"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE

mars 22, 2023

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L'Ukraine une géographie éclatée ; une histoire chahutée

 

« La bonne politique n’est pas de s’opposer à ce qui est inévitable ; la bonne politique est d’y servir et de s’en servir. »1
Les « Policy makers «   de tous bords seraient bien avisés de relire Ernest Renan avant que de se précipiter aveuglément et assurément dans le « Brinkmanship » si cher à John Foster Dulles.

Voilà plus de 23 ans que le monde s’est absenté des délices et poisons de la guerre froide et pourtant moult commentateurs se plaisent et se complaisent à vouloir revisiter férocement la manécanterie de sa liturgie.

A ceux qui « calomnient leur temps par ignorance de l’histoire » disait Flaubert, nous conseillons de se recueillir auprès des mânes de ceux qui sont morts pour la liberté face à un communisme qui n’était pas qu’un communisme du « goulasch » et que l’ontologie de la guerre froide avait mis aux prises en un système par essence hétérogène.

L’on ne sache pas que Monsieur Vladimir Poutine soit le parfait successeur de l’ex séminariste de Géorgie Yossip Vissarionovitch Djougachvili, alias Staline, abusivement appelé « Oncle Joe.»
Monsieur Lavrov a beau être un diplomate retors, il eût pourtant- à tout le moins – et à coup sûr visité les destinations touristiques si tristement renommées et hélas tant prisées du camarade Andrei Vychinski.

Pour autant, ni nos deux compères, ni Medvedev, trouveraient difficilement leur place au parti Populaire Chrétien Social de Jean-Claude Juncker !

Il ne nous viendrait pas non plus à l’idée d’y faire adhérer tout uniment Olexsander Valentynovitch, Viktor Ioutchenko, Léonid Koutchma et Léonid Kravtchouk. À cette aune l’on réservera bien entendu la première place sur le podium à Viktor Ianoukovitch. Quant à vouloir faire passer l’iconique Iulia Timochenko comme un parangon de vertu, il y a là un pas, que nous nous garderons bien de franchir.

Que le lecteur veuille bien faire montre d’indulgence et de longanimité si nous usons et abusons des citations ; elles ont cependant leur utilité en permettant l’analyse sur le temps long.

« Comment voulez-vous éduquer une nation qui n’a pas de tradition de liberté. Nous Tchèques, nous sommes un peuple malheureux. Notre ancêtre, Czech, Dieu lui accorde une gloire éternelle, était un imbécile ! Il existe tant de jolis endroits au monde et voilà qu’il s’est arrêté précisément là où il s’est arrêté pour nous mettre entre les Allemands et les Russes. »

Ces propos furent tenus par Jan Masaryk en revenant de Londres un an avant sa défenestration par feu les soviétiques. Avis aux amateurs éclairés de la guerre froide ! L’on pourra dans une veine historique, dans le cas de l’Ukraine, remplacer utilement l’Allemagne par la Pologne.
Thomas Masaryk avait – en son éminente sagesse – parfaitement su intégrer ce dangereux cousinage dans sa subtile politique étrangère. Eût-il été Président de l’Ukraine, les choses n’en fussent point venues en cette extrémité.

L’Ukraine : une géographie éclatée ; une histoire chahutée !

Juger l’expédition de Poutine en Crimée ainsi que sa passacaille ukrainienne à la seule aune de critères moraux permet certes de donner bonne conscience aux belles âmes. Ne les privons donc point de ce plaisir !

 

Pour autant elle ne tient pas compte des réalités d’une région où une géographie éclatée le dispute à une histoire chahutée. D’autant plus que la sismicité de ces pays est rémanente.

Et surtout l’on ne voit pas très bien en quoi, la moralité savamment et bellement indignée permet d’esquisser une solution.

Que l’on nous permette de citer le délicieux et si spirituel Oscar Wilde :
« La question n’est de pas de savoir si tel livre est moral ou bien immoral. Les livres sont mal écrits ou bien écrits. C’est tout. »
Il est certes bel est bon de tempêter contre le sieur Poutine. Mais l’on aurait tort – et grandement tort.
L’on se rappellera utilement ce que Winston Churchill – fin connaisseur es conflits- écrivait :
« Ceux qui prétendent que rien n’a jamais été réglé par la guerre disent des âneries. En fait rien dans l’histoire n’a jamais été réglé autrement que par la guerre. »
Si le lecteur veut affiner l’analyse, il remplacera guerre par coercition.

C’est encore Sir Winston qui disait dans son style flamboyant : « Il ne sert absolument à rien de défendre un gouvernement ou un parti, si vous n’êtes pas disposés à le défendre contre les pires choses qui lui sont reprochées. »

Qu’on le veuille ou non l’équilibre des puissances demeure la pierre angulaire des relations internationales. Et chaque fois, lorsque d’aventure, les « Policy makers » ont voulu dédaigner cette réalité, les wagons de l’histoire ont charrié leurs conflits en grand arroi.

