
Par contre le monde, après avoir pris conscience que l’on a laissé la Chine nager dans le grand bain mondial sans respecter aucune loi sociale, économique et maintenant nous le voyons sanitaire, prendra probablement des règlementations plus sévères à son égard et surtout recherchera une souveraineté stratégique. C’est peut-être le seul combat justifié de Trump. Caesar non Supra grammaticos !
Un vieux proverbe polonais dit que lorsque l’on joue au ping-pong, les deux joueurs doivent respecter les règles sinon ce n’est plus du ping-pong.
Que Trump ait entaché son seul combat justifié ne saurait cacher le fait que si les Américains livrent correctement ce combat, le reste du monde les suivra à la seule condition qu’ils retrouvent leurs valeurs et qu’ils assurent un vrai leadership.
“History offers no respite to countries that set aside their commitments or sense of identity in favor of a seemingly less arduous course. America – as the modern world’s decisive articulation of the human quest for freedom, and an indispensable geopolitical force for the vindication of humane values- must retain its sense of direction.
A purposeful American role will be philosophically and geopolitically imperative for the challenges of our period. Yet world order cannot be achieved by any one country acting alone. To achieve a genuine world order, its components, while maintaining their own values, need to acquire a second culture that is global, structural, and juridical- a concept of order that transcends the perspective and ideals of any one region or nation. At this moment in history, this would be a modernization of the westphalian system informed by contemporary realities.” 89
Car ne l’oublions pas, les Etats-Unis que nous avons appris à aimer à l’école et sur les plages de Normandie ne sont pas morts. Ils ont en eux les ressorts pour montrer le chemin et assumer leur rôle. Il en va de l’ordre mondial. Lisons le mail du Président de l’Université Harvard:
“COVID-19 will test our capacities to be kind and generous, and to see beyond ourselves and our own interests.” “Our task now is to bring the best of who we are and what we do to a world that is more complex and more confused than any of us would like it to be.” 90
La diplomatie du masque est une diplomatie émotionnelle. La Chine s’apercevra que les Etats, passé le danger, sont ingrats et volatiles. L’ombre portée de Lafcadio ne hante pas que les caves du Vatican. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois dans l’histoire.
Il fût une époque- heureuse- où Israël, avec les moyens limités dont il disposait, aidait considérablement les Etats africains. Golda Meir- bien avant Netanyahu- et dont l’immense stature morale n’avait rien de commun avec son lointain successeur corrompu et désormais officiellement accusé, y avait établi de vraies relations basées sur des communautés de destin, de souffrance et de confiance.
Mais après la guerre du Kippour, ces liens si patiemment et si intelligemment tissés, ne résistèrent pas aux réalités du terrain.
Passé et oublié les dangers les plus forts, il n’est pas sûr que Beijing puisse capitaliser inconditionnellement sur sa diplomatie du masque.
La Chine avait donc devant elle une fenêtre d’opportunité comme cela fut rarement le cas depuis 1918. C’était son kairos ; son hubris l’a phagocyté. Il ne tenait qu’à elle que cela ne devienne pas son apoptose, ?????????.
Le contexte géopolitique lui était pourtant assez favorable. Des Usa frappés d’amnésie quant à leur rôle et leur mission, des américains – parfois racialistes -recroquevillés dans leurs peurs d’être dépassés et déclassés voire surclassés ; un Japon nationaliste mais dénataliste et ne sachant plus lire sa boussole, une Inde dont l’hyper nationalisme se mâtinera de prudence vis- à vis d’elle ( encore que le scénario inverse peut tout aussi bien advenir), une Europe dont elle pense diviser à son profit les pays et en tout cas pas encore vraiment intéressée par la chose militaire.
Enfin last but not least une Russie voisine ayant cruellement besoin d’elle pour lui vendre – à vil prix- son énergie et de nouveau suffisamment forte pour chercher costille aux Usa et à l’Europe ; une Russie assez puissante pour l’épauler dans certaines régions du monde et lui servir de bras séculier sur le plan militaire dans certaines régions mais néanmoins trop faible pour s’opposer frontalement à elle ; un Moyen-Orient qui ne demande qu’à lui vendre d’abord son pétrole puis son âme , enfin un Iran trop reconnaissant de bien vouloir contourner les sanctions américaines. Last but not least 54 pays africains qui sont les nouvelles marches de l’Empire Chinois. Et pourtant un grain de sable- ayant pour nom Covid 19- risque de soulever le « dragon jaune » en Chine.
L’histoire nous a appris que même les plans les plus sophistiqués peuvent se gripper.
La Chine semble, trop sure d’elle-même ; oublier de remercier Trump, grave erreur, ce sont des choses qu’il n’oublie pas.
La présidence Trump, outre son côté brouillon relève non seulement l’unilatéralisme mais elle accentue l’effacement du rôle joué par son pays. Certes l ’on se rappellera George Washington:
«The great rule of conduct for us in regard to foreign nations is in extending our commercial relations, to have with them as little political connection as possible. So far as we have already formed engagements, let them be fulfilled with perfect good faith. Here let us stop. Europe has a set of primary interests which to us have none; or a very remote relation. Hence she must be engaged in frequent controversies, the causes of which are essentially foreign to our concerns. Hence, therefore, it must be unwise in us to implicate ourselves by artificial ties in the ordinary vicissitudes of her politics, or the ordinary combinations and collisions of her friendships or enmities.” 91
Sauf que le contexte n’est plus du tout le même. Mais surtout quelle différence avec son prédécesseur. Obama se prévalait d’une position de force pour exercer un leadership mondial. Pour autant, dans son superbe discours prononcé à Pékin au sommet de l’APEC, il décrit ainsi sa lutte qu’il mène contre Ebola- de concert- avec la Chine. Depuis 1945, les USA avaient toujours mené en tête–mais pas isolément–tous les combats.
Avec le coronavirus, pour la première fois, ce n’est plus le cas. C’est un signe et un avertissement.
Nulle trace d’isolationnisme alors parce qu’Obama avait compris, et les Américains revendiquaient fièrement leur place de leader. Qu’on en juge.
“Now the last time I addressed this CEO summit was three years ago. Today, I’ve come back at a moment when, around the world, the United States is leading from a position of strength. This year, of course, has seen its share of turmoil and uncertainty. But whether it’s our fight to degrade and destroy the terrorist network known as ISIL, or to contain and combat the Ebola epidemic in West Africa, the one constant –- the one global necessity –- is and has been American leadership.”
“We compete for business, but we also seek to cooperate on a broad range of shared challenges and shared opportunities. Whether it’s stopping the spread of Ebola, or preventing nuclear — preventing nuclear proliferation, or deepening our clean energy partnership, combating climate change, a leadership role that, as the world’s two largest economies and two largest carbon emitters, we have a special responsibility to embrace.” 92
Le leadership américain, désormais entamé et abîmé par le slogan « America First », hérité des nazis américains- on ne le rappellera jamais assez- a mis en lumière l’impréparation américaine à tous les niveaux. Comment va-t-il pouvoir continuer à inspirer une politique s’il devient si imprévisible, si bâclé, si faible ?
Plus grave, la République impériale américaine ne veut plus ou ne peut plus exercer de leadership mondial. Or l’absence de leadership américain pose déjà problème en temps normal. En temps de crise, face à une Europe désarmée et un axe sino-russe, c’est potentiellement un désastre sismique.
Les USA se remettront, tant bien que mal, de leur récession. Ils n‘ont plus de dessein impérial. Et lorsque les USA veulent imprimer leur marque, ils le font mal à propos et avec des succès à tout le moins mitigés. Les Usa visiblement ne sont pas près d’accepter de ne plus faire leur une devise des Habsbourg : AEIOU Austriae est imperare orbi universo (La destinée de l’Autriche est de diriger le monde entier.
Tout autant que la diminution de la richesse américaine à la sortie de la crise, ce qui nous préoccupe, c’est la faiblesse américaine qui résultera de sa division profonde. Henry Kissinger disait récemment que l’on ne fait pas la guerre si sa population est contre. Il avait comme principe, surtout si c’est lui qui dirigeait la diplomatie américaine, de dire qu’une politique étrangère doit être bipartisane.
Pour la première fois aussi, les Usa répandent dans le monde le souffle de l’échec et d’un échec plus grand que celui des principaux acteurs. Cela fait beaucoup pour avoir claironné « make a great america. »
Pour la première fois au sortir de la crise, la nation américaine sortira profondément divisée. Trump en est le principal responsable mais pas le seul.
Varron, observateur de la vie politique à Rome « critiquait Caius Gracchus lui reprochant d’avoir fait de la Cité « un monstre à deux têtes. Bicipitem civitatem fecit. » 93
Ecoutons à ce sujet Nicole Bacharan :
« En dépit des rodomontades présidentielles, l’influence de l’Amérique recule chaque jour. Plus important peut-être, la plus vieille démocratie du monde a perdu toute légitimité morale pour faire pression sur les dictateurs et sur ceux qui bafouent les règles de l’ordre international. Comment le président américain pourrait-il exercer cette autorité, lui qui préfère féliciter Jair Bolsonaro au Brésil et Rodrigo Duterte aux Philippines pour leurs méthodes musclées, lui qui détourne le regard quand l’Inde coupe le Cachemire du monde extérieur, quand la Chine enferme les musulmans dans des camps où menacent les manifestants de Hong-Kong ? » « … Ainsi l’Amérique se désengage, n’inspire plus ni le respect et ni même la crainte, et laisse le champ libre à la Russie qui acquiert une capacité de nuisance disproportionnée par rapport à sa puissance démographique, économique ou militaire. Le président américain va même jusqu’à offrir à Vladimir Poutine le cadeau dont celui-ci ne faisait que rêver : la division et l’affaiblissement de l’Alliance atlantique. » 94
Aujourd’hui et sous la présidence de Trump, les réponses américaines, sont passives, désordonnées et contradictoires. L’Histoire s’écrit sur un palimpseste. Elle évolue, se corrige et parfois sa calligraphie accouche là où on ne l’attendait plus.
Car n’en déplaise aux effondristes, il n’est nul par énoncé dans les saintes écritures que le multilatéralisme ne reviendra pas. La puissance qui sera capable d’incorporer une dose de multilatéralisme dans sa politique étrangère se donnera les moyens de jouer un rôle majeur dans le monde. Plus le monde sera multipolaire, et il le sera de plus en plus, plus le multilatéralisme , même complexifié, sera de nouveau nécessaire.
Or depuis 1945 le multilatéralisme a été le vecteur de la puissance américaine. Trump a beau vouloir abattre méthodiquement son mur, les institutions, les administrations, les décideurs ne l’ont pas encore jetée aux orties.
Il est tout sauf sûr que la diplomatie chinoise–même « masquée » triomphe de la puissance militaire américaine et de son soft power. Même si le système de santé américain souffre de lacunes abyssales et de graves dysfonctionnements structurels (surtout si on le compare au système européen ou français), il vaut mieux en effet être soigné au fin fond de l’Arizona qu’à Beijing. Lorsque la crise sera passée, les systèmes de santé seront un des éléments majeurs de la géopolitique.
Trump a beau, tel un gamin gâté, mal élevé, et fruste (surtout) donner des coups de pied dans la démocratie américaine, celle-ci signifie encore quelque chose. Et surtout les USA restent et resteront pour longtemps le seul pays au monde à maîtriser la totalité de quatre éléments essentiels :
– le killing box
– le Peace making
– le Peace Keeping
– la maîtrise des Global Commons
Au lieu de coopérer avec la Chine, les USA pratiquent–quand bien même ils n’ont pas tort sur le fond–une mauvaise politique. Name, blame and shame ne sont surement pas les meilleures armes- en tout cas à ce stade- pour obtenir la coopération chinoise.
La Chine dans cette quête de conquête et de reconnaissance est lestée de gros handicaps. D’abord, l’Europe et les USA devront sans cesse marteler que des régimes libéraux, Taiwan, Hong Kong, Singapour Corée du Sud et Japon (même si l’on craint une rechute) ont bien mieux réussi.
En cette dramatique affaire tâchons de retenir quelques leçons non pas sur le plan intérieur mais au niveau mondial.
Les Etats ont tous commis la même erreur. Ils ont tous pris des mesures unilatérales d’enfermement, d’unilatéralisme et d’exclusion. Les pandémies sont un fléau mondial. Ce fléau se moque, se rit et se joue des frontières. Fermer des régions peut se concevoir, voire provisoirement des frontières. Pour autant les virus n’ont jamais eu besoin d’un Ausweis pour semer la mort.
