"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE

mars 22, 2023

Hugo Billard (2)
L'Union Européenne est- elle un Empire par Hugo Billard

Hugo Billard est professeur d’histoire géographie et géopolitique en classes préparatoires HEC au lycée Saint-Michel-de-Picpus (Paris). Auteur de nombreux ouvrages pour les lycées et les classes préparatoires, il est spécialiste de l’histoire de l’Europe et de la construction européenne. Il anime chaque semaine l’émission de géopolitique « Planisphère » sur Radio Notre-Dame (100.7). »Il a la passion de l’enseignement.
Voici le texte de sa conférence donnée lors des Rencontres Géopolitiques de Trouville 20 MAI 2018.
Nous vous souhaitons, chère lectrice et cher lecteur le même bonheur de lecture que nous avons eu à écouter sa conférence qui nous a captivé. Nous le remercions de nous avoir confié son texte.

L’UNION EUROPENNE EST-ELLE UN EMPIRE ?

Définissons le terme Empire. Historiquement ce mot est par nature polysémique et ce concept de sciences politiques a aujourd’hui une connotation plutôt négative : dans Mon dictionnaire géopolitique (PUF, 2017), Frédéric Encel écrit qu’elle est associée à « l’impérialisme, à l’autoritarisme et finalement à la guerre ».

1. Empire est un terme qui se transforme

Qu’appelle-t-on empire ? Nous avons en tête les grandes structures impériales antiques et médiévales : empire égyptien, empire romain, Saint Empire Romain Germanique, empire chinois, empire moghol (1526 Babur – 1857). Elles ont trois points communs : la longue durée, l’influence territoriale et maritime, et une forme de centralité politique, juridique et culturelle. Mais nombre de cités-Etats ou de royaume se sont proclamés ou ont été appelés empires malgré leur brièveté, et parce qu’ils avaient pour point commun le contrôle fiscal et juridique de populations disparates : l’empire athénien, l’empire Songhaï, aux XVe-XVIe s. autour du fleuve Niger, l’empire Monomotapa, dit Grand Zimbabwe, aux XVe-XVIIe. Aux XIXe et XXe siècles, le terme se transforme : les empires sont coloniaux ou idéologiquement influents. On en vient à qualifier d’empire tout territoire non-européen placé sous l’influence coloniale d’une métropole européenne – Etats-Unis et Japon aussi – et surtout qui se qualifie lui-même d’empire.

Le terme empire n’a pas toujours été négatif, mais son sens s’est fortement transformé, et peut être différent selon les cultures. Prenons quelques exemples de l’usage du terme empire au XIXe siècle, parmi les Etats européens.
En France, l’échec du Premier et du Second Empire sont parés d’une aura bien différente : pour le premier, empire expansionniste continental influent indirectement tout au long du siècle ; pour le second, empire ambigu selon que l’on y lise une ambition modernisatrice plutôt réussie ou une influence internationale plutôt ratée (guerre de Crimée, guerre du Mexique, guerre franco-prussienne). Côté français, l’empire est vu comme un système politique certes centralisé mais surtout influent par-delà les frontières.

En Allemagne, l’empire (reich) est assimilé à la fois à une puissante association territoriale plurielle (le Saint Empire Romain Germanique) qui ne veut héritière de la puissance impériale romaine et carolingienne, puis à une construction expansionniste nationale sous domination habsbourgeoise puis prussienne, et sous le nazisme à une centralisation expansionniste raciale (IIIe Reich). Mais guère d’influence, sauf par la contrainte militaire, par-delà les frontières.

En Italie, l’empire est une nostalgie de l’empire romain antique entretenue par le fascisme comme par la présence pontificale. On peut aussi voir, en Padanie, un discours positif sur l’influence du Saint Empire Romain Germanique puis de l’Autriche, qui aurait créé les conditions de naissance du capitalisme aux XVe et XVIe siècle, quand le Sud restait agricole, féodal et plus pauvre.

Côté britannique, l’empire est en apparence thalassocratique et commercial. Mais il repose sur une alliance contractuelle d’Etats. L’acte d’union de 1707 (AngleterrePGalles + Ecosse), l’acte d’union de 1801 (GrandeBretagne + Irlande). En 1931 le Statut de Westminster crée le Commonwealth, qui permet de transformer progressivement l’empire colonial en empire contractuel. A toutes les échelles, l’empire britannique est régi par le contrat, aidé par la force.