Et pourtant, il suffit de relire ce qu’un orfèvre en la matière écrivit en 1954 pour comprendre que le chaudron ukrainien éclaterait.
« Cette stabilité, par conséquent, a en général résulté non pas d’une recherche de la paix, mais d’une légitimité reconnue telle par tous. Dans le sens que nous lui donnons ici, « légitimité » n’est pas synonyme de justice. Il s’agit uniquement d’un consensus international portant sur la définition d’accords fonctionnels, et aussi sur les règles du jeu diplomatique, qu’il s’agisse des moyens ou des fins. Ceci implique que l’ensemble des grandes puissances acceptent les structures internationales existantes »2

S’esquiver de la longue période hivernale de la guerre froide nous a anesthésié et induit en erreur. Les occidentaux ont voulu croire que le printemps serait radieux.
Et l’on a allègrement, trop allègrement, troqué un monde frôlant constamment la catastrophe mais sans risques pour un monde sans vraie catastrophe mais avec cependant l’ombre portée de vrais risques de conflits.

Qu’on en juge ! Sur les 23 ans qui nous séparent de la fin de la guerre froide, les USA ont été en guerre durant 13 ans !

Au trébuchet de l’histoire que l’URSS ait implosé sans conflit relève du miracle.
Au trébuchet de l’Histoire que l’URSS se soit désagrégée en une quinzaine d’états restera un mystère pour les historiens.
À cette aune les événements ukrainiens étaient tout sauf imprévisibles.
Et vouloir faire porter au seul Poutine la responsabilité de la crise nécessite – à tout le moins – d’être détaché de tout scepticisme !

 

« En procureurs déchaînés contre ceux qui recevaient leur héritage »

L’on se rappellera- avec amusement- Raymond Aron qui écrivait :
« En procureurs déchaînés contre ceux qui recevaient leur héritage. »3
Il arrive que l’histoire qui sait avoir la mémoire longue se venge. Au bref intermède de l’hégémonie US dans un monde unipolaire – qui par ailleurs ne pouvait que susciter crispations et réactions – le monde revient à une situation « habituelle » constitutive du système international.
Cette conjoncture n’a per se rien d’anormal. C’est toujours Raymond Aron qui le décrivait ainsi.
« J’appelle système international l’ensemble constitué par des unités politiques qui entretiennent les unes avec les autres des relations régulières et qui sont toutes susceptibles d’être impliquées dans une guerre générale.»
4

Après Bush senior, les américains (et les Européens dans une certaine mesure) ont commis deux erreurs et une faute.
N’avoir pris que très tardivement conscience de la menace stratégique chinoise quand bien même la Chine n’était pas encore le géant économique d’aujourd’hui, relève au mieux de la myopie intellectuelle.
N’avoir pas compris qu’une Russie aux souvenirs impériaux mais aux habits élimés, rapiécés et étiqués chausserait tôt ou tard l’ambition, la place et la posture menaçantes de l’Eurasie tsariste et communiste, relevait à tout le moins d’une grande paresse intellectuelle.

N’avoir pas compris que le triangle Moscou Washington Pékin, si brillamment décrit par Michel Tatu, pouvait à nouveau se muer en un triangle Moscou Pékin Washington dénote un singulier manque de vision stratégique et une impardonnable billevesée.

Enfin, mais là les Européens en dépit de leurs divisions et ratiocinations n’en portent pas la responsabilité, avoir enterré et trop vite enterré, l’Europe dans leur doctrine du « Pivot » constitue une formidable faute.

Il est vrai qu’avec le départ de Bush senior l’administration américaine n’en est plus à une près !

Quand bien même l’hégémon américain demeure le seul à maîtriser la totalité des attributs de la puissance, quand bien même il est le seul à discipliner les « Global Commons », quand bien même l’armée américaine est formatée pour mener simultanément deux guerres – voire deux guerres et demi- elle ne saurait aujourd’hui lutter à la fois concomitamment contre la Chine et la Russie. De surcroît dans leurs « étrangers proches ».
A fortiori si celles-ci présentent un front uni et a fortiori avec des alliés indisciplinés quand bien même l’hégémonisme US – même déclinant – demeure encore assez attractif pour des alliances ressortissant du « Bandwagoning ».
Esquisser une explication et un commencement de solution à l’affaire ukrainienne requiert donc impérativement d’établir des priorités.
« Foreign Policy is the art of establishing priorities » Henry Kissinger

Parce qu’elle est la seule à être portée par une vraie puissance économique, une géographie conséquente, voire imposante, et une réelle capacité à dire son histoire à travers son collier de perles, la Chine est à notre avis la seule vraie menace stratégique.

Iran, Corée du Nord, menaces islamistes ne représentent – pour des raisons évoquées dans d’autres articles – que des menaces de moyenne intensité voir basse intensité.

Ainsi selon que l’on privilégie ou pas la menace chinoise, ou selon que l’on considère avec plus d’attention le mémorandum de Budapest au regard de la prolifération nucléaire, la lecture du conflit ukrainien prête à divergence d’interprétations et de réponses.