Dans un maître livre, Élie Baranets explique que les démocraties peuvent gagner les guerres à la seule condition de ne pas celer la vérité, les buts de guerre et de garder leur caractère démocratique. 95
Camus disait mal nommer les choses c’est ajouter au désordre du monde. Messieurs Xi-Ji Ping et Trump feraient bien de s’en inspirer. Lorsque la Chine nous informe que le virus aurait été introduit en Chine par une équipe sportive militaire américaine, elle traduit aussi – ce que l’on oublie trop souvent-un sentiment de peur et cherche à remobiliser sa propre population.
Le point intéressant dans cette fake news est que ce mensonge éhonté est parti d’un site web conspirationniste aligné sur le Kremlin. Cela montre, s’il en était besoin, la connivence sino-russe. On reprend allègrement –et sans honte aucune – la vieille technique de désinformation utilisée par les soviétiques à la belle époque de la Guerre Froide avec le Global Times of India.
Covid 19 modifie profondément la technique de communication chinoise. Auparavant son axe était essentiellement limité à un langage défensif vantant le système chinois. Désormais, avec le Covid 19, ou peut-être parce que la gestion de la pandémie lui échappe et la rend anxieuse, la Chine copie la technique russe de désinformation, agressive et mensongère, contre des tiers parfaitement ciblés.
Il y a là un changement d’échelle préoccupant. Ce qui est certain, c’est que la crise du coronavirus rendra de façon permanente sa communication beaucoup plus agressive.
Ce mouvement s’opère à deux niveaux :
– vis-à-vis de l’étranger
– mais signe de troubles sociaux grandissants comme le moyen de montrer que le PCC lutte pour défendre la fierté nationale en n’hésitant pas à se servir de faux tweets, où l’on emploie des termes à connotation raciste contre la Chine, à seule fin de mobiliser les chinois dans l’amour de la patrie affublée de clichés racistes. C’est là une technique que les bolchéviques avaient parfaitement utilisée avec la Rodina contre les nazis.
A la différence près que les nazis usaient réellement de clichés racistes.
Xi-Ji Ping veut à tout prix éviter l’exemple romain où à mesure que Rome devenait puissante et ne connaissait plus de menaces externes, éprouvait des tensions internes de plus en plus fortes.
Cette politique chinoise que l’on peut qualifier, sans guère prendre de risques- de sino-russe s’inscrit dans le temps. Les cibles visées sont principalement les USA et accessoirement l’Europe ; la Russie ajustant en cette affaire plus précisément l’Europe. RT, site de désinformation bien connu, est évidemment à la manœuvre.
La liberté de la presse est notre bien commun. Dans une « guerre » ou l’ennemi vient se greffer insidieusement, sournoisement, il faudra être capable de « name, blame and shame » ce type de dispenseur de fake news et d’éviter de le citer.
Même si la Chine sort vainqueur sur le plan géopolitique, ce qui est beaucoup moins sûr aujourd’hui qu’au début de la propagation de cette pandémie, elle en paiera un prix fort. Nous tenons à préciser qu’il ne s’agit en aucun cas d’un jugement de valeurs, bien au contraire. Juste une esquisse de ce que risque d’être au sortir de la crise la future Verhaltnisse telle que définie par Clausewitz.
L’âge d’or chinois, apparu grâce aux trous dans la raquette de la mondialisation semble révolu. Certes il se fissurait et se lézardait déjà, le reste du monde finissant par être agacé que le même joueur s’affranchisse impunément et allègrement des règles communes. Les exportations chinoises seront désormais moins arrogantes et l’économie chinoise moins triomphante. Cela n’ira pas sans tensions sociales en Chine. Ce qui à son tour aura des répercussions géopolitiques.
Mais ne nous leurrons pas, la Chine continuera d’être le premier exportateur mondial.
Rien ne dit que son pouvoir central restera inerte. Le syndrome Gorbatchev a vacciné le PC chinois. Ses anti- corps semblent résistants Cela peut paradoxalement se traduire par une politique plus agressive dans son étranger proche. Ce risque, sans être l’hypothèse la plus plausible, ne peut être complètement écarté. C’est dans les moments où les empires tremblent que leurs comportements erratiques deviennent moins maîtrisables.
On ne brisera pas impunément les chaines de production. Un découplage de l’économie chinoise avec le reste du monde ne sera pas sans conséquences.
La gestion de l’après.
La tentation sera forte de stigmatiser le comportement chinois. Si l’on peut comprendre l’ire des peuples et les intérêts des gouvernements, nous leur adressons une mise en garde : n’ostracisez surtout pas la Chine. Vous n’auriez rien à y gagner.
Agiter la muleta devant le taureau le rendra encore plus agressif, encore plus irrationnel voire encore plus fou et empêchera de tirer les leçons utiles lors de la gestion d’une future pandémie qui surgira inévitablement.
Ne pas ostraciser ne signifie pas rester inerte ou ne pas se défendre. Il faudra tout au contraire inventer une vraie réponse de fermeté mais qui laissera la porte ouverte à la coopération là où elle demeurera possible et fructueuse.
Souvenir de nos versions latines, nous exhortons donc – à nouveau en toute humilité- Donald Trump de s’imprégner de la conduite suivante :
« En prenant toutes ces mesures je m’arrangerai pour que les plus grands résultats soient acquis avec le moindre bouleversement, les périls suprêmes conjurés sans levée en masse, une guerre civile et domestique la plus cruelle et la plus terrible qui fût de mémoire d’homme, réglée par ma seule initiative, celle d’un chef et d’un général qui n’aura pas même déposé la toge. »
« Atque haec omnia sic argentur ut maximae res minimo motu, pericula summa nullo tumultu, bellum intestinum ac domesticum post hominum memoriam crudelissimum et maximum me uno togato duce et imperatore sedetur. » 96
Henry Kissinger orfèvre en la matière s’il en est, tenait que : « Le terme le plus exact pour définir les rapports sino-américains n’est pas tant partenaire que « co-évolution ». Cette notion signifie que les deux pays répondent à leurs impératifs intérieurs, coopérant là où ils en ont la possibilité, et adaptent leurs relations pour minimiser le conflit. Aucun n’avalise tous les buts de l’autre et aucun ne pose l’identité totale des intérêts, mais les deux parties s’efforcent d’identifier et de mettre en œuvre des intérêts complémentaires. » 97
Le monde va-t-il changer après la sortie de crise ? Héraclite n’affirmait-il pas : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » Nous engageons donc les dirigeants américains et chinois à coopérer quand bien même insérer ou plutôt réinsérer la Chine risque de rendre le mythe de Sisyphe au niveau d’une simple galéjade.
Nous tenons à saluer et remercier la formidable intervention du Président Macron. Il a en effet parfaitement compris la fulmination africaine. L’intelligence de Macron égale en cette occurrence, son courage. Du courage, il fallait en avoir effectivement pour parler de ce qui ne préoccupe pas vraiment la majorité des français et de proposer une annulation de la dette alors que les Français sont inquiets- à juste titre- de leur avenir.
A ce sujet, nombre d’observateurs occidentaux sont loin de partager la courageuse et intelligente vision de Macron pour une annulation et non pas un moratoire de la dette africaine au motif que cela serait mécaniquement un cadeau à la Chine.
L’Afrique subira inévitablement la triple peine : sanitaire, économique et géopolitique.
Nous pourrions même ajouter une quatrième peine : la colonisation chinoise. Il est vrai que la première tentative chinoise en Afrique remonte au début du XVème siècle avec l’armada de l’amiral Zheng He.
Les explosions et déstabilisations sociales fragiliseront le continent. Ce n’est pas une, mais dix opérations Barkhane qui seront nécessaires.
Tout aussi préoccupant sera la baisse des budgets militaires dans un monde où les menaces seront peut-être plus fortes qu’auparavant. Au sortir de la crise, les budgets sociaux et les besoins économiques seront colossaux. Ils se feront bien entendu au détriment des budgets militaires.
L’année 2019 fut une année record depuis 30 ans; le budget militaire américain s’élevait à 732 milliards de dollars, celui de la Chine- désormais deuxième budget au monde est de 180 milliards de dollars. Mais en fait, pour différentes raisons, il représente beaucoup plus que cela.
– Nombre de programmes militaires sont imputés sur d’autres postes
– coût de fabrication moins élevés
– opacité des chiffres
– et surtout le budget de fonctionnement et personnel est beaucoup moins élevé que dans les armées occidentales.
Cette course aux armements, son maintien ou sa baisse, constituera le ferment d’une insécurité.
Toujours dans ce domaine, il y a fort à parier que le problème du seuil des 2% au sein de l’OTAN va générer un divorce encore plus profond entre les USA et l’Europe.
Cumulée à cette problématique, nous verrons l’effet de la baisse vertigineuse du prix du baril.
La Chine ne baissera probablement pas ses dépenses militaires bien au contraire, et la baisse des hydrocarbures ne peut qu’alléger ses dépenses.
L’Europe aura sa part de fardeau peut-être pas la plus importante quantitativement, mais le symbole européen sera le plus éclatant. La pandémie nous aura fait prendre conscience de l’impérieuse nécessité de l’union. Condition apodictique à davantage de solidarité Européenne.
Dans un premier temps, il est vraisemblable que des compétences sanitaires, jusque-là nationales, seront transférées au niveau européen. Ursula von der Leyen a déjà émis l’idée d’une européanisation des achats sanitaires.
Dans un deuxième temps, nous verrons se multiplier des espaces plus nombreux de politique étrangère commune. Les clauses passerelles seront plus fréquentes, mieux acceptées et mieux vécues.
Macron est un des rares avec Angela Merkel à parler de souveraineté stratégique européenne. L’on entend parler partout de réarmer les souverainetés nationales, de démondialisation, de nouveaux modes de consommation. Tout cela est bel et bon, mais rien de tout cela ne se fera véritablement en profondeur.
Souveraineté européenne ! Oui enfin ! Souverainetés nationales non !
Souveraineté européenne oui car elle est possible et nécessaire. Souverainetés nationales, non car ce sont des chimères dont les réalisations entraineraient dans leur sillage chômage, régression et conflits.
Certes les changements que nous apercevions dans ces domaines s’accéléreront, il y aura peut-être quelques idées nouvelles. Répétons à nouveau que l’on souhaitera créer des champions européens de taille mondiale, mais que la sacro-sainte politique de la concurrence, avait commencé à se fissurer. Parmi ces champions, l’Europe va précipiter la création d’un Airbus européen des batteries. Ce sera une des conséquences du Covid 19 !
Tout l’art de la politique consiste à accélérer ou freiner au bon moment les nouvelles tendances.
Les sirènes hurlantes, assourdissantes et donc aveuglantes de l’ultralibéralisme avaient déjà commencé à lasser acteurs et spectateurs, leur vacarme se fera désormais entendre mezzo vocce. Il ne disparaîtra pas. Il se laissera amadouer dans un premier temps par les ballets keynésiens d’une social-démocratie revigorée. L’État-providence se rappellera, hélas trop tard, à nos jours heureux.
Citons le superbe poème de Victor Hugo :
« Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu’elle était belle
Qu’en sortant des grands bois sourds.
» Soit ; n’y pensons plus ! » dit-elle.
Depuis, j’y pense toujours. » 98
Il en ira ainsi des dettes mondiales. Y penser toujours, en parler peut-être, les rembourser jamais !
Angela est peut-être, et de très loin, la seule vraie vainqueure de cette crise, en ce sens qu’elle émerge, une fois de plus, au plan moral, en terme de puissance la moins abîmée, tant en termes de pouvoir interne qu’international. Elle a d’ailleurs su tout de suite trouver les mots pour dire qu’on ne laisserait tomber personne. 99
Mais peut-être surtout ce n’est pas Angela Merkel qui sortira toute seule triomphante c’est l’Allemagne et l’Allemagne avec l’Europe. Saluons sa performance. Angela a tenu bon dans cette crise. Grâce à elle, et au couple franco-allemand qui ne s’était jamais vraiment délité, l’Europe a tenu bon. Pour juger d’un évènement, il faut toujours le contextualiser.
Que de chemin parcouru depuis le préambule « chapeau » adopté par le Bundestag après le Traité de l’Elysée. L’on se rappellera utilement la réaction courroucée du général de Gaulle lors du Conseil des Ministres : « Je ne vous le cacherai pas. Déçu par le préambule qu’a imposé le Bundestag. Déçu par la mécanique de la coopération franco-allemande…Si le traité allemand n’était pas appliqué, ce ne serait pas le premier dans l’histoire… » « Ils se conduisent comme des cochons. » 100
Que l’on me permette un remerciement à la Chancelière.
Frau Bundeskanzlerin, ich begrusse und beglückwunsche Sie von ganzem Herz.Viel Glück.
