"SE PROMENER D'UN PAS AGILE AU TEMPLE DE LA VÉRITÉ LA ROUTE EN ÉTAIT DIFFICILE" VOLTAIRE
mai 28, 2023
La vie de bohème ou les bulles de champagne !
En cette veille de vacances place à l’enchantement !
La période étant propice au dolce farniente, j’ai donc eu envie de vous proposer quelques réflexions sur ce mouvement jubilatoire qu’était la bohème.
Certaines de ces lignes s’inspirent de la conférence brillantissime de Luc Ferry donnée dans le cadre des grandes conférences du Figaro au théâtre des Mathurins.
L’homme est diablement intelligent. Notre philosophe-ministre est doté d’une culture impressionnante et d’un humour décapant voire décoiffant. Last but not least, il le sait et il en joue; ce qui ajoute à son charme.
La bohème, à ne pas confondre avec ce qu’est devenu le médiocre avatar de la Nuit Debout était composée de jeunes, d’étudiants, journalistes, écrivains, artistes etc. Mouvement profondément anti-bourgeois -même s’il en compta quelques-uns, il fût profondément rafraîchissant.
Anti-bourgeois car contre toutes les idées reçues et bien-pensantes (ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui le politiquement correct) il fit table rase du passé et de toutes les conventions qui ennuient et embarrassent la vie.
« Les bohèmes, veulent enchanter le monde, le rendre plus joyeux, plus amoureux, plus fantaisiste, plus humoristique. Ils veulent ils veulent rompre avec le monde bourgeois qui est le comble de l’ennui à leurs yeux. » Luc Ferry
Ironie, nombre d’entre eux deviendront plus tard membres d’une Académie Française qu’ils avaient pourtant honnie ou d’une administration où ils pontifieront à leur aise, à leur guise et à leur tour.
Comme on n’aime pas le côté ennuyeux du bourgeois, on s’affuble de noms les uns plus drôles que les autres: Les incohérents, les fumistes, les zutistes, les jemenfoutistes, les hydropathes, etc.
Leur arme : l’humour dont ils useront et abuseront pour choquer le bourgeois. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose !
Abraham Lincoln disait d’ailleurs fort justement : « Dieu devait aimer les hommes ordinaires puisqu’il en a tellement crée. »
Toujours l’humour dans le personnage de Monsieur Prudhomme d’Henri Monnier que Balzac érigera en archétype.
« La nature est prévoyante : elle fait pousser la pomme en Normandie sachant que c’est dans cette région qu’on boit le plus de cidre. »
La bohème donna son nom à un opéra éponyme où la légèreté et l’insouciance planent jusqu’à la fin tragique mais prévisible de Mimi.
Vous pourrez écouter ( le lien se trouve en bas de l’article) avec ravissement la toujours sublimissime Anna Netrebko interprétant l’air de la bohème (Quando me’n vo’) de Puccini.
Mouvement profondément parisien car c’est de la ville lumière que peuvent virevolter et pétiller comme des bulles de champagne les idées nouvelles. Ce fût la fête permanente tant qu’ils ne se prirent pas au sérieux.
Certains seront d’ailleurs profondément républicains.
Et l’on fête les idées nouvelles dans de charmants endroits appelés : « brasseries de femmes. » Je vous laisse deviner !
Plus tard lorsque le prurit communiste fera son œuvre ou ses dégâts, et s’emparera d’eux, les bohèmes deviendront profondément ennuyeux. La bohème, c’est une rupture, une révolution permanente- mais dans la joie- avec la tradition.
Oser ! Toujours oser déconstruire pour l’innovation permanente !
Sans aller jusqu’à dire que Jean Monnet fût un bohème, je pense quant à moi, qu’il aura fallu un côté bohème aux Pères Fondateurs de l’Europe pour bousculer certaines idées. Et comme la bohème, l’Europe est une merveilleuse idée née des villes et non des campagnes où l’on a rarement vu surgir des idées nouvelles.
Ce mouvement a disparu de sa belle mort car il ne reste malheureusement pratiquement plus rien à transgresser de nos jours sauf trois ou quatre choses ignobles tels que le racisme, l’antisémitisme, la pédophilie et le viol.