Considérons l’hypothèse d’un remake à l’envers du triangle Moscou Washington Pékin, si subtilement échafaudé par l’orfèvre qu’est Henry Kissinger, il est alors concevable- en termes de Realpolitik- de comprendre Poutine et de ne surtout rien entreprendre qui pourrait le précipiter dans les bras impatiemment tentaculaires de la Chine.
Tertius gaudens !

Que le lecteur nous pardonne un nouvel emprunt littéraire à Raymond Aron.
« Il ne faut ni acculer les projetés d’une religion conquérante, maîtres d’un vaste empire, au désespoir, ni par la faiblesse éveiller en eux la tentation. » 5
Chalouper entre ces deux rivages hautement et dangereusement escarpés, voilà toute la gageure. Le dit en est aisé, l’art en est davantage compliqué !

Si par contre, l’on change de focale et que l’on privilégie le danger de la prolifération nucléaire – ce qui est tout aussi concevable et justifié– alors le mémorandum de Budapest nous impose de stopper net les dévorantes ambitions du camarade Poutine.
Tertium non datur !

En outre la morale – malheureusement absente du premier scénario – se rappelle à nous dans le dernier cas. Convenons bien volontiers que ce dissensus nous contriste profondément !
Face à cette dualité séminipare, qui demeure la question centrale, le conflit se décline à son tour en moult diversités qui relèvent davantage de principes dyadiques que d’une parfaite anastomose.
Nous nous proposons donc en essayant d’être le plus compendieux possible de répondre aux questions suivantes :

Primo. L’Ukraine et la Crimée ont-elles une histoire au sens où Ernest Renan l’entendait ? Sont-elles oui ou non des entités à la viabilité et à la pérennité assurées ? Cela étant posé et clairement posé l’État ukrainien à défaut de nation existe bel et bien.

Secundo. Quel est le substrat idéologique qui nourrit Poutine ? Poutine est-il oui ou non rationnel ? Son cœur penche-t-il vers l’eurasianisme ou sa raison l’entraine-t-il vers la « Maison commune » ? Quels sont les raisons et intérêts qui le poussent à prendre de tels risques ?

Tertio. Quelles sont ses armes ?

Quarto. L’Europe et les États-Unis ont-ils oui ou non de réels intérêts dans cette région ou à tout le moins leurs intérêts sont-ils aussi prégnants que ceux de la Russie ?

Quinto. L’Europe et les États-Unis ont-ils oui ou non les moyens de s’opposer aux visées poutiniennes ? Comment ne pas tomber dans le piège de l’hubris chinoise ? Comment éviter que les États-Unis ne se retrouvent piégés en un diabolique engrenage ? Les ombres chinoises toujours !

Sexto. Quels sont les éléments de sortie de crise ? Oui ou non le pesant harnois de l’intangibilité des frontières doit-il rester un dogme sacro-saint ? Ou pour dire les choses autrement comment faire coïncider la morale avec la Realpolitik ?

Voilà les questions que nous nous proposons d’aborder.

Le millefeuille des nationalités

Pour Ernest Renan une nation c’est avant toute une communauté de souvenirs et de souffrances partagés ! C’est le référendum permanent du vouloir vivre ensemble. Il ne semble pas que cela soit l’ADN de l’Ukraine.
Depuis que Kiev a été le berceau du « rus » au neuvième siècle, l’entité ukrainienne a été ballottée entre la Pologne, l’Autriche-Hongrie, la Russie, les tatars, l’Empire Ottoman etc.

Cela ne forme pas une nation. Tout au plus un millefeuille de nationalités et de coutumes. Les frontières naturelles de l’Ukraine ont été chantournées au fil des siècles par les conquêtes de ses grands voisins.
Même du temps des cosaques l’Ukraine fut administrée par la Russie et par la république des Deux Nations. Il faudra attendre la révolution de Février 1917 pour voir l’irruption sur la scène mondiale d’une Ukraine indépendante. L’intermède fut bref puisqu’il ne perdura que jusqu’en 1920.

Et encore la concordance géographique laisse à désirer d’avec l’Ukraine actuelle. Mais qu’importe cela n’est pas la première fois qu’un tel phénomène advient en histoire. Qu’un état ait été la proie de puissants voisins est tout sauf rare en histoire. C’est même un paradigme.

Ce qui est par contre plus intriguant c’est une quasi aboulie d’avoir su, pu, voulu promouvoir l’émergence d’une nation véritablement ukrainienne. Il est vrai, et ceci explique cela, que le grand géographe Mackinder avait écrit dès 1904 dans The Geographical Pivot of History :

 

« Qui contrôle l’Europe de l’Est contrôle le cœur de l’Eurasie. Qui contrôle le cœur de l’Eurasie contrôle l’ile- monde. Qui contrôle l’île- monde contrôle le monde. »

Dans la Revanche de la Géographie, Robert Kaplan exprime brillamment l’émergence de l’Europe de l’Est -cœur de l’Eurasie -et donc de l’Ukraine dans le seul but de favoriser, de fragiliser et l’empire tsariste et la puissance allemande.
Le nationalisme ukrainien a été encouragé en 1917 à seule fin de faire contrepoids à l’URSS ; elle en a payé le prix en 1921. Et même lors du traité de Brest- Litovsk l’Ukraine dépendait de l’Allemagne.