Angela est effectivement la plus solide, probablement au monde, mais elle n’en reste pas moins fragilisée dans sa gestion du Covid 19. L’Allemagne dépend en Europe plus que tout autre des exportations ; la part des exportations allemandes vers la Chine est chaque année plus grande. Cela complique sa tâche.
La part des exportations allemandes vers la Chine est de 7,1% contre 8% vers la France en 2018. La Chine est devenue son premier fournisseur avec 9,8%. 101
D’autre part même si la Chancelière a déclaré à propos des Américains : « L’époque où nous pouvions entièrement compter les uns sur les autres est quasiment révolue. C’est mon expérience de ces derniers jours », 102
Sa position reste ambigüe et entravée compte tenu du passé allemand.
Reprenons à cet égard le jugement que Dominique Moïsi porte sur la Chancelière dans son livre lumineux et formidablement humaniste : Leçons de Lumières « Avec le recul du temps, Angela Merkel restera aux yeux de l’Histoire comme la dirigeante politique européenne qui a fait de son pays la première puissance morale du continent, tout en lui conservant son statut de première puissance économique. » 103
La crise du Covid 19 n’aura fait que confirmer la sage préscience de Barak Obama qui lui « confia le sort du monde » dans son voyage d’adieu.
Cometh the hour, cometh the man ! 104
N’en déplaise à Trump, sa cote de popularité en Allemagne est impressionnante.
Nous ne résistons pas au plaisir gourmet de rappeler le portrait que traçait Salluste à propos de Caton. Il nous semble convenir en tout points à Angela Merkel.
« Caton avait le goût de la modération, du devoir, mais surtout de l’austérité ; il luttait, non en richesses avec les riches, non en intrigues avec les intrigants, mais en courage avec les braves, en retenue avec les modestes, en intégrité avec les purs ; il préférait être honnête que le paraître ; ainsi moins il aspirait à la gloire, plus elle venait à sa suite. » « Catoni studium modestiae, decoris, sed maxume severitatis erat ; non divitis cum divite neque factione cum factioso, sed cum strenuo virtute, cum modesto pudore, cum innocente abstinentia certabat ; esse quam videri bonus malebat ; ita, quo minus petebat gloriam, eo magis illum adsequebatur. » 105
Que les souverainistes acharnés nous permettent une remarque dont nous goûtons l’ironie. Ces mêmes souverainistes acharnés critiquent l’insuccès ou l’échec des luttes contre la pandémie. Mais cet échec n’est que le résultat de la non européanisation des politiques sanitaires. Si l’Europe n’avait pas été là, nous aurions tous été balayés. Allemagne comprise !
L’idée d’une mutualisation de la dette, en tout cas, pour des investissements futurs fait aussi son chemin. L’Allemagne regagne l’influence qu’elle avait perdue récemment.
Ce regain d’influence, l’Allemagne le doit aussi parce que son modèle de social-démocratie chrétienne fortement mâtinée de libéralisme économique et de rigueur budgétaire a fait ses preuves.
Ni libéral, ni étatiste, le système allemand a administré l’excellence de son modèle.
Nous pourrions presque dire c’est la victoire du fédéralisme et aussi osons le mot la victoire d’une société fortement « désidéologisée » grâce à son besoin de consensus.
Une Allemagne forte et ayant compris qu’il est de son intérêt de faire montre de davantage de solidarité avec les pays dits du Sud participera avec la France à un nouvel approfondissement européen. Et là aussi le couple d’une France « étatique » complète parfaitement l’expérience germanique.
L’on a daubé ad nauseam sur l’évanouissement de l’Europe, son délitement, son éclatement sur son côté fantomatique et sur le serpent de mer qu’est la fin du couple franco-allemand comme moteur de l’Europe. Laissons ces calembredaines à ceux qui, au fond d’eux-mêmes s’en réjouissent. Le virus Covid 19 aura au bout du compte été le meilleur antidote à la fortification de ce lien. Rien ne pourra se faire sans lui et c’est heureux comme cela !
Nous prions bien humblement nos lecteurs de n’y voir aucune arrogance ou prurit nationaliste. Loin de nous cette idée. Cette réflexion est la simple constatation adamantine de la réalité géographique, économique et historique. Konrad Adenauer et de Gaulle, eux, ne s’y étaient point trompés.
Que cela plaise ou non la contrepartie de la solidarité allemande sera que les pays du Sud et la France s’inspirent aussi du paradigme germanique. Cette reconnaissance constituera une vraie novation stratégique dont Covid 19 nous aura fait prendre conscience. En ce bas monde, il n’y a pas –heureusement ou malheureusement- de repas gratuit !
Mais cette reconnaissance est la parfaite symétrie du glissement de mentalité au sein de la population allemande qui est désormais acquise à l’idée de mutualisation.
Si nous n’en sommes pas encore à la mutualisation de la dette, nous y songeons et même l’Allemagne, après avoir renoncé à sa sacro-sainte orthodoxie financière, renonce aux conditions strictes du MES pour aider les pays en difficulté sans leur imposer la totalité des contreparties liées.
Covid 19 sera le père putatif d’une Europe à deux vitesses qui comprendra bien sûr les six membres fondateurs plus l’Espagne et ceux qui voudront accepter les règles de cette formidable aventure.
Ce sera là aussi une superbe et heureuse conséquence du Covid 19. Quand bien même nous nous serions volontiers passés de ce prix à payer. De cette aventure nous sommes fiers d’en être les citoyens.
Ce sera la nouvelle donnée de l’Europe. Désormais plus forte, Angela Merkel aura les moyens d’imposer, de hâter et faire diligence avec la France, des avancées institutionnelles.
Il n’est pas impossible que les Européens et notamment l’Allemagne appuient davantage les forces françaises. Ce qui reconnaissons-le serait un formidable changement stratégique.
A cet égard, nous ne résistons pas au plaisir de rapporter le savoureux jugement, pertinent et acidulé à souhait, d’Alain Minc à propos du couple franco-allemand. L’Europe sans la France est une Europe qui fait peur ; L’Europe sans l’Allemagne est une Europe qui prête à sourire.
Autre vrai changement stratégique au niveau de la vie politique européenne ; la population allemande réalise qu’il est de l’intérêt même de l’Allemagne de mieux comprendre les mentalités et besoins des pays de l’Europe du Sud. La crise nous aura permis de redécouvrir un vrai vouloir vivre européen. Rendons également grâce à Angela Merkel de cette évolution. Cessons de nous complaire avec les fake news émanant de certaines puissances étrangères et que les succès européens troublent, agacent et perturbent dans leurs certitudes ou dans leurs rêves d’expansion.
Philippe Moreau Defarges dépeint le danger qui nous guette : « En ces années 2000, tant le défi méditerranéo-africain que le réveil de la Chine éloignent les deux rives de l’Atlantique. Peut-être les démocraties ne s’affrontent-elles pas militairement, mais elles peuvent aisément ne plus se sentir solidaires. » 106
Covid 19 aura montré le divorce grandissant entre les deux cousins de l’Atlantique, mais la faute en incombe au locataire de la Maison-Blanche. Par contre l’Europe a su garder son unité, et renforcer in fine sa solidarité dans la pire épreuve qu’elle a traversée depuis sa création. Rendons-lui grâce d’avoir mobilisé les plus grosses sommes de son histoire.
L’Europe a dès le début de ce qui n’était encore qu’une épidémie fait montre de solidarité européenne-osons le mot exceptionnelle- certes après un retard à l’allumage. Nous avons expédié par avion-cargo entiers du matériel médical à la Chine et ce dès le début. Nous avons fait montre de solidarité envers l’Italie. Il est plus que temps de rétablir les faits.
Mais, encore une fois, nous voulons ici saluer la formidable solidarité européenne et Angéla Merkel, qui une fois de plus a accepté d’aider à travers le MES différents pays en laissant tomber les conditions de la mise sous tutelle. Nous parlons ici de plus de un milliard cinq cent millions d’euros sous divers instruments ! L’Europe met en place une quasi mutualisation. Elle rebondira comme à son habitude. Bien entendu la route sera longue, difficultueuse et hasardeuse avant d’en récolter les fruits.
Ursula von der Leyen n’a pas hésité non plus à rompre avec le droit européen-sacré- de la concurrence. Elle a autorisé les Etats à voler au secours de leurs entreprises sans en référer préalablement à Bruxelles. Elle suspend également- provisoirement espérons-le- le pacte de stabilité qui limite le droit aux déficits nationaux. Depuis le début de la crise, la Commission a adopté plus de 160 décisions et plus de 60 réglementations.
Avec la progression de l’idée de mutualisation de la dette, c’est enfin la porte ouverte à plus d’intégration mais aussi plus de solidarité. Il s’agit là d’une véritable révolution.
Une vraie politique d’aménagement du territoire qui bien sûr existait déjà. Bien sûr les pays dits « frugaux » mèneront des escarmouches. Ce ne seront là finalement que chamailleries d’arrière- garde. Que l’on se rappelle la loi de péréquation en France des villes avec les logements sociaux. A l’intérieur d’un même pays on a vu, ça et là, des freins de plus ou moins grande ampleur.
La doctrine de la concurrence subira quant à elle une transformation de grande étendue, mais encore une fois le changement avait largement commencé. Il est aussi vraisemblable que l’on aménagera les critères de Maastricht. Mais le volume des dettes s’étant tellement envolé qu’il imposait son évidence.
La simple évocation d’émettre une dette commune pour des investissements soulevait des cris d’orfraie chez les allemands, hollandais, autrichiens etc ; désormais elle n’engendre plus que des questions de technique juridico-économique.
Je ne laisserai donc pas dire que, nous Européens, ayons à rougir–à quelques kappi près–de nos actions. Certes quelques errements nauséabonds se sont fait jour. Ils ont vite été l’objet d’excuses. N’en déplaise au Ministre batave des Affaires Etrangères. Mais ces mêmes errements se sont aussi produits à l’intérieur même des Etats entre leurs régions. Il est au contraire remarquable que l’Europe ne se soit pas laissé davantage aller à de tels excès. Les mêmes qui engoncés dans leur schadenfreunde prédisaient l’éclatement de l’Europe avec la crise grecque puis la crise des migrants s’en donnent à cœur joie avec cette pandémie.
Ne vous en déplaise, Messieurs les collapsologues, effondristes et eurosceptiques de tout poils, l’Europe sortira renforcée. Nous appelons de nos vœux, à une initiative franco-allemande qui sortira obligatoirement de ce maelstrom. Ce qui est sûr, c’est que nous Européens saurons trouver des réponses communes.
Covid 19 constitue déjà une amorce. Cette crise, en nous mettant face au danger, nous met aussi face à nos responsabilités. La solidarité, notre solidarité, s’impose à nous beaucoup plus fortement que lors des précédentes crises. Covid 19 est notre malheur, il est aussi ce qui nous pousse à nous surpasser.
Parmi ses effets positifs, il participe – pour la première fois aussi nettement- à l’émergence d’une opinion publique européenne. The Economist relate ainsi que nombre de leaders européens écrivent et lancent des appels dans des journaux qui ne sont pas ceux de leurs pays respectifs. Giuseppe Conte au De Telegraaf néerlandais pour lui dire : « Mark, help us now » ; Pedro Sanchez dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, Macron au Financial Times etc.
The Economist résume parfaitement le mouvement européen en reprenant les propos d’un des artisans de l’unité italienne, Massimo d’Azeglio : « We have made Italy ; now we must make Italians. »
Et le journal britannique de conclure: « If European leaders want to alter European public opinion, they must first create some kind of pan-European conversation.”
This time, the strategy has a better chance. Politicians in southern Europe have found a more sympathetic audience in foreign media than previously. A pandemic comes without the moral baggage of the euro crisis. The German press, which once reveled in caricatures of inflation-addicted Italians and siesta-taking Spaniards, has been more open to the ideas for getting out of the economic crisis put forward by their southern cousins. Both Der Spiegel, a centre-left news weekly, and Süddeutsche Zeitung have written in favour of some form of mutualised debt, which is a no-no for much of the German establishment and the Holy Grail for southern Europe. A genuinely European political debate is emerging. » 107
Cette crise ne mettra pas à bas les fondements libéraux de l’Europe, elle jettera simplement aux orties les aspects les plus brutaux de l’ultralibéralisme. Reconnaissons cependant que le balancier avait largement entamé son mouvement. Nous devrons impérativement aussi essayer de retisser un lien équilibré avec les États-Unis. Certes tant que le locataire actuel de la Maison-Blanche demeurera 1600 Pennsylvania Avenue, cela restera problématique.
Risquons-nous à trois pronostics.