Le terme empire est donc par nature polysémique, sujet à propagande nationale pour l’Etat ou la nation placée au cœur de cet empire.

Raymond Aron dans République impériale. Les Etats-Unis dans le monde 1945-1972 (1973), rappelle qu’empire a deux sens. Premier sens : la nature du régime intérieur (imperium), souvent lié à une unité suprême descendante. On peut penser à la fois au fonctionnement théorique de l’empire romain, dont l’affirmation symbolique passait par le culte impérial, et au fonctionnement réel de l’empire napoléonien, dont l’affirmation symbolique passait par la diffusion des lois et règlements. Second sens : la réunion d’une pluralité de peuples, payant tributs et conquis le plus souvent. Empire s’oppose alors à nation. La France s’oppose à l’empire allemand (SERG / IIe Reich), quelques soient les régimes réels. Même l’Empire napoléonien considère la France comme le cœur de l’empire, et ne lui applique pas les mêmes lois qu’aux autres territoires. Le modèle austro-hongrois, dont je n’ai rien dit plus tôt, correspond théoriquement à cette définition, même si de fait la domination autrichienne y est majeure.

Un dernier mot, et j’en finis pour les termes. Il faut distinguer impérial et impérialiste. Pour reprendre Raymond Aron, les Etats-Unis sont un empire, mais pas un régime impérialiste. Un régime impérialiste impose à ses alliés, ses clients, ses protégés, ce qu’Aron appelle la « prise officielle de souveraineté ». L’URSS, entre 1948 et 1989, a montré nombre de moments de cette imposition (Coup de Prague de 1948, Répression de Budapest en 1956, Répression du Printemps de Prague de 1968, intervention en Pologne au début des années 1980). A contrario un régime impérial n’impose pas par la force, mais propose. Par exemple l’OTAN n’a pas été imposé aux gouvernements d’Europe occidentale. Le Pacte de Varsovie l’a été aux gouvernements d’Europe orientale. Quand la France a obtenu la bombe nucléaire, ou s’est retirée du commandement intégré de l’OTAN, les Etats-Unis ne sont pas intervenus contre elle autrement que par la diplomatie.

Ces « attitudes impériales » créent donc une histoire mais aussi une mémoire qui influence notre manière de concevoir et de penser la dimension impériale des puissances d’aujourd’hui.

2. Peut-on penser l’Union européenne comme un empire ?

Pour y répondre, je vous propose de suivre une grille de lecture qui vaut ce qu’elle vaut, mais qui a le mérite de la clarté du questionnement, à défaut de l’exhaustivité des réponses.

Commençons par définir l’empire européen à partir des critères impériaux classiques, proposés par Jean Tulard en 1997 (Les empires occidentaux de Rome à Berlin, PUF). Il faut ici préciser que nombre d’arguments relèvent à la fois des faits mais aussi de la perception des rapports de force que les acteurs intériorisent.

1) Premier critère : un empire a une volonté expansionniste. Pour l’UE : oui, mais ambiguë.
Les traités précisent une définition continentale de l’UE, avec appel à adhésion depuis 1957 pour les Etats de l’Ouest (Norvège candidature 1962, rejetée 1972 par référendum), et après 1992 pour les Etats libérés des dictatures communistes (2004 adhésion des PECO Pays d’Europe Centrale et Orientale). Il n’existe aucune volonté de s’étendre hors du continent. Le Maroc a vu sa candidature rejetée en 1979 sous la raison de se situer hors du continent européen.
Le problème de la définition de cette volonté expansionniste vient de la définition des frontières européenne : faut-il intégrer la Russie ? la Biélorussie et l’Ukraine ont-ils vocation à rester dans les marges russes ? Malte et Chypre ont adhéré en 2004 mais la Turquie, candidate depuis 1987, n’est pas comprise par l’opinion publique européenne comme un Etat du continent. Ce premier critère donne lieu à des ambiguïtés donc à des interprétations, en partie apaisées par la contractualisation des relations entre l’UE et quelques voisins : Politique de Voisinage avec l’Ukraine (menacée par la Russie), Union Pour la Méditerranée mort-vivante.