Il n’en reste pas moins que fidèle à la politique des nationalités en URSS l’Ukraine a reçu en héritage des frontières arbitraires. L’on s’évertue à s’indigner devant l’hypothèse ou la menace d’une sécession ukrainienne mais l’on ne sache pas que l’on se fût indigné de la sorte pour la Tchécoslovaquie schismatique, pays pourtant nourri depuis plus de 1000 ans d’une vraie histoire alimentée, par une authentique culture et une vraie démocratie.

Certes la Russie n’y avait point d’intérêts. Elle n’y a donc point joué les pompiers pyromanes.

La Crimée est devenue russe en 1783. Par un étrange clin d’œil qui tenait plus de l’éthylisme du camarade ukrainien Nikita Khrouchtchev, Moscou a étêté l’URSS de la Crimée pour en faire cadeau à l’Ukraine. L’on ne sache pas que l’on ait consulté la Crimée quant à son rattachement à Kiev .Et l’on ne sache pas non plus que l’Ukraine se soit beaucoup souciée des Tatars.

L’on a trop tendance à en oublier les raisons. 1954 est le tricentenaire du traité de paix Pereiaslov où les cosaques d’Ukraine firent allégeance à Moscou.
La Crimée ou les noces de Figaro !

L’on ne sache pas que cette dernière s’en soit plainte alors !
L’on ne voit pas davantage pourquoi l’Ukraine y trouverait aujourd’hui à redire.
Le terme même d’Ukraine signifie région frontalière. Certes le dogme de l’intangibilité des frontières a préservé le monde de bien des conflits. Ce n’est pas là le moindre de ses mérites.

Pour autant les nations, les peuples, les frontières ne sauraient être les objets figés du droit international. Tout comme les êtres humains ils ont leur destin propre et une espérance de vie variable. A fortiori lorsque dame géopolitique s’en mêle.
L’on ne peut réclamer le droit pour les peuples à disposer d’eux-mêmes et ne pas en tirer toutes les conséquences !
Refuser aux russophones ce que l’on a accordé à la Lituanie, l’Estonie ou la Baltique relève de la corde raide.

Bien sûr, il eût mieux valu une solution négociée harmonieusement et pacifiquement. Vouloir faire fi des relations internationales en a décidé autrement. A force de vouloir nier les lignes de tension elles finissent par éclater au visage.

Les deux camps protagonistes citent en interprétant- chacun à leur façon – l’embrasement et l’éclatement de la Yougoslavie. Soit ! Et acta est fabula !
Mais enfin, comme le disait le Général de Gaulle on peut aussi regretter le temps des équipages en calèche !

Pourtant, et parce que débarrassée de la gangue (certains disaient de la clique titiste –Ô tempora Ô mores) communiste, la Yougoslavie a éclaté parce que justement elle se devait d’éclater.
Ite missa est !

Etre dans le Heartland, voilà la problématique ukrainienne ! « Mais la Russie bien qu’elle ait perdu après la chute du mur une grande partie de ses territoires, cherche toujours à prendre l’ascendant sur le Heartland – Biélorussie, Ukraine, Caucase et Asie centrale – dont la domination reste, un siècle après Mackinder, l’un des principaux enjeux géopolitiques de la planète. » 6

« La géographie n’explique pas tout, et elle n’apporte pas non plus de réponses universellement valables. Elle n’est que le théâtre immuable où se joue le combat des idées. Même quand elle unifie, les idéaux- tels que la démocratie, la liberté ou le sionisme dans sa dimension spirituelle – ont un rôle essentiel dans la formation de l’identité nationale. Lorsqu’un peuple n’a d’autres facteurs d’union que la géographie, comme ce fut le cas pour l’Égypte d’Hosni Moubarak ou pour le Japon du parti libéral-démocrate, l’État est en proie à un malaise insoutenable ; il peut bien être stable, mais il ne sera jamais dynamique » 7

 

« Car il existe une constante dans la vie des nations : lorsqu’un pouvoir central, étatique ou pas (encore), renonce ou échoue à assumer sa vocation fondamentale incarnée par le social, des groupes extrémistes prennent la relève. Le phénomène est universel… »8

« Jamais explication univoque de l’effritement de la chute d’un régime ou d’un gouvernement modéré, une atmosphère sociale délétère n’en reste pas moins essentielle à l’appréhension des crises politiques graves… »9  

Frédéric Encel, le géopoliticien bien connu auteur de ces lignes parle d’or ; il avait prévu –bien avant la plupart des analystes- et l’avènement des « Printemps arabes » et les conditions de leur chute éventuelle !

Si l’Ukraine se veut donc État celui-ci doit être fédéral. Toute autre solution est dans son cas vouée à l’échec. Hélas pour l’Ukraine il semblerait – jusqu’à plus ample informé –qu’elle n’a incorporé dans son substrat et dans son psyché ni Nicomaque ni son éthique.