Seuls de sombres crétins, des lâches ou de parfaits salauds voire les trois à la fois s’y risqueraient.
Pour profiter de vos vacances je vous recommande donc le livre délicieux et passionnant de Luc Ferry sur l’invention de la vie de bohème aux Editions du Cercle d’Art.
Les textes sont évidemment bons et formidablement intelligents (normal c’est du Luc Ferry). On ne s’y ennuie pas un seul instant et l’on s’instruit en s’amusant. L’iconographie (qui n’est pas de lui) est en outre superbe, drôle et fidèle à l’époque et à l’esprit de la bohème.
On peut être bohème mais génial et subtil. Les affiches reproduites dans ce livre superbe vous étonneront par leur audace, vous éblouiront par leur modernité et vous captiveront par leur hardiesse.
Avant de conclure, je vous propose un florilège de citations de celui qui fut un des esprits les plus brillants de la bohème, Alphonse Allais, qui vous feront – du moins je l’espère – sourire.
A toutes et à tous : bonne lecture et bonnes vacances.
« J’ai toujours détesté le labeur et si je travaille, c’est dans le but unique de subvenir à mes débauches (je me passe aisément du nécessaire). »
« Il faut demander plus à l’impôt et moins aux contribuables. »
« S’il n’y avait pas de voleurs, il n’y aurait pas de gendarmes, et s’il n’y avait pas de gendarmes, il y aurait ben bien plus de voleurs que ça. »
« Et Jean tua Madeleine. Ce fut à peu près vers cette époque que Madeleine perdit l’habitude de tromper Jean. »
« Logique féminine : c’est quand on serre une dame de trop près… Qu’elle trouve qu’on va trop loin. »
« L’Angleterre est une ancienne colonie normande qui a mal tourné. »
« La statistique a démontré que la mortalité dans l’armée augmente sensiblement en temps de guerre. Le pied du soldat étant un organe d’une très grande importance, c’est grâce à cette considération que les conseils de révision hésitent rarement à réformer un cul-de-jatte. »
Une réflexion de mon palefrenier : « je panse, donc j’essuie. »
« Pourquoi dit-on que les académiciens sont immortels alors qu’ils ne dépassent pas la quarantaine ? »
« La niche fiscale : le seul endroit où le contribuable n’est pas traité comme un chien. »
« Marche funèbre composée pour les funérailles d’un grand homme sourd précédée d’une préface de l’auteur.
Préface
L’auteur de cette marche funèbre s’est inspiré, dans sa composition, de ce principe, accepté par tout le monde, que les grandes douleurs sont muettes. Ces grandes douleurs étant muettes, les exécutants devront uniquement s’occuper à compter des mesures, au lieu de se livrer à ce tapage indécent qui retire tout caractère auguste aux meilleures obsèques ».
Une invention d’Alphonse Allais: La casserole carrée pour empêcher le lait de tourner.
Jeune journaliste, Allais venait chaque mois retrouver le caissier du journal et lui disait :
– Bonjour ! Je viens toucher mon appointement.
Après quelques mois, le caissier ne put s’empêcher de lui faire remarquer qu’on devait dire : « mes » appointements.
– Oui, c’est vrai ! répondit Allais. Mais je ne vais quand même pas déranger le pluriel pour si peu de choses ! »
Pour terminer sur une note plus récente qui ne manquera pas de vous surprendre. Les bohèmes aimaient les costumes parfois excentriques. Le Premier britannique en raffolait également. Lors de leur première entrevue à Londres, de Gaulle voyant arriver Churchill s’exclama :
– « Mais c’est le carnaval de Londres !
Et Churchill de lui répondre à la vitesse d’une fusée – « Tout le monde ne peut pas s’habiller en soldat inconnu ! »
Les bohèmes aimaient à occuper le devant de la scène ; Churchill aussi.
« Je suis prêt à rencontrer mon Créateur, mais mon Créateur est-il prêt à me rencontrer, ceci est une autre histoire ! »
https://www.youtube.com/watch?v=m1_BKpgUG4I
Leo Keller
Neuilly le 11/07/2016
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