2) Deuxième critère : une organisation politique centralisée. Pour l’UE : oui, mais partielle.
Commission / Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement = peuple contre Etats ?
Les Etats comme support principal de légitimité politique de l’UE, qui est une association d’Etats (Conseil des chefs d’Etat et de Gouvernement). Mais le traité de Lisbonne de 2007 a fait du Parlement européen l’instance de légitimité politique pour la nomination du président de la Commission Européenne, qui est choisi au sein du groupe majoritaire : l’UE est aussi en partie supranationale. Ou plutôt semi-supranationale : la Commission est à la fois sous le contrôle des Etats et du parlement. La Cour de Justice de Luxembourg joue de plus en plus le rôle d’une Cour Suprême, par sa jurisprudence qui s’impose aux tribunaux des Etats membres.
François Clémenceau rappelait hier le « Washington is broken » de l’antifédéralisme US, c’est sans doute la même chose qui se déroule aujourd’hui pour Bruxelles dont la légitimité est sans cesse interrogée parce que pour les peuples les Etats sont politiquement placés au même niveau que l’UE, mais en même temps les directives – dont certaines peuvent paraître étranges – donnent lieu à des critiques d’une vision descendante où l’UE serait supérieure aux Etats. Sans régulation claire de cette ambiguïté, l’UE crée de la frustration : elle est vue par l’opinion publique comme un Etat, mais qui n’aurait pas les moyens de ses fonctions. Une réponse possible tient à la pédagogie, aujourd’hui très faible, sur le fonctionnement de l’UE, et à l’incarnation politique de ses dirigeants : les grands Etats continuent d’y envoyer des seconds couteaux alors que c’est là que se décide l’essentiel du futur des Etats membres.

3) Troisième critère : des peuples encadrés par une armature politique et fiscale commune. Pour l’UE : non, mais en construction.
Les critères de Maastricht (1992) et d’Amsterdam (1997) ont bâti une armature économique commune (objectifs, normes). Symboliquement la monnaie commune donne aux populations le sentiment que l’économie est européanisée. Mais il n’existe pas d’imposition commune. Le budget de l’UE ridiculement faible, et le nombre de fonctionnaires aussi. Une anecdote pour faire une comparaison qui n’est pas juste en droit, parce que leurs fonctions ne sont pas comparables : à Bruxelles travaillent 44 000 fonctionnaires européens, mais la Ville de Paris emploie 48 000 agents. Bref, il manque donc une incarnation politique et économique de cet encadrement, d’où le fait que ressorte régulièrement, depuis l’installation de l’Euro, le projet d’un ministre de l’économie et/ou des finances de la zone €.

4) Quatrième critère : la croyance en une supériorité d’essence. Pour l’UE : non, en tout cas institutionnellement.
L’Européanité est d’abord une culture commune, une identité – j’éviterai ici toute définition exhaustive de l’identité européenne. Elle n’est pas incarnée par l’UE, mais l’UE est l’institution qui pourrait l’incarner en étant le fer de lance d’une connaissance commune (prog Erasmus, ECTS universitaires, obligation études à l’étranger). Mais il n’existe, dans le projet européen, aucune croyance directe dans une supériorité d’essence, qui peut en revanche exister dans la culture politique des peuples européens : sentiment de supériorité de l’Occident, né à l’époque coloniale, racisme classique (Europe blanche), homogénéité culturelle (Europe seulement chrétienne).