Non l’ère de la mondialisation n’est pas révolue. Et elle n’est pas révolue car elle demeure un fantastique véhicule à produire du progrès. Que tout le monde n’en bénéficie pas de la même manière, personne ne le nie. S’il y a changements, ils devront bénéficier en premier lieu aux laissés pour compte de la mondialisation.
Le temps de la mondialisation n’est pas révolu car pour employer une délicieuse formule de Winston Churchill interrogé s’il voyait une différence entre la première fois où il vit les chutes du Niagara et aujourd’hui : « Ma foi, le principe me semble toujours le même. L’eau dégringole toujours. »
On s’attaquera aux excès qui concernent essentiellement les activités chinoises. Jusqu’à plus ample informé, nous n’avons pas eu à nous plaindre exagérément des effets délétères du Luxembourg, du Vietnam, du Chili, ou du Sénégal. D’une façon ou d’une autre, nous reviendrons à un multilatéralisme car les USA s’apercevront qu’ils ne peuvent conserver leur rôle et leur hégémonie que dans ce cadre.
Ce qui-hélas- changera ce sera l’incrustation durable des sentiments de peur, d’angoisse, de haine, d’exclusion, d’ostracisme. Le nationalisme, le populisme et le souverainisme feront des ravages. Dans le charroi de ces idées délétères, on trouvera –hélas- et une fois de plus le retour du fait religieux avec tout son cortège de malheurs qu’il portait au fil des siècles en lui au niveau politique et non personnel.
Cette réapparition du religieux se manifeste comme à l’accoutumée. L’on a ainsi vu fleurir des informations comme quoi ce virus serait dû aux impérialistes américains, aux sionistes, aux juifs, aux sunnites, aux musulmans etc. Les sondages établis en Grande-Bretagne sont à cet égard terrifiants. Terrifiants mais peut-être pas si surprenants. Rappelons-nous le Président Abraham Lincoln qui affirmait : « Dieu devait aimer les hommes ordinaires puisqu’il en a tellement crée. »
Chacun y va de son bouc émissaire favori.
Les rétroactions causeront des dégâts appelés à infester le vouloir vivre ensemble.
Le virus des leaders illibéraux sera affligeant, fâcheux et nocif. Sa viralité au moins égale à celle du Covid 19.
La réflexion de Gérard Araud ancien Ambassadeur de France aux Nations-Unies puis aux Etats-Unis est éloquente des dérives préexistantes que la pandémie exacerbe déjà.
« Les Etats-Unis nous offrent aujourd’hui en vraie grandeur l’exemple de ce qu’est un pouvoir populiste. Ce n’est pas un conservatisme ou un progressisme différent. C’est un tout autre type de pouvoir dans ses méthodes et ses objectifs. C’est une rupture. » 108
Encore plus grave, la défiance envers les sachant et les élites sera mortifère. Les Fake et Deep News pollueront pendant très longtemps nos démocraties.
Sur un autre plan la commission européenne, sous la présidence d’Ursula von der Leyen parle « de la désinformation qui peut tuer. » Elle veut s’appuyer sur des « médias fiables et réputés. » Elle va même jusqu’à demander davantage de vigilance à l’égard de la Chine et de la Russie ! Nous ne pouvons que féliciter notre Présidente d’employer ce langage de sagesse. Il est notre force.
L’on rappellera avec profit ce qu’écrivit Dominique Moïsi :
« Face à la démagogie, il n’existe qu’une seule arme : la pédagogie. Il est plus facile de l’exercer quand on ne se met pas en contradiction avec ses propres valeurs. » 109
Quid du pouvoir des Etats sur les plates-formes numériques.
Pour notre part, nous pensons que même si les GAFAMI et BATX ont un pouvoir qui confine désormais à l’hubris, ils demeurent soumis au pouvoir régalien des États-Nations.
Non, les Etats-Nations ne sont pas près de disparaître. Nous pourrions même aller jusqu’à dire que ce sera le grand retour de leurs fonctions régaliennes sur la scène mondiale. Et à voir le cortège, quasi universel, de récriminations devant leurs défaillances ou appels à leur secours, cela montre à quel point leur représentation demeurait forte dans notre inconscient collectif.
On a parlé d’un affadissement des Etats au profit des GAFAMI ou BATX. Ce n’est certes pas la première fois que l’on brosse un tel tableau. L’on se rappellera les géants qu’étaient General Motors, ITT ou United Fruit. Il était commun de dire que ce qui est bon pour la General Motors est bon pour les États-Unis.
Nier leur importance croissante serait stupide mais une des leçons que cette crise apportera c’est la quasi résurrection des Etats dans les représentations car dans la réalité ils étaient toujours là.
Les Etats- au moins dans les représentations- redeviendront même l’ultime rempart protecteur face à des individus désemparés.
Les amendes, réglementations fiscales et mises au pas se profilent désormais, tant à Washington qu’à Bruxelles, à l’encontre de ces géants numériques transnationaux.
Certes le temps n’est pas encore venu où nous pourrions écrire, tel Proust,
« Les gouttes d’eau comme des oiseaux migrateurs qui prennent leur vol tous ensemble, descendaient à rangs pressés du ciel ». 110
La Commission a reporté au mois d’Octobre 2020 la mise en place de la taxation de ces grands groupes. Mais elle finira par aboutir.
Il faudra suivre tout particulièrement l’attention chinoise portée à l’Afrique et au réchauffement de ses relations avec le Japon dont l’alliance avec les États-Unis l’avait érigé en pilier de l’hégémonie américaine en Asie.
En Afrique, la Chine chemine à deux niveaux. Elle propulse sur le devant de la scène son milliardaire Jack Ma propriétaire d’Ali Baba. Cela démontre sa puissance économique et son modèle susceptible d’être importé et copié dans les 54 pays africains.
Pour la première fois, à virus véritablement mondial, réponse chinoise véritablement mondiale. Ainsi Jack Ma a acheminé le 22 mars grâce à un véritable pont aérien à Addis-Abeba, maintes fournitures. Pour autant, il n’égale ni en ampleur, ni en efficacité, ni surtout en générosité les « Rosinebombers » à Berlin. Ô tempora, Ô mores !
Mais il est vrai qu’en ce temps-là les américains avaient un Président, une idée de leur mission et connaissaient la valeur de la démocratie.
Plus révélateur et plus intriguant, voire plus menaçant, Huawei, entreprise si décriée car soupçonnée–à juste titre–d’introduire des logiciels espions dans ses équipements fournit des équipements et systèmes de visio-conférence en Afrique.
Le cas Huawei est tout particulièrement intéressant et symptomatique. Dans nos sociétés schumpétériennes, Huawei, avec la 5 G, agira comme un formidable accélérateur de croissance. Toute l’économie numérique qui sera notre bouée de sauvetage en dépendra. Après avoir été si dépendants de la Chine dans la chaine de production-consommation, il ne faudrait pas commettre la même erreur.
Huawei et sa technologie soulèvent un problème autrement plus grave; ils sont les prolégomènes de la cyberwar chinoise. Nous avions auparavant « l’excuse » de l’ignorance ou du manque d’expérience ; nous ne saurions en exciper cette fois-ci.
Huawei sera à la fois le symbole le plus signifiant mais aussi le plus proche. Cette entreprise chinoise avait déjà commencé à inquiéter tant les services de sécurité que les gouvernements et pas seulement aux Etats-Unis.
Le plus proche car des décisions d’exclusion de cette société vont continuer dans l’immédiat.
Nous devrons examiner au moins trois niveaux de réflexion avec Huawei :
– Comment la Chine va –t-elle y parer sur le plan technologique pour remplacer les technologies que les américains interdiront – à raison – de leur fournir ?
– Comment la Chine va-t-elle réagir sur le plan politique ? Prendra –t-elle, elle-même, des sanctions ?
Comment les USA gèreront-ils leurs relations avec les autres pays afin que nous ne fissurions pas trop nos réponses sur ce sujet ?
– Enfin saurons-nous Européens saisir cette occasion pour retrouver une place de leader dans un secteur d’avenir stratégique où nous disposons pour une fois de tous les atouts ?
En Afrique, la diplomatie chinoise que Covid 19 se charge de mettre en lumière rencontre des succès éclatants. Ainsi Zweli Mkhize, Ministre de la santé d’Afrique du Sud remercie plus que chaleureusement, après avoir demandé l’aide de la Chine et de 200 médecins cubains, deux pays : Cuba et la Chine à cause de leur expérience et de « leur approche victorieuse ».
Pour la Chine, ce virus est aussi un effet d’aubaine car il vient gommer les réactions négatives de certains pays africains qui commençaient à supporter de plus en plus difficilement les conditions draconiennes qui pavaient, si minutieusement, si précisément, si parfaitement la route de la soie.
Vient un moment, où l’évergétisme et l’amodiation deviennent insupportables à ceux qui croyaient en être les bénéficiaires.
Nous vient à l’esprit cette pensée de Victor Hugo :
« Le criminel croit que son crime est son complice ; erreur ; son crime est son punisseur ; toujours l’assassin se coupe à son couteau ; toujours la trahison trahit le traître ; les délinquants, sans qu’ils s’en doutent, sont tenus au collet par leur forfait, spectre invisible ; jamais une mauvaise action ne vous lâche ; et fatalement, par un itinéraire inexorable, aboutissant aux cloaques de sang pour la gloire et aux abîmes de boue pour la honte, sans rémission pour les coupables. » 111
Ce phénomène a permis malgré l’explosion des échanges de la Chine-Afrique, l’émergence d’un Japon-Afrique beaucoup moins politique et moins contraignant. Beijing fait donc très attention à ce que ses ambassadeurs médicaux épousent dorénavant un profil bas. En adoptant un profil bas, la Chine permet à l’Afrique de reporter et projeter sa méfiance vis-à-vis de l’Europe.
Des voix commencent également à s’élever pointant l’arrogance chinoise en Afrique. Il sera intéressant de voir la position de la Chine sur la dette abyssale africaine. Elle est certes prête à un moratoire, mais elle n’entend en aucun cas annuler la dette ; ce serait un précédent trop dangereux pour tous les Etats qui se sont endettés vis-à-vis d’elle dans le cadre OBOR, pour des montants astronomiques, pour des projets dont l’utilité est plus évidente pour la Chine que pour eux-mêmes. Dans l’intervalle la Chine aura fait main-basse sur l’Afrique avec ses immenses réservoirs de matières premières et de terres à exploiter. Quant à la doctrine marxiste elle l’aura opportunément laissée à domicile.
L’Europe et les États-Unis devront prendre des mesures pour que l’Afrique ne tombe pas complètement dans l’orbite chinoise. Car quoi qu’on en dise, le modèle chinois et son narratif séduisent en Afrique.
La Chine est désormais attaquée sur tous les fronts: sanitaire, économique, financier et diplomatique. Ses mensonges, ou demi- vérités seront-ils plus forts que sa puissance économique, industrielle, financière et surtout que l’ombre portée de sa totipotence militaire.
La réponse à cette question indiquera si la Chine sortira gagnante de cette crise dont elle semblait pénétrer les enjeux.
“Q: US Treasury Secretary Steve Mnuchin said yesterday that the US is working to ensure that funds from the IMF and World Bank are not used by countries in the Belt and Road Initiative to repay the debt they owe to China. Can you comment on that?
A: International financial institutions have all spoken positively of the Belt and Road Initiative (BRI). According to the World Bank’s report « Belt and Road Economics », the full roll-out of the initiative in transportation will boost trade in participating economies by anywhere between 2.8 percent to 9.7 percent and lift 7.6 million people out of abject poverty.
China and BRI partners are committed to high-quality development under the initiative. Together with 27 countries, we have joined the « Guiding Principles on Financing the Development of the Belt and Road ». We have also released for the benefit of anyone in need the « Belt and Road Debt Sustainability Framework », which the IMF spoke highly of.
The international financial institutions you mentioned are important cooperation platforms, not political tools subject to the will of a few countries. Global affairs should be handled by members of the international community through consultation. No individual or country should attempt to impose its own will or rule upon others.” 112
Il faudra cependant définir ce que l’on entend par “gagnant”.
Donald Trump pourra se rassurer à bon compte en se rappelant l’issue de la bataille de l’Ecluse en 1385 qu’Edouard III emporta militairement mais ne sut , ne put ou ne voulut transformer en victoire politique. En ce sens Covid 19 nous enseigne qu’il n’y aura peut-être pas de vrai vainqueur politique. Nous conseillons donc à Xi-Ji Ping d’éviter de tirer des conclusions hâtives, il irait au-devant de sérieuses déconvenues.
Quels critères seront relevant aux yeux de la Chine et quelles sont les lignes rouges dont nous parsèmerons nos relations avec elle.
