"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
février 1, 2023
Qu’elle était belle la conquête de l’espace !
Par Eugène Berg
La course à l’espace , on l’ ‘a peut-être oublié , avant de devenir une entreprise civile et commerciale, fut l’ objet de prouesses technologiques et vitrine idéale de propagande et de légitime fierté. Elle battait son plein : et occupera les esprits jusqu’à la conquête de la Lune en juillet 1969.
A l’automne 1957 le lancement du premier satellite artificiel soviétique, à partir du cosmodrome de Baïkonour , le Spoutnik, le 4 octobre, à 1h 28 heure locale, inaugura une nouvelle ère de conquête de l’espace et de son utilisation à des fins militaires, un processus ininterrompu qui vient d’être illustré par la décision du 6 août 2018 de Donald Trump de créer une sixième armée dédiée qu’à l’espace.
En janvier 1958, l’équipe dirigée par le professeur Werner von Braun, l‘homme des V2, V4… réussit à placer sur orbite le satellite artificiel Explorer 1, à l’aide d’une fusée enfin fiable, Jupiter. Le 1er octobre 1958 fut créé la puissante NASA (National Aéronautiques and Sace Administration).
En 1959, le développement de la nouvelle génération de missiles, les Polaris destinés aux sous -marins les Thor et les Minuteman accrut encore les dépenses de défense, ce qui rendit Eisenhower furieux : il demanda, prêchant largement dans le désert que l’on évite « l’hystérie et la démagogie ».Mais la campagne présidentielle battait son plain. Life écrivait que le missile gap mettait les Etats -Unis gravement en péril ».Après le lancement du Spoutnik, Khrouchtchev s’était vanté en déclarant que l’URSS pouvait produire des missiles en très grand nombre, comme des « saucisses » et l’a cru sur parole! Des sénateurs démocrates allaient jusqu’à dire qu’en 1962, les Soviétiques auraient 3000 ICBM de première frappe ! Les vols secrets des U-2 révélaient une tout autre réalité . Nikita Khrouchtchev décida de se débarrasser des missiles SS -6 trop grands ; vulnérables, immobiles et ordonna la construction de missiles SS – 7 plus mobiles. Les clichés des U-2 révélaient que 35 ICBM placés le long du Transsibérien. A plusieurs reprises John Foster Dulles, poussa le président à dévoiler la vérité, mais celui-ci refusa de le faire. Son silence réduisit la crédibilité de l’administration républicaine ce qui sapa la campagne du vice -président Richard Nixon face au sémillant John Kennedy.
En janvier 1959 la sonde Luna 1 devient le premier engin à quitter l’orbite terrestre et à survoler la Lune (à environ 6000 km d’altitude). Quelques mois plus tard, le 13 septembre, Luna-2 en s’écrasant sur notre satellite est le premier vaisseau spatial à toucher un autre astre. Le 7 octobre Luna-3 photographie pour la première fois la face cachée de la Lune. En août 1960, Spoutnik-5 est la première mission à ramener sur Terre sains et saufs les êtres vivants (deux chiens, quarante souris, deux rats ainsi que des plantes) qu’elle a lancés dans l’espace. Ce qui prépare le premier voyage spatial et la première mise en orbite d’un humain réussie avec Iouri Gagarine le 12 avril 1961 où il resta 1 h 09 dans l’espace, un retentissant exploit qui fut célébré avec faste à Moscou.
Gagarine au firmament soviétique
Toute leur vie les Moscovites ont gardé en mémoire, le souvenir de cette journée d’apothéose que fut le vendredi 14 avril 1961. Elle n’eut guère de précédent depuis la fête de la Victoire, seize ans auparavant, et aucune journée de gloire n’égala certainement celle-ci.
Le moment était en effet historique : après avoir lancé le premier spoutnik, la patrie des travailleurs et des paysans avait envoyé la première un homme dans l’espace, lui ouvrant des avenirs radieux. L’agence Tass ne fut pas avare de détails »
« Youri Gagarine à bord du premier navire cosmique, le Spoutnik Vostok ( Orient) avait effectué », le 12 avril,,( jour anniversaire de la mort du président Roosevelt, plusieurs rotations autour de la Terre, d’une durée de 89,1 minutes chacune, avec un éloignement minimum de la surface de la Terre (périgée) de 175 kilomètres et un éloignement maximum (apogée) de 302 kilomètres. Un vol accompli à 28 000 km à, l’heure. »
Le héros du jour, comme les centaines de milliers d’acteurs de cette étonnante journée n’eut pas un instant de répit depuis les premières ovations qui l’avaient accueilli à l’aéroport, quand une forêt de bras le hissèrent dans le ciel en fin de matinée jusqu’aux dernières notes du concert qui clôtura les cérémonies tard dans la soirée au grand palais du Kremlin étincelant de lumière aux bords de la Moskova. Ce n’était pas encore l’été, mais la chaleur populaire y pourvoyait largement. La manifestation de la place Rouge dura plus de trois heures.
Elle dépassa en ampleur tout ce que l’on avait pu voir d’analogue lors des plus grandes fêtes du régime. Toutes les institutions du pays, tous les groupes humains de jeunes, des syndicats, des vétérans, les milliers de collectifs tenaient à lui rendre hommage et célébrer leur victoire. Combien de gens ont ainsi défilé ? Un million ? Plus ?