5) Dernier critère : un début et une fin clairement identifiés.
Le début de la construction européenne est le fruit des guerres continentales, du projet pan-européen de Coudenhove-Kalergi dès 1923, mais surtout par le projet de Communauté Européenne du Charbon et de l’Acie, le 9 mai 1950, par le ministre français des Affaires Extérieures Robert Schuman. Tous les autres traités ont accéléré et densifié ce projet initial.
La question de la fin est par nature impossible à résoudre : les empires n’en finissent pas de mourir et restent des modèles dont se revendiquent les successeurs. La question n’est pas pour moi celle de la fin d’un empire européen, mais celle des conditions de la transformation de l’UE en autre chose. Soit une simple assemblée égalitariste, sur le modèle suisse, ce qui implique un retrait des affaires du monde faute d’une gouvernance incarnée. Soit un Etat supranational clairement incarné, doté d’une Défense autonome, d’une autorité politique légitime par l’élection du président de la Commission au suffrage universel direct, et qui laisse s’exprimer les anti-européens dans le cadre de lois communes qui ne menacent pas l’UE (Constitution européenne) – l’UE serait alors un Etat. Soit autre chose, qui serait le fruit de compromis face aux crises. Mais quelque soit la solution, se poseront toujours les questions de la légitimité politique de l’institution européenne, celle de sa Défense, et celle de l’application de ses valeurs.

Aucun des critères de Jean Tulard ne s’applique : l’UE n’est pas un empire.

3. On peut néanmoins penser l’UE comme un empire par sa capacité d’influence.

Aujourd’hui on parle d’empire à propos de tout Etat qui exercerait une domination interne et une influence externe suffisamment fortes pour que son autorité ne soit que difficilement remise en question (empire américain, russe, chinois). Il s’agit plutôt d’une domination économique accentuée par une capacité stratégique. Mais je ne dirai rien ici de l’influence économique. Le PIB de l’UE à 28 se trouve, avec 14.500 milliards entre le PIB des Etats-Unis (autour de 19.000 milliards de dollars) et de la Chine (12.500 milliards). Sans le Royaume-Uni, à partir de mars 2019, le PIB de l’UE sera l’équivalent momentané de celui de la Chine. Les interdépendances entre les économies sont telles aujourd’hui que la définition de l’influence, à ce niveau-là, ne peut pas être seulement économique.

Aujourd’hui la définition d’empire est plutôt liée à l’influence. Certains empires sont réellements influents à l’échelle mondiale : Etats-Unis, Chine, Union européenne : ils ont les intérêts géopolitiques de leur démographie, mais pas toujours les instruments de cette influence. D’autres empires autoproclamés sont les cache-sexes d’ambitions régionales : néo-ottomanisme turc, néo-persisme iranien (arc chiite), syndrome obsidional russe à ses frontières (néo-soviétisme).

Un des chefs de file du mouvement néo-conservateur américain, Robert Kagan, a comparé les Etats-Unis et l’Europe dans deux ouvrages. En 2003 dans Du paradis et du pouvoir. L’Amérique et l’Europe dans le nouvel ordre mondial, il oppose deux modèles différents. Les Etats-Unis suivent l’idée que l’histoire se fait par les conflits. Donc ils peuvent s’émanciper du droit international par leur position de puissance majeure. L’UE est en revanche pour Kagan un « paradis post-historique » qui suit le modèle de paix perpétuelle de Kant. L’Europe est pour lui arc-boutée sur le droit international par faiblesse stratégique (pas de Défense commune, pas d’incarnation politique donc de planification politique claire). Mais paix intérieure, prospérité, quitte à sacrifier volontairement une partie de sa souveraineté (OTAN, acceptation extraterritorialité lois US : les procès Google Facebook sont un début d’autonomie ?). La multiplication des attentats terroristes change peut-être la donne : soit ce sont des attentats intérieurs (type Fraction Armée Rouge, voir la nationalité française de nombre de djihadistes) et rien n’a besoin de changer (pas de remise en cause sur le temps long du modèle de paix perpétuelle : nous gagnerons), soit ce sont des attentats extérieurs et la menace nécessite que la faible Europe devienne forte et s’autonomise stratégiquement (= nous risquons de perdre). Pour Kagan les Etats-Unis doivent répliquer aux menaces parce qu’ils sont forts et qu’ils doivent se défendre, et ne doivent pas s’occuper des réactions des Européens, parce qu’ils sont faibles et qu’ils les protègent. Pour Kagan, si l’UE veut être plus puissante, elle doit se défendre elle-même. Le « moment Trump » sera-t-il l’instant provocateur de cette mutation ? Ceux qui ont inspiré ou appliqué une partie de ces idées (John Bolton conseiller à la sécurité national, Mike Pompeo secrétaire d’Etat, etc) sont aujourd’hui au pouvoir à Washington.