L’on prendra soin de se remémorer dans le bras de fer qui nous opposera inévitablement à la Chine, le jugement si pertinent-comme à l’accoutumée – de Raymond Aron qu’il avait formulé en pleine Guerre Froide.
« Plus l’Occident est décidé à faire front et à accepter les périls et le prix de la résistance plus il importe de ne pas perdre le sens du possible de mesurer la valeur des diverses positions de ne pas mettre au premier rang le prestige et l’idéologie » 113
Une des conséquences stratégiques de la crise c’est qu’elle écornera sérieusement les capacités financières de la Chine. Ce devrait être un handicap pour la Chine. Lors de la crise systémique de 2008, elle avait mobilisé des sommes colossales. Elle n’en dispose plus autant aujourd’hui.
L’on estime que les prêts accordés aux 67 pays de la BRI bénéficiant des « largesses » chinoises se montent à 135 milliards de dollars. Même pour la Chine, c’est un montant colossal. Or la moitié de ces dettes présentent des risques de défaut de payement.
Covid 19 va exacerber cette béance. Que pourra faire la Chine ? Il est possible que cela provoque un risque financier systémique, même si les réserves financières chinoises sont estimées à 3 trillions de dollars.
Les projets pharaoniques et dispendieux, des dépenses militaires colossales ont entamé son trésor de guerre. De plus cette fois-ci, les sommes requises sont bien plus conséquentes. Pour autant le sauvetage immédiat est véhiculé par des images. La propagande des masques et autres impedimenta coûte peu au regard d’autres armes ou moyens de coercition.
L’Ambassadeur Chinois à Bamako déclare : « La Chine fait preuve d’humanisme et de solidarité » « La force de la Chine, c’est la direction forte du parti communiste et du gouvernement, le sens de la discipline et du sacrifice de la population. » 114
La Chine, après avoir été à l’origine accidentelle du virus, et avoir été frappée en premier et fort durement a aussi – la première – terrassé le virus. De victime la Chine s’érige en sauveur du monde. « China will work hand in hand with other countries and contribute our strength and wisdom to securing a final victory against the pandemic and to building a community with a shared future for mankind.” 115
« China is emerging as a global public goods provider as the us proves unable and unwilling to lead. » 116
Dans son communiqué du 12 mars, le porte-parole Geng Shuang n’hésite pas à faire étrangement appel à la notion de « shared future of mankind ». De là à voir une réminiscence de la notion de « Tianxi » et des « barbares étrangers » !
Henry Kissinger une fois de plus, décrit brillamment la technique chinoise actuelle qui est l’héritière de traditions millénaires.
« Par des incitations commerciales et une habile exploitation du contexte politique, la Chine conduisit les peuples voisins accepter les normes de sa centralité tout en projetant une image de majesté impressionnante propre à dissuader des envahisseurs potentiels de mettre sa force à l’épreuve. Son objectif n’était pas de conquérir et d’asservir les barbares, mais de les gouverner de les « gouverner avec une bride lâche » ji mi.
Quant à ceux qui refuseraient d’obéir, la Chine exploiterait leurs divisions, « utilisant les barbares pour tenir les barbares en échec » et, au besoin, « utilisant les barbares pour attaquer les barbares ». En effet, comme l’écrivait un fonctionnaire de la dynastie Ming à propos des tribus potentiellement menaçantes installées à la frontière nord-est de la Chine :
si les tribus sont divisées entre elles, elles resteront faibles et il sera facile de les maintenir dans une position de soumission ; si les tribus sont séparées, elles s’évitent et obéissent aisément. Nous favorisons l’un ou l’autre de leurs chefs et leur permettons de se combattre réciproquement. C’est un principe d’action politique qui affirme : « les guerres entre « barbares » sont propices à la Chine. » 117
S’il y a une chose que l’on ne peut reprocher à la Chine, c’est bien la connaissance intime qu’elle a de son histoire.
Qu’on en juge. Henry Kissinger analyse avec la précision du scalpel d’un chirurgien la diplomatie chinoise qui essaye de monter certains pays contre d’autres.
« Dans cet exercice de haute voltige, elle ne fait que s’inspirer de ce qu’un de leurs brillants mandarins haut-fonctionnaire appelé Wei Yuan (1794 1856) suggérait à l’époque pour triompher des barbares. » 118
Il s’agissait comme le signale Henry Kissinger de dégager des marges de manœuvre et de triompher de ses ennemis.
Henry Kissinger cite Wei Yuan :
« Il existe deux méthodes pour attaquer les barbares, à savoir stimuler des pays qui leur sont hostiles pour qu’ils les attaquent et apprendre les talents supérieurs des barbares afin de les contrôler. Il existe deux méthodes pour faire la paix avec les barbares, à savoir laisser les différentes nations négociantes se livrer à leur commerce de façon à préserver la paix avec les barbares et soutenir le premier traité de la guerre de l’Opium afin de préserver le commerce international. »
Wei Yuan relève que « les pays ennemis dont les barbares britanniques ont peur… » « Laisser les barbares combattre les barbares… »
Lors de la guerre de l’opium : « Il lui vint une nouvelle idée originale : inviter d’autres barbares en Chine et stimuler la révolte rivalité entre leur avidité et celle de l’Angleterre, la Chine pouvant ainsi jouer un rôle de balancier et agir sur le morcellement de sa propre substance. »
Wei Yuan de continuer : « Aujourd’hui, les barbares britanniques n’ont pas seulement occupé Hong Kong et accumulé beaucoup de richesses tout en affichant un visage orgueilleux parmi les autres barbares. Ils ont aussi ouvert les ports et réduit les différents frais pour favoriser d’autres barbares. Au lieu de laisser les barbares britanniques faire preuve de bonté à leur égard afin de multiplier leurs partisans, n’aurions-nous pas intérêt à faire nous-mêmes preuve de bonté envers eux, pour les placer sous notre contrôle comme les doigts au bout du bras ? »
Et Kissinger de résumer sa stratégie : « Avant le règlement de paix, il nous appartient d’utiliser les barbares contre les barbares. Après le règlement, il est judicieux d’apprendre leurs techniques supérieures afin de les contrôler. » 119
Avec neuf ans d’avance Henry Kissinger a magistralement résumé toute la diplomatie chinoise actuelle dans ses buts, dans sa stratégie, et dans sa formulation.
Xi-Ji Ping voudrait faire passer les médecins chinois qui ont débarqué en Italie ou en Afrique comme les nouveaux GI ’s de Juin 44. Dans son narratif, Rome Fiumicino est Omaha Beach. Ni plus ni moins.
Le message chinois est subtilement mélangé de défense et d’attaque. Ainsi les fake news visant la Chine, mais largement inspirés par elle, auraient pour seul but de décrédibiliser- selon elle- son efficience, sa gouvernance et donc son influence. Un Ambassadeur Chinois déclare officiellement : « Avec le développement chinois, le monde voit un autre modèle, un autre système social. Cela menace un courant en Europe qui cherche toutes les opportunités pour dénigrer la Chine. »
Pour autant il n’est pas sûr que le monde ne réalise pas un jour le déphasage entre les promesses de dons et d’aide et la réalité sur le terrain.
Les relations sino-nipponnes
L’observateur attentif regardera d’un œil circonspect l’évolution des relations sino-nipponnes. Elles ont beau être marquées au double sceau d’une rivalité culturelle (ce sont souvent les plus profondes) et de costilles maritimes sur quelques ilots, on assiste à un étrange ballet entre Shinzo Abe et Xi- Ji Ping.
Ce ballet a les codes, les rites, les mythes et les ambiguïtés du théâtre d’ombres chinoises et surtout du kabuki nippon si subtil à décoder dans ses apparences et ses rebondissements. Car l’on part de loin. Les disputes territoriales Senkaku et les visites au sanctuaire Yasakuni Shrine avaient sérieusement affecté et contristé leurs relations. Les Chinois, n’étant pas non plus en reste, produisent chaque année plus de 200 séries télévisées sur la traîtrise japonaise. C’est même leur feuilleton de prédilection.
En septembre 2019 un sondage PEW révèle que 85 % des Japonais ont une image défavorable de la Chine. Alors qu’est-ce qui a changé ? Que pouvons-nous y déchiffrer ? Alors que la Chine a systématiquement ignoré les dons de l’Europe ou des USA au début de la crise, elle a eu, au contraire, les yeux de Chimène pour le samouraï de Tokyo, qualifié en d’autres temps de revanchard belliciste.
Les membres du parti libéral japonais ont voté pour que chaque membre donne 45 $ de son salaire mensuel soit un total de 18 170 $ pour aider à combattre le fléau en Chine. Le gouvernement japonais, quant à lui, a dépêché des milliers de combinaisons de protection à Wuhan. Les habitants de la ville de la préfecture de OÏTA, jumelée à Wuhan ont envoyé 30 000 masques.
On peut ainsi citer de très nombreux autres exemples. Les sociétés japonaises telles que Yokado, Maëda- Construction ou Muji etc. ont également fait assaut de générosité et de solidarité. Ito-Yokado a offert 1 million de masques. Des associations ont procuré des équipements sur lesquels étaient gravés des mots exhumés d’un poème ancien où l’on pouvait lire : « Lands apart Sky shared». 120
Le porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères Chinois lui a répondu dans un langage délicat et fleuri, tiré du Book of Songs, que seuls les asiatiques manient à la perfection: “You throw a peach to me, I give you a white jade for friendship.” 121
Lorsque le paquebot de croisière Diamond Princess fût bloqué dans un port japonais, la Chine envoya à son tour des équipements. Et le, désormais omniprésent Jack Ma, ne s’est pas contenté de promettre 14,5 millions de dollars, il a immédiatement expédié par l’intermédiaire de ses fondations, 1 million de masques.
Il est encore plus intéressant de déceler les signes d’un refroidissement des relations entre Tokyo et Washington qu’il faut mettre en parallèle avec un réchauffement des relations Tokyo Beijing. Mais là encore tout peut évoluer et changer loaf pour loaf. En outre après avoir connu une période de froid polaire, les relations personnelles entre Shinzo Abe et Xi-Ji Ping sont désormais très fortes. La faute en incombant très largement à Trump et ses politiques du fait accompli et d’America first.
La politique japonaise du Blue Dot Network ayant, par ailleurs, reçu un accueil de Washington, tout sauf enthousiaste.
Signe incontestable de la qualité de leur rapprochement, la Chine a soutenu le maintien des Jeux Olympiques de Tokyo.
Tous les indicateurs font part de ce rapprochement. Augmentation du nombre d’étudiants japonais en Chine, augmentation impressionnante de chinois étudiant au Japon, 94 111 en 2016 contre 114 950 à ce jour. Entre 2013 et 2019, le nombre de touristes chinois a littéralement explosé passant de 1,3 millions à 9,6 millions. 25 % des vols internationaux au départ de la Chine se font à destination du Japon.
L’on peut se poser la question de savoir s’il s’agit d’un épiphénomène ou bien d’une tendance lourde. La Chine, comme elle le fait avec l’Afrique, brandira cette amélioration comme exemple de sa force et de son attractivité au reste du monde
Mais les situations ne sont jamais figées ; devant l’ampleur de leurs mensonges que cache l’opacité du brouillard chinois, la colère et la défiance refont surface parmi la population japonaise. Le gouvernement japonais, comme le sud-coréen, ont mis au point un programme d’incitation pour relocaliser leurs usines chinoises. Sa mise en place sera coûteuse et compliquée et surtout non immédiate. Elle ne sera pas non plus sans risques politiques.
Pour autant il semble que les deux pays trouvent leur avantage–chacun pour des raisons différentes–à pérenniser et cimenter cette nouvelle relation.
Puisque l’on a employé le mot guerre–à tort à notre avis–car une guerre suppose un choc de deux volontés antagonistes et indépendantes pour soumettre l’autre partie, or ici l’on ne distingue aucun de ces éléments. La différence n’est pas que sémantique. Elle indique l’état d’esprit des populations.
Sur un plan stratégique nous voudrions, très brièvement, considérer deux types de menaces. Le basculement démocratique de l’État de droit dans certains pays et les menaces purement militaires.
Par militaires, nous n’entendons pas obligatoirement des conflits de haute intensité mais plutôt des conflits de basse intensité ou low-cost. Le « monde d’après »- pour autant que cette formule fasse sens- sera surtout caractérisé par des zones de paix grise ou de guerre grise.
Le communiqué de « l’observateur chinois » peut laisser entrevoir différents types de chantage de nature sanitaire. Ainsi les chinois pratiquent de façon aléatoire des restrictions d’exportations de masques qui ont le sésame américain « FDA » indispensable à la mise à la consommation aux USA. Comment réagiront les américains en cas d’embargo low-cost ?