70 ans de cohabitation douloureuse, houleuse et soumise à l’ours soviétique n’ont pas vraiment forgé un caractère ukrainien. Staline a su fort habilement jouer et se jouer du principe des nationalités.
Et si le camarade Nikita Khrouchtchev- légendaire entre autres pour ses chaussures- était ukrainien il fût tout sauf un Quisling soviétique.
20 ans d’étroite coopération entre la Russie et l’Ukraine ont également favorisé la consanguinité des organes régaliens de l’Ukraine avec la Russie. L’on est en droit de se poser la question non seulement sur la nature kleptocrate de l’Ukraine mais de la loyauté de son appareil sécuritaire. Seuls des esprits chagrins s’aventureraient à suggérer que cela explique ceci !
Au SBU le FSB jouait à domicile !

L’on est également en droit de s’interroger si l’indépendance de l’Ukraine en 1991 n’a pas été accordée pour permettre l’éclosion d’une caste d’oligarques.
A cette aune, il n’est que juste de souligner qu’en agissant de la sorte l’Ukraine n’a fait qu’imiter- sans toutefois les égaler- les pratiques ambiantes en Russie. Pratiques non franchement désavouées, et pour cause, par Poutine lui-même.

Une faiblesse congénitale ; une marionnette.

L’histoire récente de l’Ukraine ne laisse pas de montrer depuis l’indépendance en 1991 une faiblesse congénitale et une dépendance avec la Russie qui tiennent davantage du cordon ombilical que d’une relation saine et équilibrée.

L’incompétence des dirigeants ukrainiens ne laisse donc pas de soulever des questions sur la qualité de l’indépendance ukrainienne. Tout cela ne peut qu’empêcher une adhésion populaire à l’État.
Les tensions sécessionnistes semblent endémiques. Déjà lors de l’accession à l’indépendance en 1991 elles se sont avérées conséquentes tant dans la partie occidentale qu’orientale. En outre les oligarques de l’État ukrainien n’ont pas su démontrer l’unité du pays, provoquant en cela un rejet d’une frange importante de leur population.

Même la marionnette Ianoukovitch a jugé bon d’ignorer la partie russophone lors du précédent gouvernement si justement décrié. Sur 17 ministres, seuls deux provenaient de l’est du pays. Ajoutons à cela que l’Ukraine et la Crimée sont restées des appendices de la Russie.

Au nationalisme exacerbé des russophones se greffent dans l’est du pays un chômage endémique de loin plus important, une désindustrialisation également plus forte, un manque d’infrastructures criant, une industrie minière trop similaire à celle de la Russie; autant d’éléments qui ne plaident pas pour l’unité du pays.

Entendons-nous- sauf à vouloir jouer les Fouquier-Tinville ou Robespierre, il n’est pas totalement incompréhensible ou anormal qu’un État fraîchement indépendant ait recours à l’oligarchie pour accompagner les premiers pas de son développement économique.
Après tout, les mafias russes ont aussi permis et l’évitement de l’effondrement économique total de la Russie et son redémarrage économique !
Pour autant les anciennes démocraties populaires s’en sont ou totalement passées ou s’en sont très vite débarrassées.
Pour autant la kleptocratie n’a pas diminué en Ukraine depuis l’indépendance.

L’affrontement du chocolatier Petro Peroschenko et de la spécialiste des contrats gaziers Iulia Timochenko n’a en rien innové. Habiter et habiller les étincelants habits de lumière de Dubcek ou Lech Walesa, semble hors de portée des hommes politiques ukrainiens.

La valse-hésitation de l’abandon de la langue russe en Ukraine puis l’annulation de la mesure ont montré l’immaturité et l’irresponsabilité des pouvoirs publics ukrainiens. Il eût fallu être fin danseur pour ne point commettre un tel faux pas.

L’irrésolution de Iartsenouk et l’exacerbation de la place Maïdan rappelaient le scénario yougoslave.
Un État qui foule au pied des principes aussi élémentaires, alors qu’il a vocation à être un pont entre l’Est et l’Ouest se doit d’être fédéral. Faute de quoi il encourt les plus grands risques.
Et lorsque Monsieur Lavrov déclare – certes de façon péremptoire – que c’est la vocation de l’Ukraine d’être un pont il ne fait pas autre chose que de rappeler une vérité d’évidence.

Where you stand depends on where you sit.

Lorsque Poutine que nous avons autocrate appelé, affirme que l’Ukraine n’est pas un État à part entière, il est bien entendu moralement condamnable et il doit l’être, mais il n’a pas tort historiquement.
Certes, l’intangibilité des frontières se rappelle à nous mais l’on ne saurait faire complètement fi du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
L’Allemagne et le Japon d’après-guerre, la Finlande ont su accepter les amputations de souveraineté que la géopolitique leur a imposées.
Être du mauvais côté de la Kalachnikov commande réflexion et retenue. Where you stand depends on where you sit.

Pour autant, et nous l’admettons bien volontiers, lorsque Poutine agite impunément le brandon des minorités il relève aussi du pompier pyromane. Être le dirigeant d’un état voulant retrouver son rang et sa place dans un condominium suppose-à tout le moins- d’être capable de respecter des règles de droit international.
Sauf à avoir les moyens militaires de s’en affranchir ! Et encore !