En 2008 Robert Kagan change en partie d’optique et publie Le retour de l’histoire et la fin des rêves. Il y signe, contre les idées initiales de Francis Fukuyama (la Fin de l’histoire et le dernier homme, 1992), l’idée que nous vivons la fin de l’après-guerre froide. Retour aux relations conflictuelles classiques entre les puissances, comme au XIXe siècle. Maintien de la puissance américaine, essor de la Chine, de l’Inde, maintien de la volonté russe de contrôle de ses frontières. Pour lui, « l’autocratie est en train de faire un come-back » : Russie, Chine, Iran. Il constate une alliance entre les autocraties et une alliance entre les démocraties : la compétition devient pour lui « la caractéristique dominante du monde du XXIe siècle ».
Il propose une ligue des démocraties (EU, UE, Japon, Australie, Inde, Brésil) pour lutter ensemble dans les institutions mondiales (ONU, OMC, G8/G20) contre les autocraties.
Pour Kagan, il n’y a pas de « fin de l’histoire » à la Fukuyama, mais une victoire possible par l’alliance et la détermination des combattants.

Les décisions du président Trump depuis janvier 2017 (retrait COP21, retrait UNESCO, retrait Accord de Vienne et prisme anti-iranien) mettent les Européens au pied du mur : soit suivre, soit rompre. Mais si l’UE est un empire, elle ne peut ni suivre les EU ni rompre et rejoindre les autocraties, mais proposer un 3e modèle qui ferait d’elle-même le principal centre de décision. Pour l’instant, comme elle n’est pas stratégiquement unie, ses seuls instruments d’influence sont économiques : l’euro comme arme monétaire, les normes commerciales, les normes environnementales.

L’UE n’est donc pas un empire extra-continental. Europe et UE sont synonymes. Mais trois questions se posent pour que l’UE puisse s’imposer comme une puissance extracontinentale qui ne soit pas seulement économique ou culturelle:
– l’UE pourra-t-elle se doter des instruments stratégiques de sa puissance (armée continentale, armes de dissuasion collectives financées en commun, financement commun d’interventions militaires extérieures, relations encadrées avec ses voisins Russie Turquie Etats-Unis) ? Ceci interroge aussi le rôle de l’OTAN.
– l’UE voudra-t-elle se doter d’un plan stratégique d’influence, sur le modèle de ce que les néo-conservateurs américains ont pu théoriser dans les années 1990 ? Le retrait britannique prive l’UE de cohérence de ce point de vue, et place en première ligne stratégique le couple franco-allemand.
– l’UE pourra-t-elle mettre à distance la Russie et les Etats-Unis pour s’identifier à une puissance politique, ce qui implique aussi une unification institutionnelle et une incarnation politique ? Pas sûr que ses grands Etats l’acceptent, ni que les Etats pro-américains (PECO) y consentent.

Pour terminer : l’UE n’est aujourd’hui ni un empire ni une volonté d’empire. Mais les générations changent. Les enfants d’Erasmus sont partagés entre identification nationale et identification européenne. Pour moi, l’indicateur majeur des transformations du dessein européen vient de la manière dont les élites des Etats vont imaginer leur influence au sein de l’UE : ceux qui la prennent au sérieux (l’Allemagne) y trustent les places administratives à Bruxelles, ceux qui s’en fichent y envoient des seconds couteaux (la France). Sans pédagogie du rôle et de l’avenir de la construction européenne, le repli identitaire national est pavlovien (Hongrie, Pologne, Italie, etc).
Seul élément qui puisse rassurer : la parole des grands Anciens. Dans ses Mémoires Jean Monnet écrivait « L’Europe se fera par les crises. Elle sera la somme des solutions apportées à ces crises ». La balle est entre les mains de ceux qui voudront faire une somme qui construise une Europe-puissance, ou de ceux qui n’en feront qu’une Société des Nations. Le choix entre l’une et l’autre tient à la manière dont sera menée la pédagogie politique autour des enjeux continentaux et mondiaux. La balle est entre les mains des politiques et des médias.

Hugo Billard, 20 mai 2018.
hugobillard@gmail.com

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