Trump avait démarré sa présidence sous le double signe de la séduction –sans tenir compte de la realpolitik – avec l’Arabie Saoudite et de sa certitude qu’un « businessman dur comme lui » saurait s’entendre avec son homologue chinois.
Or tant avec l’Arabie Saoudite et la Russie qui engagent avec lui un vrai bras de fer pétrolier qu’avec la Chine, il enregistre trois échecs cuisants et retentissants. Le dictateur nord- coréen continue sa chaconne nucléaire et continue à le narguer avec son ballet de missiles. Trump espérait compter sur Xi-Ji Ping pour amadouer la Corée du Nord et Téhéran, il va dorénavant au-devant de grandes déconvenues. Les illusions perdues marqueront la fin de sa présidence qu’il annonçait comme de grandes espérances.
Ainsi Téhéran vient de lancer un satellite militaire et Trump ne peut que réagir en brandissant une vielle menace concernant des navires iraniens.
“We don’t want their gunboats surrounding our boats, and traveling around our boats and having a good time,” “We’re not going to stand for it. … They’ll shoot them out of the water.” 122
Le principe général qui nous guide est en quoi, le basculement démocratique peut bousculer l’ordre du monde. Certes même Sir Winston Churchill n’a pas reculé devant une alliance avec le dictateur grec Metaxás ou celle plus importante avec Oncle Joe. Et l’on se rappellera avec plaisir sa si délicieuse et si savoureuse formule : «If Hitler invaded hell I would make at least a favourable reference to the devil in the House of Commons ».
a Le basculement démocratique.
En temps de crise, il est « acceptable » que certaines dispositions soient provisoirement mises sous le boisseau. La vie prime sur le juridisme absolu à condition de respecter un minimum de fondamentaux. C’est ce que font avec plus ou moins de bonheur et avec le concours, volens nolens, de leur population, la plupart des Etats de droit et bien entendu la quasi-totalité des Etats Européens.
Et bien entendu la démocratie habermassienne en son siège de Karlsruhe remporte, une fois de plus, la palme. Nous laisserons de côté la récente décision de Karlsruhe qui n’est qu’un épiphénomène. Elle est suivie de très près par la France avec cette vieille dame si respectable qu’est le Conseil d’État qui malgré son âge (221 ans) reste toujours aussi jeune et aussi sage. Le Conseil Constitutionnel est l’autre jambe de notre démocratie.
En veillant sur nos droits, ils permettent à la France de demeurer une figure de proue du camp des démocraties même en période de pandémie, et surtout de faire partie de l’alliance des pays démocratiques qui auront lutté contre cette pandémie en conservant le plus possible nos acquis sociaux et démocratiques.
Nous avons gardé de nos humanités ce sacro-saint principe : il ne faut pas « propter vita vitae perdere causas. »
Nous n’oublions pas, bien sûr, l’Italie si durement frappée qui trouve la force de sortir, malgré ou grâce à la crise, de l’ornière populiste dans laquelle l’avaient plongée ces deux tristes sires que sont Beppe Grillo et Matteo Salvini. Remercions donc son Président du Conseil Giuseppe Conte et son peuple finalement beaucoup plus sage et plus courageux que d’aucuns se complaisent à le dire.
Nous voulons saluer, ici, également, la générosité coutumière de l’Italie qui elle aussi avait envoyé et fourni dès le début une assistance sanitaire à la Chine. Pour autant, elle n’était venue ni avec Dante Alighieri ou des reproductions de Canaletto à Beijing.
Nous ne continuerons point l’énumération des 27 pays européens et nous nous en excusons bien volontiers auprès de leurs citoyens.
Un pays européen nous arrête cependant. Il s’agit de la Hongrie dont la crise permet à Viktor Orban, son leader autocrate, de s’emparer de tous les pouvoirs et de supprimer peu à peu les libertés au motif que la lutte contre la pandémie l’exige.
La crise favorise dans ce cas et le populisme et les leaders populistes. Quand bien même ce sont ceux qui ont le moins bien lutté contre la pandémie. Nous nous serions volontiers passés de nommer ce triste sire s’il n’était le cheval de Troie de la Chine et de son junior partner.
Mais il est le maillon faible qui menace à la fois par ses alliances et à la fois par sa désertion démocratique notre ADN européen. Nous aurions pu aussi mentionner la Pologne.
La liste est longue de tous ces leaders qui se délectent de ces coups de boutoir. Ce sont là de vraies menaces pour le « monde d’après ».
On a beaucoup discuté, et comparé les mérites, réussites ou échecs respectifs. Il ressort que dans la quasi-totalité des pays, les démocraties ont mieux réussi. On a aussi parfois écrit que Taïwan, Corée du Sud, avaient bénéficié de « l’esprit asiatique » et de l’ombrelle confucéenne. Soit ! Peut-être !
Citons cependant les propos de Malcolm Cook, géopoliticien australien qui a écrit dans nos colonnes pour relativiser très fortement ce déterminisme.
“This combination of communicated competence from political leaders and the social capital of trust and accepted suffering by the population has created a virtuous circle. The public’s active acceptance of lockdown measures has contributed significantly to the reduction in new cases that is leading to the prudent relaxation of some of these measures. Cultural determinists in East Asia often claim that unique ‘Asian values’ foster such virtuous circles of state capacity and social capital, while implying that so-called Western ones create vicious cycles of social distrust and state incapacity. The covid-19 experiences of Australia and New Zealand fortunately suggest that ‘culture is not destiny.” 123
Pour autant à bien observer les différents pays, l’on ne peut que constater que si des autocraties ont échoué (Iran ) d’autres ont réussi (Arabie Saoudite, Jordanie, ou Vietnam qui a connu une réussite exceptionnelle) ; parmi les démocraties certaines ont fort bien réussi ( Lituanie, Grèce, Autriche, Taïwan, Corée du Sud) et d’autres moins bien Allemagne ( comparée aux précédentes) ; d’autres ont été mauvaises ( France, Italie, Espagne ) enfin d’autres ont lamentablement échoué (USA , Grande –Bretagne).
Les expériences des précédentes épidémies avaient aidé et préparé mais des paramètres tels que la confiance des populations dans leur gouvernement a été un facteur fondamental. Ce qui permit des mesures plus rapides mais qui pouvait entrainer des contraintes fortes et intrusives.
Le cas de la Grèce est particulièrement intéressant. L’on pourra dire que la population y est plus jeune que la moyenne et moins obèse, moins riche etc ; il n’empêche. Elle commence juste à se remettre de sa crise économique et de sa dette abyssale et elle continue de supporter le très lourd fardeau de la crise des migrants ; elle a néanmoins obtenu des succès remarquables Ces succès, elle les doit à son étonnante cohésion sociale. Un vrai vouloir vivre ensemble. La jeunesse de sa population aide, mais elle n’est pas la seule dans ce cas.
Un autre cas particulièrement passionnant est la Corée du Sud. Les Sud-Coréens ont fait preuve d’une discipline exemplaire. Le pays s’est couvert de masques presque instantanément. La raison en est simple : La Corée du Nord. La Corée du Sud est parfaitement préparée à une attaque chimique, biologique ou bactériologique en provenance de la Corée du Nord.
La leçon qu’il faudra retenir est dans quelle mesure des systèmes autoritaires qui auront réussi serviront de modèles en géopolitique.
b La crise affole et affecte d’autres pays.
Aux USA, pour la première fois, on peut raisonnablement espérer la défaite de Donald Trump. Nous lui conseillons un bon lavage de cerveau en évitant tout de même l’eau de Javel qu’il semble affectionner.
Mais le meilleur n’est pas toujours sûr car ses électeurs de la Rust Belt risquent de demeurer plus sensibles à leurs réflexes racialistes qu’aux malheurs économiques. Là aussi le basculement démocratique–encore réversible–entraînera s’il est réélu, le risque international d’une conflictualité d’abord économique avec la Chine et la Russie.
La cyber war pourrait en être le premier véritable champ d’expérimentation grandeur nature.
C’est le risque majeur car la cyberwar, à l’image de Covid 19, démarre sournoisement et projette ses effets dans le temps.
La crise pétrolière est l’exemple le plus parfait de l’autre danger. La liquidité de l’or noir amène la liquidité des alliances. Les pipelines charrient aussi avec eux le Floor- Crossing. Dans le triangle Arabie Saoudite–Russie–USA, on a déjà vu très récemment plusieurs glissements d’alliances.
Tant la Russie que l’Arabie Saoudite jouissent de fonds souverains qui à la différence des pays européens ou américains leur permettent de tenir plus longtemps. Mais qu’en sera-t-il si cette crise perdure. Ils ne possèdent ni nos systèmes sociaux, ni notre vouloir vivre ensemble démocratique, mais ils portent en eux– surtout pour la Russie–le narratif de la « Revanche de l’Histoire » tel que l’explique si brillamment Bruno Tertrais.
Pour l’Arabie Saoudite, il n’est pas sûr que son armée d’opérette mais suréquipée et dont on a vu les brillants résultats au Yémen puisse contenir les tensions sociales et religieuses dans la région.
Un État qui repose sur la clientèle de ses séides étrangers doit se souvenir que la condition de leur fidélité est leur paiement régulier.
84 pays se sont ainsi servis à leur guise du Covid 19 pour assouvir leurs désirs secrets.
2 Sur le plan militaire
Le rêve- de moins en moins- secret nourri par Xi-Ji Ping et Poutine est de grignoter à la marge ou de reconquérir les territoires qu’ils estiment leur appartenir. Dans ce registre, Poutine espère que le monde entier sera trop occupé à lutter contre le Covid 19 pour se soucier de ce qu’il manigance, prépare et fera en Ukraine. Quant à ses autres voisins, nous leur conseillons de surveiller le langage de Poutine. Qu’il vienne à employer les mots : « vipères lubriques » sera un signal fort.
La crise lui permettra aussi de faire main basse sur le reste de démocratie en Russie.
Même coïncidence, mais autre dictateur. Xi-Ji Ping était empêtré dans la crise de Hong-Kong. Céder c’était inviter Gorbatchev à Hong Kong puis à Beijing, ne pas céder c’est mettre en danger les fruits déjà engrangés par OBOR et fragiliser son pouvoir et le rôle du PCC.
Covid 19 est donc sur ce plan un allié on ne peut plus bienvenu et efficace, lui permettant de laisser pourrir une situation.
Au tir aux pigeons, Xi-Ji Ping aligne trois cibles :
– Hong Kong
– Taïwan
– les îlots.
Hong Kong est à la fois la cible la plus proche et la plus facile, Taïwan est la cible la plus lointaine mais la plus riche et la plus puissante ; et surtout la plus urticante ; sa géographie, sa vigueur, sa réussite économique, sa démocratie exemplaire- aujourd’hui une des plus achevées au monde -sa puissance et sa souveraineté la rendent la plus tentante mais la plus difficile à avaler.
Les îlots, tout dépendra des pays auquel ils appartiennent.
A Hong Kong, la Chine procède de plus en plus à des confinements en cellule et qui ne doivent rien au virus Covid 19.
Covid 19 permet à la Chine de transformer son désir d’écrasement de Hong-Kong et de ses manifestants. L’article 22 de la Basic Law de Hong Kong interdit à la Chine de se mêler des affaires internes Hong Kong. Mais le 17 avril, le bureau de liaison Chinois s’est délié de cette obligation. Il a volé en éclats déroulant un tapis-rouge bien sûr- pour permettre l’article 23. L’adoption de la loi de sécurité n’est plus qu’une question de mois.
Covid 19 en empêchant les manifestations (1,5 à 2 millions de manifestants) sur une population de 8,7 millions (on pourra les comparer aux quelques 5à 10000 gilets jaunes sur la fin). Les démocrates de Hong-Kong avaient tenu momentanément à distance Beijing.
La Chine peut remercier Covid 19 qui va lui permettre son second take-over.
But who knows and who cares ?
Laissons de côté l’Inde qui profite allègrement du Covid 19 pour faire subir chaque jour davantage son joug à sa population musulmane en espérant l’indifférence générale. On parle ici de 15% de sa population soit environ 170 millions d’êtres humains brimés et rejetés comme des citoyens de seconde zone. But who knows and who cares !
Il est un autre cas atypique que nous ne rangeons toutefois- pas encore- dans la même catégorie de leaders illibéraux. La démocratie israélienne est toujours suffisamment inventive, forte et belle pour résister aux coups de boutoir de Netanyahu. Certes, ce dernier tente de déserter peu à peu le régime démocratique.
Nétanyahu se sert de Covid 19 pour étouffer toutes les « révoltes » des partisans du camp de la paix, et des juges de la Cour Suprême, garante impeccable et désormais courageuse, de l’exemplaire démocratie israélienne.