L’on ne sache pas que l’Ukraine disposa d’une telle panoplie !

La situation économique du pays ordonnait à l’Ukraine un modus vivendi avec son puissant voisin. Que cette dépendance ait été orchestrée par Moscou ne change rien à l’affaire.
Lorsque Madame Iulia Timochenko affirme qu’il revient aux seuls ukrainiens de décider de leur sort, nul ne saurait l’en blâmer, même si ses concitoyens n’ont pas toujours fait montre de lucidité ou de prudence élémentaire. Elle a certes raison, en théorie du moins.

Nombres d’états ont accepté une pratique un tant soit peu différente et se sont accommodés d’une souveraineté limitée. La liste de tels états est longue ; nous n’en citerons que les plus connus : Finlande, Allemagne, Japon, Tchécoslovaquie, Cuba, Sud-Vietnam, Liban etc.
Parce que ces états ont accepté de telles amputations ils ont survécu et lorsque d’aventure ils les ont rejeté, alors leur viabilité est devenue vacillante. La Tchécoslovaquie et le Sud-Vietnam en portent encore les douloureux stigmates !

Un État en déliquescence, des prurits nationalistes, des géographies successives, une histoire mal assumée et surtout trop diversifiée et dont les lieux de mémoire appartiennent à d’autres, une devise -la Hrivna- passablement dévissée, une politique étrangère tournée vers l’Europe dans le but d’éviter une troïka, autant d’images obsédantes et douloureuses qui nous renvoient à une région que nous avons Balkans appelée.

Hélas pour les ukrainiens cela ne contribue point à rendre un État viable. Pour avoir superbement ignoré ces considérations, les traités de Versailles, Sèvres et Saint-Germain-en-Laye ont durablement imprimé leur part de responsabilité.
Le reconnaître alors, l’ignorer maintenant !

Avoir pris il y a quelques années l’Europe et ses compagnies énergétiques en otage et en en détournant le gaz à elles destiné, l’Ukraine s’est révélée un vulgaire boucanier nous ramenant à l’âge d’or de la flibuste !

Au moins la Géorgie n’avait point agi de la sorte en 2008. Et pourtant le pipeline BTC- enfant chéri des USA et d’Israël- la traverse de part en part.

L’Europe n’aurait jamais dû permettre le siphonage du gaz russe par l’Ukraine. Mais il est aussi vrai que l’Europe ainsi que les USA ont noué des relations incestueuses avec l’oligarchie ukrainienne.
A cette aune les majors occidentales sont tout sauf innocentes !

Vouloir faire passer l’Ukraine et les ukrainiens comme « les meilleurs des Européens » selon la belle mais naïve formule de Bernard Henri-Lévy dénote dans le meilleur des cas un bel mais ignorant irénisme et dans le pire des cas une cécité intellectuelle.

Avoir mentionné le glorieux et noble motto « no pasaran » place Maïdan est tout sauf élogieux pour les républicains espagnols martyrs de Guernica.

Oui les ukrainiens aiment l’Europe !
Oui les ukrainiens sont sensibles au « praor » symbole de la douceur chez les grecs !
Oui les ukrainiens ont agité à l’envi le drapeau de l’Europe !

Mais reconnaissons-le, les ukrainiens apprécient aussi les subventions européennes- si généreusement accordées aux pays de l’ex Union Soviétique- qui ont adhéré à l’Europe !

Pravi Sektor, Svoboda et Stepan Bandera – quand bien même en perte de vitesse – dégagent un parfum trop empreint de soufre qui ne saurait se mêler aux effluves si délicatement précieuses de Nicomaque, Montesquieu Voltaire ou Jean Monnet.

Kiev n’est pas à Rome, Klishko n’est pas Robert Schuman, et Timochenko n’est point la fille de Simone Veil !

Pour dire les choses autrement il est tout sauf sûr que les ukrainiens partagent vraiment les valeurs judéo-chrétiennes de l’Europe.
Trop de corruptions, trop de brutalités, trop d’incivilités, trop de prégnance religieuse, trop de verticales du pouvoir, trop de peur, trop de méfiance, trop de sous-développement économique ne constituent pas un passeport pour être européen à part entière !

Il était criminel de faire miroiter l’Union Européenne à l’Ukraine. François Hollande, plus heureux en politique étrangère qu’en politique intérieure (il est vrai que l’exercice est des plus faciles) a eu cette formule très juste que BHL aurait dû méditer.
« L’Ukraine n’est pas dans l’Europe mais l’Ukraine est en Europe. »

Ianoukovitch s’est tout simplement, plus fortement, et surtout plus visiblement engoncé dans la kleptocratie et l’autocratie que ses prédécesseurs. Voilà tout !

Mais surtout il a été élu en 2010 à peu près légitimement. Le chipotage électoral relève en Ukraine -comme en Russie d’ailleurs- du sport national ! Il faut en effet une forte dose de crédulité pour ne pas être interpellé par la consanguinité ambiante des Présidents, Premiers Ministres et Ministres ukrainiens.
À cette aune Madame Iulia Timochenko est loin de déroger à cette élémentaire règle de survie.