Il est difficile de le dire avec précision : mais ce sont bien trois millions de personnes qui de l’avenue Lénine à la Place Rouge sont descendues dans la rue pour contempler leur héros dont les traits représentaient tout ce qu’il y avait de spécifiquement russe, visage rond, large sourire, larges épaules et cette stature droite jamais empreinte de solennité
Le héros soviétique rêvé.. La réception donnée ensuite au grand palais du Kremlin a, battu tous les records. Plus de quatre mille invités se pressaient dans les quatre salles ouvertes pour l’occasion de la Salle Saint Georges, au bout de laquelle Nikita Khrouchtchev s’installa avec son pupille. Jusqu’au « Palais à facettes », vaste salle dont les voûtes ne reposent que sur un pilier central.
C’est là que se déroulait autrefois le banquet du sacre. La liesse la plus vive y régnait, la vodka aidant, sous les merveilleuses fresques de Simon Ouchakov, qui remplacèrent celles détruites lors de l’incendie de Moscou en 1812. Maréchaux, Ministres, savants, académiciens, ambassadeurs, épouses et filles de dignitaires, le Tout Moscou se bousculait dans cette foule bigarrée et joyeuse, parmi laquelle on se désignait au passage les figures les moins attendues :
Celle du grand rabbin de Russie, du mufti, du patriarche Alexis enfin -le seul invité qui, en raison de son grand âge, eu droit à un siège et mangea de fort bon appétit au milieu d’un cercle impressionnant de prélats en robes noires. D’autres les savants, ingénieurs et techniciens anonymes, qui n’étaient jamais encore apparus au grand jour, responsables des fabrications « cosmiques » et qui, comme Khrouchtchev le dira sont venus en nombre.
Nikita Khrouchtchev s’acquitta avec un plaisir non dissimulé de ses fonctions de maître de maison, de grand animateur et principal orateur. Il donna libre cours à sa verve. Son visage rayonnait plus que de coutume de bonheur et d’orgueil, il sourit, exulte. Son discours, comme celui de la Place Rouge, exalte des thèmes classiques: la force et la supériorité du régime communiste auquel il attribue en totalité le mérite de l’exploit. La vaillance du peuple soviétique prêt à relever tous les défis et réaliser tous les exploits. Le mot « parti » est revenu plus souvent dans tous les discours que « cosmos ».
La victoire remportée le 12 avril sur la nature est celle du Parti, de la révolution de Lénine, du système socialiste, et le sien, Khrouchtchev tient bien à le faire savoir à toute la planète et à son peuple.
A la veille du XXIIè Congrès du PCUS, en octobre 1961, Khrouchtchev se verra attribuer le titre, de « Père du cosmos ».Devenu ambassadeur de son pays, Gagarine visitera plus de 30 pays jusqu’à ,sa mort, survenue le 27 mars 1968 au cours d’un vol qui lui fut fatal, le cosmonaute ayant voulu revenir à son métier de pilote.
Un an plus tard en août 1962 ce sont deux vaisseaux habités Vostok 3 et 4 qui sont simultanément dans l’espace. Le 16 juin 1963 s’envole la première femme Valentina Terechkova
Aujourd’ hui l’espace est devenu presque banalisé, mais reste toujours un indicateur de puissance., le champ d’une nouvelle compétition sino -américaine, qui deviendra peut -être encore plus implacable.
Eugène Berg
Notes
[1] Anciennement Leninsk durant la période soviétique , est une ville du Kazakhstan créée en 1995 et administrée par la Russie par un accord bilatéral jusqu’en 2050Elle s’est développée autour du cosmodrome de Baïkonour et a été officiellement rebaptisée Baïkonour le 20 décembre 1995.
2 Sphère de 58 cm de diamètres d’un poids de 83,6 kg , qui ne comporte que deux émetteurs, il a été mis sur orbite à 900 km d’altitude au moyen d’une fusée atteignant 8000 m/s. Le monde entier se met à l, ‘écoute du « bip bip » qui peut être reçu par de simples radio émetteurs. L’ envoi de la chienne Leika, en novembre 1957 poursuit ce succès.
3 Gagarine Ou le rêve dans l’espace, Yves Gauthier, Gingko. En 2017 un sondage du Levada Center le plaçait à la sixième place dans le Panthéon russe, après Staline, Poutine, Alexandre Nevski, Pierre le Grand et Pouchkine
4 La Lune une aventure, Le Monde, 18 juillet 2019.
Biographie Eugène Berg
Carrière diplomatique
– Ministère des Affaires Étrangères
Direction des affaires politiques, puis au Service des Nations unies et Organisations Internationales.
Adjoint au Président de la Commission Interministérielle pour la Coopération franco-allemande.
Consul général à Leipzig (Allemagne).
Ambassadeur de France en Namibie et au Botswana.
Ambassadeur de France aux îles Fidji, à Kiribati, aux Iles Marshall, aux Etats Fédérés de Micronésie, à Nauru, à Tonga et à Tuvalu.
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