Covid 19 lui a déjà permis de repousser son procès en corruption et abus de confiance, et surtout en voulant à tout prix un gouvernement d’union nationale qu’il serait plus pertinent de qualifier de « gouvernement d’apaisement » comme l’ a si judicieusement baptisé le Professeur israélien Denis Charbit, cela lui a permis de suspendre plus que nécessaire les droits de la Knesset, museler une opposition, mais surtout garder le contrôle de la nomination de juges qui seront à sa botte. En cette dernière matière, il est l’admirateur servile de Trump.
Mais sur le plan géopolitique qui nous intéresse, Netanyahu compte sur Covid 19 pour procéder, en toute urgence, à une annexation de territoires. Même, si pour des raisons de coût et d’opportunité, Netanyahu aurait probablement préféré le statut quo.
Mais élections obligent, mais sa place obsédante dans l’Histoire, mais ses ennuis judiciaires, Mais Trump et ses évangélistes illuminés !
Dans le contrat de gouvernement- soi-disant destiné à lutter contre Covid 19–alors qu’Israël, grâce à son très haut niveau technologique figure parmi les pays ayant le mieux résisté à cette pandémie, trouve le moyen d’insérer dans le programme de lutte contre la pandémie le plan d’annexation dès le mois de Juillet 2020.
Cela entraînera une détérioration significative des relations avec l’Égypte, la Jordanie et les Palestiniens et même avec l’Arabie Saoudite et son boucher désosseur. Boucher désosseur ; who ignores and who cares !
De ces virus-là, la région n’est pas près de guérir.
Il est une autre conséquence collatérale. Les américains mettent en place une politique de sanctions à l’égard de la Chine. Soit. Le mot est à la mode à la Maison-Blanche. Leur cible privilégiée : Huawei. Ils décident même de dupliquer avec la Chine ce qu’ils font avec l’Iran et la Corée. C’est-à-dire des sanctions secondaires et veulent punir au moyen de l’extra-territorialité ceux qui commercent avec cette entité ou ont des relations trop fortes avec la Chine. Or Israël a développé de très fortes et très fructueuses relations avec la Chine, qui après avoir acheté le port du Pirée et le port stratégique de Darwin a fait l’emplette de celui de Haïfa où la VIème Flotte a ses habitudes.
Donald Trump commence à exercer une pression sur Israël. Comment ce dernier réagira-t-il ? Enfin Trump conscient des dégâts que cause son deal du siècle, notamment avec trois pays stratégiques- Arabie Saoudite, Jordanie et Egypte semble rétropédaler.
L’annexation grâce au Covid 19 n’est plus à l’agenda américain. C’est là une des très rares conséquences positives de Covid 19 tant pour Israël que pour la Palestine. Reste à savoir si la nouvelle inclination de Trump résulte de la lutte contre le Covid, la Chine ; les élections américaines avec le prix de l’essence ou bien la levée de boucliers de tous les membres de la Ligue Arabe, Arabie Saoudite comprise.
Élargissons la focale sur la région.
Croire que Covid 19 la survolera sans y faire escale relève du wishful thinking. Dans sa grande sagesse, le Président Obama, avait avec sa politique du « new pivot », sorti la région de ses priorités.
Covid 19 la ramène au centre. Démographie, géographie économie, histoire exacerbée par la pandémie et couverture sanitaire n’y cohabitent pas de façon harmonieuse. Certains pays de par leurs immenses réserves financières et d’hydrocarbures, quand bien même s’extirperaient-ils écornés, étiqués, voire rabougris, s’en sortiraient cependant mieux que d’autres.
Ainsi l’Arabie Saoudite, le Qatar ou le Koweït. Ils ne sont pas les plus peuplés et resteront des proies tentantes pour leurs voisins désespérés. Saddam Hussein a laissé des souvenirs cuisants au Koweït. Les projets pharaoniques tels que Vision 2030 de l’assassin MBS sont d’ores et déjà remis en question. La dette saoudienne reste à environ 25 % de son PIB. Cela lui laisse de la marge. Il est certes difficile de prévoir si MBS sortira renforcé de la crise. Son cessez-le-feu au Yémen montre cependant sa faiblesse. Au niveau interne cela provoquera bien entendu des troubles sociaux.
Mais ni la Jordanie, ni l’Égypte avec ses 102 millions d’habitants ne sortiront indemnes.
Quant aux Palestiniens confinés (nous ne discutons pas ici du bien-fondé de leur isolement antérieur résultant de l’organisation terroriste du Hamas) à Gaza ou dans les territoires occupés, le Covid 19 ne pourra que les retrancher dans une future violence.
Ne parlons même pas de la contagion possible. Même si, pour le moment, ils ne semblent pas avoir été violemment touchés. La Jordanie, l’Egypte ou la Palestine ont obtenu des succès remarquables certes inférieurs aux pays asiatiques mentionnés plus haut.
Même la Palestine, malgré un système sanitaire déplorable n’a « enregistré que » 4 cas de décès. Une exception notable, l’Iran dont on enterre les morts dans des fosses communes tant ils sont nombreux.
Israël fera alors face à un dilemme. Ou bien se prémunir d’une deuxième vague de la pandémie, ce qui est bien entendu vital, mais cela aura un coût politique et stratégique de plus en plus difficilement supportable. Ou bien il privilégiera « l’apaisement tactique » au niveau militaire et les trous dans la raquette sanitaire seront importants.
Certes, avec le deal du siècle, les relations avec l’Égypte et la Jordanie se sont déjà dégradées, Covid 19 ne constituera pas une novation juste une accélération.
Netanyahu s’inspire en la matière du même calculus que Poutine : croire que nombre de pays auront des préoccupations plus urgentes à juguler que de s’occuper de ses appétits annexionnistes.
Ainsi la Jordanie, qui avait un autre choix, a tenu à récupérer, en pleine célébration de la fête d’indépendance de l’État d’Israël, des territoires qu’elle avait affermés depuis 25 ans à Israël. Ce n’est certes pas un bouleversement stratégique ; c’est juste une pente aggravée.
Paradoxalement le régime sanguinaire de la Syrie pourra remercier Covid 19. L’assise du boucher inhumain de Damas en sort renforcée. But who knows and who cares !
Reste l’Iran. Les chiffres dont nous disposons sont de plus de 5000 morts ; ils le disputent à la Chine en mensonges gravement sous-estimés. Le confinement tardif dû à l’asphyxie du pays a été partiel et si mal respecté. Covid 19 sera une bombe à retardement et à fragmentations multiples à l’image des missiles MIRV. Une population très largement en dessous du seuil de pauvreté, qui ne dispose que de très peu de médicaments – sans parler des équipements sanitaires sophistiqués- sera prête à tous les débordements.
Trump et Pompeo avaient fait le calcul que l’élimination – justifiée- du Général iranien Qassem Soleimani, conduirait l’Iran à résipiscence ou à l’implosion; le lancement du satellite militaire démontre cruellement l’ignorance de Trump.
Quant à Mike Pompeo, nous ne résistons pas à rappeler la si savoureuse appréciation dont Winston Churchill gratifia John Foster Dulles : « C’est le seul éléphant, de ma connaissance qui se promène avec son propre magasin de porcelaine. »
L’on gardera à l’esprit la pensée toujours aussi judicieuse d’Edmund Burke :
«Ceux qui ont beaucoup à espérer et rien à perdre seront toujours dangereux. » 124
Le président Bush lors d’une crise sanitaire avait eu l’infinie sagesse, afin d’éviter la propagation d’une épidémie, de lever les sanctions à l’encontre de l’Iran. Dans la région, les virus ne connaissent pas de frontières.
Les Chinois respectaient- à leur façon- les sanctions américaines et onusiennes à l’encontre de l’Iran. Lorsque la Chine, désormais cible- orale- de la logorrhée de Trump, redémarrera, l’Iran augmentera encore davantage ses livraisons d’hydrocarbures. Cible orale car plus qu’America Great Again, le vrai slogan de Trump est « Trump First ».
Covid 19 montre également, de façon éclatante, l’inanité des sanctions américaines. Un pays asphyxié vient de lancer son satellite militaire à la face d’un Trump et de son Secrétaire d’État Mike Pompeo une fois de plus ridiculisés.
L’Égypte semble avoir réussi de façon assez remarquable sa lutte contre la pandémie. Selon les chiffres officiels au 6 Mai 452 décès pour une population de 102 millions d’habitants semble un succès notable. Mais elle doit faire face à plusieurs menaces :
– baisse abyssale du tourisme
– assèchement des aides des pays arabes
– baisse des revenus du canal.
C’est peut-être le pays dont il faudra surveiller l’évolution. Elle est actuellement un pôle de stabilité qu’il faudra à tout prix maintenir.
Déplaçons notre focale sur un continent voisin : l’Afrique.
Comme la plupart des pays émergents, l’Afrique a beaucoup plus bénéficié de la mondialisation que les pays développés. Le commerce extérieur est vital pour les pays en voie de développement ; et il ne s’agit pas seulement d’une représentation ou du narratif chinois. C’est la mondialisation qui les a littéralement extirpés de la pauvreté.
Dans l’acronyme BRICS, on trouve Brésil, Inde et South Africa. Dans le processus de relocalisation mondiale, la Chine aura l’Afrique comme alliée. L’Europe et les USA devront impérativement intégrer ce facteur. Laisser l’Afrique retomber dans le gouffre du protectionnisme, c’est préparer l’instabilité politique et les mouvements islamistes et terroristes montrer leur truffe hideuse dans ce continent. Prenons donc garde à ne pas déclore inconsidérément les barrières du protectionnisme.
Au niveau régional deux faits émergent :
a la puissance américaine
– engluée dans les prochaines élections
– ses producteurs de schistes profondément affectés par la baisse des cours du pétrole. Ils sont le vrai baromètre de Trump avec ses évangélistes.
– le coût de la crise
– son isolationnisme
b la Russie
Elle aussi frappée par la crise pétrolière et ayant atteint ses objectifs les plus importants en Syrie peut envisager un low profile, il est possible que la Chine y voit son « moment ». Elle visera un resserrement de ses liens avec l’Iran, voudra consolider ses positions en Égypte et en Arabie Saoudite échaudée par la faible réaction américaine lors du bombardement de son pipeline par l’Iran.
Le Président Macron a eu l’intelligence de proposer l’annulation de la dette africaine. L’Europe doit également trouver les fonds pour aider la Tunisie et le Maroc qui ont pour le moment assez bien géré l’aspect sanitaire de la pandémie. Même si ces deux pays ont mis en place une « gestion économique » de la crise et levé des fonds européens et français, il est impératif que l’Europe accroisse son aide à leur égard.
La Russie est la quasi alliée de la Chine. Cette quasi alliance s’inscrit dans un cadre plus global d’une rivalité grandissante entre la Chine et les États-Unis.
Après la Crimée et l’Ukraine, la Russie a encore dégradé ses relations avec le monde occidental. La Chine lui apparaît donc, volens nolens, comme sa meilleure solution. Meilleure solution, mais c’est aussi peut-être son piège.
Dimitri Trenin rappelle dans Carnegie Moscow que le principe sous-jacent de cette alliance est : « never against each other, not allways with each other. » 125
Passé le premier mouvement d’agacement réciproque, la Russie a loué la façon dont la Chine a géré la pandémie ; elle a envoyé des masques au tout début puis la Chine lui a renvoyé à son tour masques et docteurs. La Russie a bien entendu critiqué la politisation de l’épidémie par les USA. La Russie devra naviguer au plus près afin que le Covid 19 ne la vassalise pas davantage vis-à-vis de la Chine.
Quelques miscellanées en guise de conclusion.
Les enseignements stratégiques que l’on peut tirer de cette crise peuvent varier loaf pour loaf d’un jour à l’autre au gré des révélations.
Des pays asiatiques ont mieux réussi que la Chine tout en préservant leur économie. La leçon que l’Europe et les USA devront méditer est que c’est la première fois et à grande échelle que ce phénomène éclate. Il faut remonter au Traité de Portsmouth du 5 Septembre 1905 pour percevoir l’ampleur de ce choc qui laissera des traces dans nos représentations. C’est en effet la première fois et à grande échelle que le monde asiatique surclasse les anciens « colonisateurs » dans un problème aussi complexe.
“China will succeed in using the pandemic to “emerge from the wreckage as more of a global leader than it began,” as Mira Rapp-Hooper has written, only if the United States lets it.” 126
« Every international order must sooner or later face the impact of two tendencies challenging it’s adhesion. Either a redefinition of legitimacy or a significant shift in the balance of power. The order is submerged not primarily from military defeat or an imbalance in resources (though this often follows) but from a failure to understand the nature and scope of the challenge arrayed against it.” 127
Après la crise, il faudra rétablir une coopération médicale vigilante entre les USA et la Chine et l’Europe. En seront-ils capables?