Non contente d’avoir interdit l’usage de la langue russe, non contente d’avoir fait preuve d’irrésolution, non contente d’avoir siphonné le gaz à destination de l’Europe, la nouvelle équipe en place à commis l’insigne erreur de se débarrasser des hommes de Moscou dans l’ancienne équipe.
Une simple conversation téléphonique avec le roi Juan Carlos eût suffi pour qu’ils n’eussent point commis cette monstrueuse erreur.

L’avènement de relations stabilisées, équilibrées apaisées et démocratiques à un prix. Ne pas vouloir l’accepter souligne- à l’envi- l’immaturité politique des dirigeants ukrainiens. La démocratie c’est aussi savoir briser les chaînes des vieilles rancœurs rassies.
« Pardonner est une action plus noble et plus rare que de se venger. » 9

Winston Churchill informé le 15 avril 43, que les nazis avaient découvert dans la forêt de Katyn les cadavres de plus de 8000 officiers polonais sauvagement exécutés par les soldats de la barbarie bolchevique trop heureux de complaire au criminel Staline, eût cette réponse frappée au coin du bon sens :
« S’ils sont morts, rien ne pourra les faire revenir… Nous devons vaincre Hitler et ce n’est pas le moment de provoquer des querelles ou de lancer des accusations… »
Rébus sic stantibus, il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir éployer une telle intelligence.

Le souvenir de Dubcek

Demeure une lancinante question. Pourquoi l’Ukraine n’a pas suivi les exemples polonais ou tchécoslovaque d’atterrissage en douceur ?
Quels démons ont donc poussé l’Ukraine en une malédiction infernale à se précipiter inexorablement vers une autocratie kleptomane. ?
La chape de la dictature soviétique, certes ! Pourtant à peine à peine plus poignante en Ukraine qu’ailleurs !
L’on ne sache pas que Janosz Kadar fut ukrainien !
L’on ne sache pas que Rákosi fut ukrainien !
L’on ne sache pas que Clément Gottwald fut ukrainien !
L’on ne sache pas, davantage, que Dubcek, Imre Nagy, Arthur London, Slansky fussent ukrainiens !


Et il n’est pas non plus nécessaire d’avoir une imagination débordante pour se rappeler que Richard Yari à la tête de la tristement célèbre UVO commanda l’organisation militaire ukrainienne et collabora avec le criminel Ernst Röhm.

Dès avant la seconde guerre mondiale sont établies les fondations du régiment de combat ukrainien « Brandebourg. »
À la figure d’Arthur London ou Slansky paradent dans la psyché ukrainienne Stepan Bandera, grand philosémite devant l’éternel, aujourd’hui encore célébré par certains place Maïdan.
On le voit place Maïdan le mois de mai n’est pas que souriant.
Il est vrai qu’à cette triste aune le procès des blouses blanches plaide pour le camarade Staline.
Reconnaissons-le, ces menues béatilles ne sont point là pour abecquer les idéaux et insuffler une âme à une nation blessée.

Ajoutons à cela qu’il n’y a pas de vraie société civile en Ukraine, que ce régime – à tout le moins autiste- manque de confiance en soi , écartelé entre une Russie envahissante et une Europe dont la générosité(savamment dispendieuse ou prudemment économe c’est selon) s’est arrêtée à ses frontières.

À la différence des ex-démocraties populaires qui ont su en- règle générale- faire un travail de mémoire, mais sans toutefois pratiquer une chasse aux sorcières, l’Ukraine a préféré s’installer en un régime autocrate et kleptocrate. C’est en partie pour cela, mais en partie seulement, que le Printemps Orange et le mouvement de la place Maïdan sont restés des mouvements acéphales.

Prague a connu sa révolution de velours, Vaclav Havel en fût sa figure emblématique. Maïdan n’a point de capitaine au long cours pour diriger le bateau ivre. L’équipage livré à lui-même est d’ailleurs toujours à l’heure où nous écrivons sur le pont.

Dans son discours du 1/8/91 Bush père, dont le cerveau fonctionnait visiblement mieux et plus vite que celui de son fils, et suivant en cela les sages conseils de Henry Kissinger, avait exhorté Kiev de ne pas écouter les sirènes « d’un nationalisme suicidaire » dont l’issue fatale les entraînerait à quitter l’orbe russe et ne pourrait qu’exacerber l’ire de Moscou.

Kiev n’ayant pas jugé bon de se couler dans une posture finlandaise, licence de chasse accordée à l’histoire de dérouler le maëlstrom que l’on connaît ! Il n’est pas rare que des dictateurs ou autocrates au petit pied se réfugient dans un nationalisme agressif afin de se concilier la quiescence du peuple qui n’en peut mais !

Comme l’a si justement exprimé Henry Kissinger la racine du problème est que par manque de maturité chaque minorité a voulu imposer sa loi.
Ce qui pose déjà problème dans des pays anciennement établis et dotés d’une âme démocratique comme la Suisse, la Belgique ou le Canada est annonciateur de troubles profonds.