“At the end of the day, U.S. leaders do not need to like or agree with their Chinese counterparts. But they do need to be able to develop a relationship with them that allows both countries to pull in the same direction at decisive moments when it serves mutual and global interests to do so. That minimum standard presently is not being met, and nobody in the United States or China is the better for it.” 128
Henry Kissinger dans un surprenant accès d’humilité écrivit :
« Il y a bien longtemps quand j’étais jeune, j’étais suffisamment présomptueux pour me croire capable de me prononcer sur « la signification de l’Histoire ». Je sais aujourd’hui qu’il s’agit d’un objet de découverte, et non d’affirmation. Mais c’est une question à laquelle nous devons chercher à répondre de notre mieux, tout en sachant qu’elle restera ouverte au débat ; que chaque génération sera jugée à son aptitude à affronter les interrogations les plus graves, les plus lourds de conséquences sur la condition humaine, et que les hommes d’État seront appelés à prendre les décisions nécessaires pour relever ces défis avant même de savoir qu’elle pourrait en être l’issue »
« Un ordre mondial d’États affirmant la dignité de l’individu, défendant un mode de gouvernement participatif et coopérants à l’échelle internationale conformément à des règles approuvées : tel peut être notre espoir, telle devrait être notre inspiration. » 129
Churchill jamais avare d’un bon mot : « La principale leçon de l’histoire est que l’espèce humaine est incapable d’apprendre ; »
Alors quelle stratégie adopter ? Celle qui nous semble la plus relevante demeure bien sûr ce que les stratégistes américains appellent : « Engage but hedge. ». Le problème est qu’au-delà d’une élégante formule, elle ne résout pas grand-chose ; et qu’elle nous laisse aux commençailles de l’antagonisme. L’histoire ne dépend, n’en déplaise, à certains de nous sera pas d’un grand secours Qu’on en juge:
« History is not, of course, a cookbook offering pretested recipes. It can illuminate the consequences of actions in comparable situations, but each generation must discover for itself what situations are in fact comparable” 130
Afin qu’il n’y ait aucun doute, nous tenons à affirmer avec la plus grande fermeté que le comportement chinois en cette crise est totalement inadmissible et irresponsable. But having sayd that ;
« Le propre de la médiocrité est de préférer un avantage tangible au bénéfice intangible que représente une meilleure posture » « Une cascade de Paradoxes si elle émoustille le philosophe constitue un cauchemar pour l’homme d’Etat. Celui-ci est, en effet, condamné à dépasser la simple contemplation Et à trouver une solution. » 131
Nous nous permettons de rappeler–humblement–à Donald Trump qu’il traite avec la Chine. Ce n’est ni la Corée du Nord, ni l’Iran, ni même la Russie. En 1969, lors d’une ridicule mais significative de clochers au bord du fleuve Oussouri, les Chinois alors qu’ils étaient dans un état de faiblesse militaire et de dénuement extrême face à une URSS nucléaire–donc sanctuarisée–et bien plus richement doté en armes conventionnelles, donc au faîte de sa puissance, n’hésitèrent pas de sauter à prime à la gorge des soviétiques.
À cette époque, le pari osé et risqué des chinois avait parfaitement validé le message de Mao : nulle puissance si titanesque soit-elle ne peut intimider la Chine.
Entendons-nous bien il ne s’agit pas bien évidemment, de passer sous les fourches caudines de Beijing ni même de céder à leurs chantages. Ce serait pure folie suicidaire. Il s’agit juste d’adopter une attitude ferme, protectrice de nos intérêts vitaux mais en prenant bien soin d’éviter toute provocation.
L’on nous objectera–avec raison–que c’est la demande que c’est là demander l’impossible à Donald Trump dont la seule définition des intérêts stratégiques américains se résume et se limite à la gestion de casinos et à sa réélection.
Quant à la provocation, elle est chez Trump, avec l’antipathie envers autrui ce qu’étaient au temps des rois de France le pâturage et le labourage…
L’on rappellera avec un amusement effrayé ce que pensait Bismarck de son Empereur Guillaume : Guillaume pense que chaque jour est son anniversaire !
Nous conseillons donc à Donald Trump de bien intégrer le scénario suivant avant qu’il ne soit trop tard.
Dans un conflit classique, il est impératif de sortir au plus vite d’une impasse. Faute de quoi, un des deux acteurs peut accepter une situation–momentanée–déséquilibrée dans le seul but de placer l’adversaire en situation périlleuse sur une marche plus haute de l’escalade.
Il faut donc que nos deux compétiteurs, Trump et Xi, comprennent les représentations et intérêts de l’autre.
A ce stade, les récriminations, les vitupérations, les griefs américains, quand bien même–fondés, et ils sont fondés, n’ont pas lieu d’être. Il est compréhensible que chacun pensant bénéficier de davantage d’atouts à un niveau plus élevé mais critique que l’autre veuille aller plus loin dans l’ascension conflictuelle.
Pour autant, les deux « partenaires–désormais adversaires–doivent trouver un gentleman’s agreement. Ils doivent impérativement réaliser que l’autre partie peut penser sortir de l’impasse en faisant monter les enchères à un niveau de bellicosité où chacun pensera être le maître du jeu.
D’aucuns emploient désormais à propos des conséquences du Covid 19 le mot guerre froide.
Pour notre part nous ne l’acceptons que partiellement. Mais nous vient à l’esprit une pensée de Virgile citée par André Fontaine dans ce qui demeure probablement la meilleure histoire de la Guerre Froide en ce sens qu’elle en exhale parfaitement le parfum. Ses analyses demeurent pour nous irremplaçables.
« La porte du noir pluton est ouverte nuit et jour mais revenir sur ses pas et remonter à la lumière du jour c’est là le pénible effort, la dure épreuve. »
Le lecteur intéressé par la Guerre Froide lira avec intérêt les livres récents de Odd Arne Westad : histoire mondiale de la Guerre froide et le court XXième siècle d’Eugène Berg.
La question ontologique demeure :
“What does China’s dramatic transformation mean for the United States and the global balance of power? Singapore’s Lee Kuan Yew, who before his death in 2015 was the world’s premier China-watcher, had a pointed answer about China’s stunning trajectory over the past 40 years: “The size of China’s displacement of the world balance is such that the world must find a new balance. It is not possible to pretend that this is just another big player. This is the biggest player in the history of the world.”
“What Xi Jinping Wants
China’s leader is determined to turn his country into “the biggest player in the history of the world.” Can he do it while avoiding a dangerous collision with America?” 132
Laissons le mot de la fin à Thierry de Montbrial – fondateur du think-tank IFRI classé en 2019 deuxième think tank le plus influent au monde et premier en Europe– qui écrit dans un très beau livre atypique et émouvant :
« Quand on a confiance en soi, on n’a pas peur de l’égalité. » « Je suis de ceux pour qui tout a un sens et qui sont sensibles au Mystère. Si le nouveau millénaire commence sous de moins bons auspices que le rêve néo hégélien de la fin de l’Histoire, c’est peut-être parce qu’une crise était nécessaire pour rappeler à l’homme les fondements de sa condition. Sans doute fallait-il des signes forts au seuil d’un nouveau tsunami scientifique et technique d’où le meilleur et le pire pourraient sortir. Ces signes, il faut les reconnaître et les interpréter. Les voies pour y parvenir sont le silence, la méditation, le parler à propos, l’action avec sagesse et détermination, la persévérance. » 133
Thomas Gomart « Pour ne pas céder à l’affolement du monde que produit immanquablement l’hostilité à l’égard de l’autre, suivons un dernier conseil de Machiavel adressé aux Dieci di libertà, les dix magistrats qui décidaient des opérations militaires de la République de Florence : Sortez maintenant de chez vous et considérez ceux qui vous entourent. » 134
« Mais, ainsi maître d’un savoir dont les ingénieuses ressources dépassent toutes les espérances, l’homme peut prendre ensuite la route du mal comme du bien. » 135
Leo Keller
Neuilly le 20 Mai 2020
notes
78 termes chinois significant tout ce qui est sous le ciel est chinois et ascension pacifique
79 Henry Kissinger in de la Chine p 32
80 Foreign Ministry Spokesperson Geng Shuang’s Regular Press Conference on March 12, 2020
81 Foreign Ministry Spokesperson Geng Shuang’s Regular Press Conference on March 12, 2020
82 Virgile in l’Eneïde
83 XINHUA Commentary: U.S. politicians’ smear attacks on China reveal irresponsibility, incompetence 2020-03-17
84 XINHUA Commentary: U.S. politicians’ smear attacks on China reveal irresponsibility, incompetence 2020-03-17
85 XINHUA Commentary: U.S. politicians’ smear attacks on China reveal irresponsibility, incompetence 2020-03-17
86 Philippe Moreau Defarges Donald Trump ou la Pax Americana doit hélas mourir un jour in Blogazoi 05/11/2017
87 Opening Statement before the United States Senate Committee on Armed Services at a hearing convened to discuss “Global Challenges and U.S. National Security Strategy. January 29, 2015
88 Shakespeare in Jules Cesar
89 Henry Kissinger in World order
90 email from the Harvard University President Lawrence Bacow to the university community that The U.S. and China Could Cooperate to Defeat the Pandemic Instead, Their Antagonism Makes Matters Worse By Yanzhong Huang March 24, 2020 On March 13,
91 George Washington in Farewell Address 1776
92 Obama ‘s address APEC Summit 2015
93 Raphaël Doan in Quand Rome inventait le populisme
94 Nicole Bacharan in Politique Internationale 165 Automne 2019 P228
95 Elie Baranets in Comment perdre une guerre
96 Cicéron in Catilinaires Deuxième discours chap XIII
97 Henry Kissinger in de la Chine p 506
98 Victor Hugo In Contemplations
99 Déclaration Angela Merkel le 19/03/2020
100 Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, tome 2, Paris, Fayard, 1997, p. 228
101 Source institut allemand Destatis
102 Déclaration Angela Merkel apres les sommets G7 OTAN 2017
103 Dominique Moïsi in Leçons de Lumières p 91
104 Propos attribué à William Shakespeare
105 Salluste in la Conjuration de Catilina
106 Philippe Moreau Defarges in Une histoire mondiale de la paix p 159
107 The economist May 7th 2020
108 Tweet de Gérard Araud du27 Avril 2020
109 Dominique Moïsi in le nouveau déséquilibre du monde page 249
110 Proust in à la Recherche du temps perdu
111 Victor Hugo in Actes et Paroles
112 Foreign Ministry Spokesperson Geng Shuang’s Regular Press Conference on March 12, 2020
113 Raymond Aron in chroniques de la Guerre Froide 13 déc. 1950
114 Le Monde du 14 Avril 2020
115 Foreign Ministry Spokesperson Geng Shuang’s Regular Press Conference on March 12, 2020
116 South China Morning 12 Mar, 2020 Rush Doshi director of the China Strategy Initiative of Washington du Brookings Institute
117 Henry Kissinger in de la Chine page 41
118 Henry Kissinger in de la Chine p 79
119 Henry Kissinger in de la Chine p 82
120 Brookings 2020/03/09
121 Brookings 2020/03/09
122 Trump told reporters Wednesday evening at the White House.April 23rd
123 Malcolm Cook The 4cs of Australia pandemic response in Blogazoi 10/05/2020
124 Edmund Burke in réflexions sur la Révolution Française
125 Dimitri Trenin in Carnegie Moscow 01052020
126 Laura Rosenberger in Foreign Affairs 22/04/2020
127 Henry Kissinger in World order pa 365
128 Ryan Hass in Brookings 2020/03/19
129 Henry Kissinger in l’ordre du monde p 352
130 Henry Kissinger in White House years p 54
131 Henry Kissinger in les chemins de la paix
132 Graham Allison in the atlantic May 31, 2017
133 Thierry de Montbrial in Une goutte d’eau et l’océan P 347/348
134 Thomas Gomart in l’Affolement du Monde p 286
135 Sophocle in Antigone
Entrez votre adresse mail pour suivre ce blog et être notifié par email des nouvelles publications.
« SE PROMENER D’UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE » VOLTAIRE
Entrez votre adresse mail pour suivre ce blog et être notifié par email des nouvelles publications.
© Copyright 2023 Blogazoi - Tous droits réservés.
Une réponse
Une mine de citations !
Texte à expliquer autant qu’explication de texte…. Aussi long à lire qu’à écrire.
Faut que je recommence.