L’empire austro-hongrois n’y a pas résisté ; la Tchéco–Slovaquie pour avoir fait trop confiance en la démocratie et aux démocraties en a payé le prix.
L’on ne voit pas pourquoi le Royaume-Uni, sommé d’accorder à l’Écosse l’indépendance n’inspirerait point l’exemple dévastateur à une Ukraine à l’indépendance malheureusement toute récente (1/12/91.

Il n’en reste pas moins que les résultats du référendum du 11 mai sont là. Avec une participation concernant- il est vrai essentiellement les russophones et non russophiles (75%)- on a compté à Donetsk 89 % de oui, à Louhansk 90 % de oui.
En dépit d’inévitables irrégularités ce référendum même illégal, se pare d’une légitimité certaine.

Il n’aura pas échappé à l’attention de l’observateur de noter la déclaration sibylline du porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères le 31 mars : « Il y a des raisons pour lesquelles la situation en Ukraine en est là aujourd’hui. »

Venant d’un pays dont la tradition, bien connue, d’épouser la cause des séparatistes (nous laisserons le soin aux Tibétains et Ouïgours d’apprécier) cette prise de position ne manque ni de cynisme, ni de réalisme et ni d’humour !
Les accords du 20 février, non signés par Moscou, mais fort impudemment revendiqués par la suite par Moscou ont été rompus par la fuite honteuse et rocambolesque de Ianoukovitch.

Le vide laissé dans un régime – rappelons-le une fois de plus élu démocratiquement – et mis à bas par la rue a laissé la place en Ukraine à une zone grise.

Nul ne peut en Ukraine revendiquer désormais la totalité du droit et du terrain pour lui. Ainsi depuis le 6 avril Donetsk, Kharkiv, Louhansk entre autres sont aux mains des pro-russes.

Pour autant l’on ne voit pas de réel support de la population. L’on ne distingue pas non plus un enthousiasme débordant, souvent même de la part de ceux qui ont voté oui.

Tant il est vrai que les anciens compagnons de l’ours russe connaissent et apprécient le comportement de cet ours devant un pot de miel. Pour autant l’on a vu des policiers ukrainiens tourner casaque à première semonce.

L’on comprend d’autant mieux Iulia Timochenko qui demandait au gouvernement         -alors sous son influence- de ne pas utiliser la force contre les russophones. Son analyse des rapports de force est d’autant plus fine que des commentateurs, à tout le moins assurément malintentionnés, avaient suggéré qu’elle voulait préserver ses chances lors de la présidentielle.

Enfin pour ajouter à cet imbroglio de minorités en Ukraine, la palme revient à Viktor Orban illustre professeur de démocratie et accessoirement Premier Ministre de Hongrie qui a revendiqué récemment lors de la conférence de Globesec du groupe Visegrad l’autonomie pour les 200 000 Hongrois vivant en Ukraine.

On eût pu croire que passée la tardive bévue de l’épisode de la langue russe et grâce aux premières mesures visant à reconnaître une certaine facilité aux russophones, la situation eusse pu se calmer. Il n’en fut rien.

Les prurits nationalistes ont repris de plus belle confirmant en cela et à rebours la fameuse théorie de Tocqueville sur la loi de l’entropie et les conditions nécessaires analysées par Walt Rostov dans les étapes du développement.

Il n’en reste pas moins qu’Yves Roucaute peut écrire en toute impunité : « l’unité de l’Ukraine vaut-elle une guerre ? Pas même une larme ! Pourtant une armada s’est précipitée au secours de Kiev au nom du droit international, de l’histoire, de la morale même. »10
Et de recommander de ne pas recommencer l’erreur commise avec les Sudètes que l’on a précipité dans les bras de Hitler.

Après ce bref survol quant à la situation de la « nation ukrainienne » il n’en demeure pas moins que cette analyse laisse de côté trois points majeurs qui sont tout aussi légitimes que ceux évoqués précédemment.

Primo. L’État ukrainien existe bel et bien. Et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes obéit à une grammaire élémentaire.
Vouloir en phagocyter les règles, vouloir s’affranchir de sa syntaxe qui définit son équilibre et son économie le pervertissent totalement. Par définition un État regroupe des individus différents.

Secundo. Une légitime revendication ne saurait être portée par la force, a fortiori par le terrorisme et l’ingérence extérieure.

Tertio. Enfin autoriser un État de droit et son dirigeant à s’affranchir de toutes les règles posera à la longue des défis et dangers qui pourraient nous ramener aux imbroglios de la fin du XIXe siècle.

Leo Keller

PS Nous aborderons les autres questions dans la suite de cet article

Notes
1 Ernest Renan
2 Henry Kissinger in le chemin de la paix.
3 Raymond Aron in carnets de la guerre froide
4 Raymond Aron in paix et guerre entre les nations.
5 Raymond Aron in carnets de la guerre froide
6 Robert Kaplan in la revanche de la géographie P 201
7 Robert Kaplan idem p 272.
8 Frédéric Encel in les conséquences stratégiques de la crise P 160
9 William Shakespeare
10 Yves Roucaute in le Monde

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